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Malpasset, un barrage catastrophique plein d’enseignements

Publié le 15 avril 2002

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La rupture du barrage de Malpasset fut, en 1959, l’une des plus grandes catastrophes civiles françaises. Un drame qui permit néanmoins aux ingénieurs de revoir profondément leurs techniques
Malpasset, un barrage catastrophique plein d’enseignements - Batiweb
Le 2 décembre 1959 à 21 heures 13, après plusieurs jours de pluie ininterrompue sur la Côte d’Azur, l’un des fleurons des barrages français, le site de Malpasset, explosait littéralement et déversait dans la vallée une vague de 50 mètres de haut. Arrivée à la mer par la baie de Fréjus, la vague laissait derrière elle 400 morts et des milliers de sans abris. C’était la première fois en France qu’un tel ouvrage cédait, cela marqua fortement l’opinion. Pourtant, contrairement à une idée reçue, les ingénieurs responsables du barrage avaient fait leur travail et, techniquement, il n’y avait rien à redire. Il faudra plus de huit ans pour que l’on détermine les causes réelles de cet accident. De ce drame, on devait néanmoins tirer les enseignements suffisants pour que cela ne se reproduise pas. Mais revenons un peu en arrière. La ville de Fréjus, au confluent de l’Argens et du Reyran, a toujours dû faire face à un problème vital d’approvisionnement en eau. Les Romains, en leur temps, avaient entrepris la construction d’un aqueduc de 40 kilomètres. Mais au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le problème était toujours le même. Le manque d’eau, notamment l’été, devenait chaque année plus sensible. Non seulement il devenait urgent de donner à l’agriculture locale les moyens de se développer, mais il fallait également fait face à l’afflux des touristes qui, congés payés aidant, découvraient le soleil de la Cote d’Azur. Enfin, raison plus évidente encore, il fallait endiguer les inondations régulières de la plaine de Fréjus par le Reyran. Trois raisons pour lesquelles le ministère de l’Agriculture devait approuver, le 3 aôut 1950, la construction d’un barrage sur ce cours d’eau, au lieu-dit "Malpasset". Le site ressemblait à celui de bien d’autres barrages et ne semblait pas présenter d’inconvénients particuliers : la vallée du Reyran est étroite et ses flancs sont raides. La construction d'un barrage "voûte" semblait donc tout indiquée. Aucun trait morphologique n’attira l’attention des ingénieurs. Le terrain (gneiss et micaschistes avec des filons de pegmatite), ne présentait pas de faille visible. Les forages ne révélèrent rien de particulier. On se mit donc au travail et, en 1954, l’ouvrage était achevé. Le barrage de Malpasset était du type "voûte mince", d’une hauteur de 66 mètres, l’arc de crête se déployait sur 225 mètres et l’épaisseur de la voûte au sommet ne dépassait pas 1,50 mètre.

Nuit tragique
C’est alors que dans la nuit du 2 décembre 1959, le drame survint. À la stupéfaction générale. Que s’était-il donc passé et quelles en étaient les causes réelles ? On a très vite compris que le béton de la voûte, son calcul ou sa réalisation, n’étaient pas responsables de l’accident. C’est le terrain de fondation qui avait lâché. Mais quid des raisons ?
Passés les mois de stupéfaction durant lesquels les ingénieurs furent mis au banc des accusés, on s’aperçut que la foliation du massif rocheux avait permis l’ouverture d'une faille rive gauche qui délimitait un bloc rocheux de grand volume. Un bloc qui d’un coup devait s’effondrer vers l’aval sous la poussée de l’eau de la retenue. Cette chute, facilitée par des phénomènes de sous-pression a été rendue plus dramatique encore par le fait qu’elle supportait la culée, placée rive gauche pour maintenir la voûte du barrage dont l’assise était incertaine. On s’est alors également aperçu que la perméabilité du terrain était particulièrement sensible à la compression, ce que personne n’avait remarqué lors de la construction. Ainsi, toute la pression hydraulique s’était concentrée sur la partie gauche du barrage, accentuant l’instabilité de l’ouvrage dans son ensemble.
Autre cause et non des moindres, le remplissage très rapide des quatre derniers mètres du barrage en 24 heures, en raison de pluies diluviennes, a opéré un véritable effet de choc sur la structure de ce dernier. Le barrage aurait certainement résisté si la montée des eaux s’était faite par paliers. Dernier point enfin, le barrage de Malpasset ne faisait l’objet d’aucune surveillance particulière. Et bien que des mesures de déplacement de la voûte aient été effectuées régulièrement, elles n’ont jamais été dépouillées et sont restées méconnues. Elles mettaient pourtant en évidence des déformations de grande amplitude qui laissaient supposer un comportement anormal du terrain de fondation et présageait une rupture imminente. Cette épouvantable catastrophe fut ainsi à l’origine de la création du Comité français de mécanique des roches (CFMR). Les auscultations traditionnelles du corps de barrage furent dès lors étendues à leurs fondations que l’on supposait, à tort, indéformable, au moyen de pendules inversés. Enfin, un soin nouveau fut apporté aux voiles d’injection et aux voiles de drainage. On assista en fait à une révision totale de l’approche des ingénieurs sur ces grands ouvrages. Depuis Malpasset, tous les barrages sont sous haute surveillance. Une révision qui sans doute à mis à l’abri de ces catastrophes la plupart des pays d’Europe.

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