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L’Iliade et l’Odyssée du pont Rion-Antirion

Publié le 17 juin 2002

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La construction du pont Rion-Antirion, qui bientôt va relier le Péloponnèse à la Grèce continentale, prend aujourd’hui les allures d’un exploit digne de l’Iliade et de l’Odyssée
L’Iliade et l’Odyssée du pont Rion-Antirion - Batiweb
Ulysse ou Héraclès n’auraient pas renié les prouesses des ingénieurs du groupe Vinci chargés de la construction de l’ouvrage. Long de 2 255 mètres et doté de 5 travées, le pont va traverser, dans une zone connue pour ses risques sismiques, le détroit de Corinthe. Le tablier de l’ouvrage reposera sur quatre gigantesques piles d’une hauteur de 160 mètres prenant appui, par 60 mètres de profondeur, sur un sol renforcé de pieux. Ces piliers ne sont qu’une partie de la longue série de défis que cumule cet exceptionnel ouvrage. En effet, ceux-ci sont fabriqués dans une zone intermédiaire, entre terre et mer, appelée " wet dock ". Ils sont ensuite, avec force de précautions et d’énergie, remorqués en pleine mer. À proximité de leurs sites définitifs, dans une autre zone protégée de la mer baptisée " dry dock ", les embases de ces piliers sont simultanément édifiées avant d’être coulées sur l’emplacement définitif des piles. Ces embases, dont la taille atteint le diamètre record de 90 mètres sur une hauteur de 13 mètres, sont immergées sur une forêt de pieux qui tous ont été enfoncés de plusieurs dizaines de mètres au fond de la Méditerranée. Le maniement et le positionnement des embases tiennent à la fois de la précision horlogère et des travaux d’Hercules. Dans un déploiement impressionnant de barges géantes et de remorqueurs délivrant des milliers de chevaux, les masses de béton sont englouties par la mer. Une fois posées, les embases reçoivent, à l’issue de leur croisière, les gigantesques piles dont les formes coniques rappellent la réunion, en leur point le plus étroit, de deux capsules spatiales. Ce n’est pas là le seul point commun qu’elles ont avec l’espace. En effet, les piles du pont vont être à leur tour descendues vers leurs embases avec une précision digne d’un arrimage en apesanteur.

Chaque nouvelle opération est un défi
Mais ces opérations ne sont que le prélude à une intervention dont la banalité dissimule la difficulté. Le ferraillage intensif puis le remplissage en mer des immenses puits par du béton frais sont aussi de véritables défis. Sous un soleil sans aucune indulgence, les ouvriers installent en effet dans les colonnes un ferraillage dont la densité peu courante atteint 400 à 900 Kg par m3. Une architecture complexe d’acier qui doit rendre l’ouvrage quasi-indestructible. Quant au béton, il doit comme les piliers, lui aussi voyager en mer. Une opération qui se joue pour sa part contre la montre. En effet, le béton est produit à terre à partir de 2 centrales à raison de 30 à 40 m3/heure, à une température qui ne doit pas dépasser les 30 degrés. Les coulées se font donc toujours hors des heures chaudes. Chaque formule de béton est particulière car elle est ajustée au regard des contraintes structurelles de l’ouvrage. Une production supervisée sous l’œil intraitable d’une femme, Chrystelle Laborde, la responsable béton du chantier. Transporté dans des toupies et acheminé par une flottille de bateaux, le béton doit alors atteindre impérativement en moins de 3 heures son point de coulée. Au-delà, c’est la fin de sa durée de vie. Ultime précaution, il contient un super plastifiant sophistiqué fabriqué par la Sté Chryso, le Chrysofluid Optima 100. Un produit qui outre une forte réduction d’eau, offre un maintien de rhéologie 3 à 5 fois supérieur à un adjuvant classique. Une aide très précieuse pour les bétons autoplaçants. Au final, les têtes de piles qui viendront chapeauter ces obélisques herculéens seront à leur tour surmontées de quatre jambes, en haut desquelles viendront à leur tour se fixer les haubans du pont. Ces monuments émergeants de l’azur domineront pour longtemps la mer ionienne et les côtes grecques à 160 mètres au-dessus des flots. Le pont de Rion-Antarion, une fois terminé, sera à sa façon, à 3 000 ans d’intervalle, un hommage de taille aux ingénieurs qui ont donné à la Grèce ses plus beaux monuments. Un majestueux salut, au-delà des frontières temporelles, entre des constructeurs habités d’une même passion.

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