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ND de la Consolation, la chapelle oubliée des victimes du cinéma

Publié le 14 mai 2002

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Au 23, de la rue Jean Goujon, à Paris, la façade à peine visible d’une chapelle, aussi luxueuse qu’énigmatique, abrite les tombes des victimes du premier cinéma public de la capitale.
ND de la Consolation, la chapelle oubliée des victimes du cinéma - Batiweb
Le XIXème siècle touche à sa fin. La physionomie de Paris a profondément changé depuis que le Baron Haussmann a donné à la capitale sa version définitive. Nous sommes en 1897 et le Paris d’alors est vivant, populaire et bourgeois à la fois. Car il faut bien avouer – contrairement à aujourd’hui – que les immeubles haussmanniens que l’on s’arrache de nos jours à prix d’or, étaient des lieux de vie intenses. En effet, l’aurait-on oublié, les " bourgeois " occupaient les premiers étages dits " nobles ", les autres, trop pénibles à monter par les escaliers, étaient réservés aux " travailleurs " ou plutôt à cette " middle class ", comme l’on dit, des employés de bureaux et autres courtiers en assurance. Paris, était quadrillé de quartiers bien définis, de véritables communes, que le petit peuple ne franchissait bien souvent qu’avec appréhension. Pour s’en convaincre, il suffit de lire les Mémoires d’un enfant de La Chapelle d’Albert Simonin. L’autre trait marquant de cette fin du XIXème siècle, c’est qu’avec l’industrialisation naissante et l’émergence du mouvement ouvrier, la misère a fait son apparition dans la capitale, si tant est qu’elle l’ait jamais quittée. Enfin, ne l’oublions pas, la France est alors catholique et romaine et le clergé y joue un rôle considérable. C’est une tradition très catholique que celle des dames patronnesses qui dispensent le bien aux indigents, aux pauvres, aux sans-abri. Outre le fait de distribuer de la nourriture, Coluche avec ses " restos du cœur " n’a rien inventé, ces braves dames cherchaient aussi à combler l’oisiveté, mère de tous les vices si l’on en croit l’Evangile.

Le cinématographe : le nouveau don des pauvres
En cette fin de siècle où d’aucuns imaginent que le progrès, notamment scientifique, va nous offrir un avenir radieux, surgit une invention, le cinématographe, qui retient l’attention de ces dames. Et c’est ainsi que, rue Jean Goujon, dans le 8ème arrondissement, elles firent ériger une longue baraque de bois occupée par vingt-deux échoppes de style médiéval, décorées de tissus peints et d’oriflammes, au-dessus desquels était tendu un grand velum. Ici, officiaient 70 dames de la haute société. Et l’une de ces échoppes, de 9 mètres sur 4, n’était autre que la première salle de cinéma publique parisienne. Les problèmes de sécurité des lieux n’étant pas encore régis par Bruxelles, la baraque, goudronnée, prit évidemment feu à la suite d’une fausse manœuvre de l’opérateur dont l’appareil chauffait autant qu’un four. Les flammes se propagèrent en quelques instants brûlant et asphyxiant les nombreuses personnes qui tentèrent de fuir. Bilan du sinistre : 125 victimes dont 120 femmes. En mémoire, il fut donc décidé d’ériger une chapelle grâce aux dons des Parisiens. La construction de celle-ci fut confiée à l’architecte Albert Désiré Guilbert. Coincée entre deux immeubles, la façade, à laquelle on accède par un escalier à double révolution, est assez inhabituelle. Au-dessus du portail, on peut y lire une inscription : " Ne vous attristez pas comme ceux qui n’ont pas d’espérance ". L’ensemble est d’inspiration baroque Louis XVI. L’intérieur est recouvert d’une belle marqueterie de marbre. La coupole, supportée par quatre lourdes colonnes de marbre gris, est ornée d’une peinture d’Albert Maignan. Derrière le maître-autel, dans un atrium spécialement aménagé en chemin de croix reposent, sous des cénotaphes, les victimes de l’incendie, mortes pour avoir trop aimé les premières images d’une invention dont l’avenir, vu les circonstances, était jugé fort compromis. Cette chapelle, baptisée Notre-Dame-de-la-Consolation, mémorial d’une catastrophe nationale, abrite aujourd’hui la Mission italienne et a été classée Monument historique en 1980. Quant aux parisiens, ils ont semble-t-il tout à fait oublié les premières victimes des magnifiques images de " l’entrée en gare du train de la Ciotat "…

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