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L’étrange phare à plomb de Couëron

Publié le 04 juin 2002

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Émergeant tel un phare du fond d’une vaste zone d’obscurs marais, la tour à plomb de Couëron (44) à craché pendant plus d’un siècle la grenaille de toutes les armées
L’étrange phare à plomb de Couëron - Batiweb
Nous sommes à quelques encablures de Nantes, sur la route qui longe l’estuaire de la Loire. Dans ce pays à vocation maraîchère, la petite ville de Couëron repose en pays plat au milieu de ses marais. On pourrait croire que rien ne viendra jamais perturber la quiétude d’un tel paysage. Détrompez-vous. Ici s’élève l’un des plus étonnants monuments industriels des temps modernes : une tour de 70 mètres en briques où était fabriquée, au XIXe siècle, la grenaille. Faute de haute technologie, nos ancêtres étaient astucieux et avaient un merveilleux sens de l’observation. Car ces plombs destinés aux fusils devaient impérativement présenter une rondeur et une homogénéité parfaites. D’où l’idée de projeter du plomb fondu du haut d’une tour dans un bac à eau autorisant ainsi un refroidissement immédiat. Et c’est tout naturellement qu’entre le haut de la tour et la retenue d’eau en bas, que ces gouttes de plombs prenaient leur forme parfaite grâce à un phénomène physique naturel.

Il fallait y penser !
Pour se faire une idée de l’importance industrielle de ce site, il faut savoir qu’en 1913, la fabrique employait 700 personnes et traitait 40 % de la production de plomb en France. L’établissement naît en 1861 du rachat d’une entreprise nantaise par deux actionnaires de la firme Pontgibaud basé dans le Puy de Dôme. La société qu’ils fondent, les Fonderies de Couëron, profite du formidable essor industriel de l’estuaire de la basse Loire. Dans cette petite ville, en aval de Nantes, la présence d’une verrerie de bouteilles avait déjà démontré qu’il existait toute facilité pour débarquer la houille et les matières premières nécessaires à l’industrie. En 1878, la Compagnie des mines de Pontgibaud absorbe l’usine de Couëron qu’elle transforme afin de s’ouvrir à la façade atlantique. La houille est importée d’Angleterre et du Nord de la France tandis que le plomb argentifère et autres minerais constituent le fret des navires en provenance d’Espagne et de Sardaigne. Dans les fours de cette usine, géante pour son époque, on y traitait non seulement le plomb, l’argent et le cuivre, mais aussi les alliages et dérivés s’y rapportant : le laiton, la céruse et le minium. Au traditionnel laminage et façonnage de feuilles et tuyaux, s’ajoutent désormais les tréfileries pour fils de cuivre et de laiton. D’où l’idée de se livrer également à la fabrication de la grenaille. Mais pour se faire, il faut construire une tour pour les raisons que nous avons expliquées plus haut.

Un étrange phare
Le modèle est tout trouvé puisqu’il en existe déjà à Angers, Rouen et Marseille. Entièrement creuse, la tour est dotée de chaudières installées au sommet. Le plomb fondu s’y écoule dans un crible avant de tomber plusieurs dizaines de mètres plus bas dans des bassins remplis d’eau. Gravitation et choc thermique lui donne l’aspect de minuscules billes utilisées sous la forme de cartouche pour la chasse. À la fin des années 1870 on prévoyait qu’un tel équipement pourrait produire jusqu’à cinq tonnes de grenaille par jour. Et c’est ainsi que dans ce paysage d’un calme olympien se dresse cette tour qui témoigne toujours de l’activité industrielle des XIX et XX ème siècles. Aujourd’hui, cette tour est protégée et figure depuis plus de dix ans à l’inventaire des monuments historiques. Ce qui a pour vertu de geler tout aménagement intempestif aux abords de l’édifice. Toutefois l’avenir d’un tel site demeure suspendu à un vaste projet de réhabilitation des lieux et des anciens bâtiments industriels. Reste que le visiteur néophyte, en apercevant ce drôle de phare en pleine terre, se demande encore aujourd’hui quel navire pouvait apercevoir ce curieux sémaphore si loin de l’océan.

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