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Réhabiliter une école : quand environnement, technique et patrimoine s’entremêlent

Publié le 04 mars 2022

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La rénovation d’une école ou de tout autre bâtiment se résume-t-elle seulement à une prouesse technique et environnementale ? Ce n’est pas le point de vue de l’équipe impliquée dans la réhabilitation d’une école mulhousienne en 2015, invitée sur le plateau du Rendez-vous du Mondial du bâtiment, ce vendredi. Si la performance énergétique et technique a eu sa part dans le chantier, la dimension architecturale, voire plus largement culturelle, n'était pas très loin.
Réhabiliter une école : quand environnement, technique et patrimoine s’entremêlent - Batiweb

Rénover une école fondée en 1871 : tel fut le défi d’un projet mené à Mulhouse (68) en 2015, présenté lors d’une intervention au Rendez-vous du Mondial du Bâtiment animée par Batiradio, ce vendredi 4 mars. 

« D’une demeure noble, transformée en atelier, puis en école, on est arrivés à y travailler et voir comment on pouvait mettre ce bâtiment en usage au 21ème siècle », raconte Pierre Lynde, architecte et co-fondateur de Formats Urbains, cabinet spécialisé dans la réhabilitation de l’ancien, notamment les friches industrielles et en charge du chantier. 

Structure originale de l'école, datée de 1871 - Crédit photo : Cabinet Formats Urbains
Structure originale de l'école, datée de 1871 - Crédit photo : Cabinet Formats Urbains

Un chantier qui, selon Andres Litvak, chargé du développement au CREBA, centre de ressources pour la réhabilitation responsable du bâti ancien, illustre différents enjeux de la rénovation d’un bâti si ancien, que ce soit sur le plan environnemental, technique et architectural.

Moins d’impact environnemental de l’ancien

 

La rénovation de l’école Cour de Lorraine à Mulhouse a beau avoir l’air titanesque, elle est loin d’être exceptionnelle. 

« On n’est pas sur une niche, on n’est pas en train de parler de quelques m2 de beaux bâtiments. Des études ont justement essayé de caractériser la performance énergétique du parc résidentiel français, de 30 millions de logements. On est en train de parler de trois tiers : le premier tiers qui date d’avant 1948 - et c’est celui qu’on appelle le bâti ancien -, un deuxième tiers qui date de ce qu’on appelle les Trente Glorieuses – la période de reconstruction avec des solutions industrielles mais sans forcément tenir compte des problématiques d’isolation thermique – et enfin le troisième tiers, après le choc pétrolier et où la question de la rénovation thermique a commencé à être prégnante », recontextualise Andres Litvak.

Image infrarouge de l'école Cour Lorrain à Mulhouse (68) - Crédit photo : Cabinet Formats Urbains
Image infrarouge de l'école Cour Lorrain à Mulhouse (68) - Crédit photo : Cabinet Formats Urbains

Sur ces trois catégories, la plus impactée est celle des Trente Glorieuses, selon l’intéressé, « où l’on est sur du 400 kW/m2 en consommation en moyenne par an », là où l’ancien est à 200 kW/m2 annuel et que le patrimoine actuel vise les 70 kW/m2 par an. 

Un défi alors que le budget alloué était « assez contraint », et  que « la Ville de Mulhouse avait des enjeux qui étaient sur la HQE, avec un niveau d’excellence en termes de la qualité de l’air (…) », commente Pierre Lynde.

Ces questions ont été entre autres traduites par le choix d’un enduit à la chaux pour trouver une teinte naturelle sans aucun adjuvant. Une recherche soigneuse d’un enduit à la chaux avec des éléments de liège, afin de combler les ruptures de ponts thermiques sur l’isolant, a été aussi engagée. 

Une prouesse technique, notamment au niveau de la QAI

 

Suite à une analyse du bâtiment préalable à sa réhabilitation, l’équipe de Formats Urbains a relevé des problèmes de transfert d’humidité. La cause ? Un traitement de façade avec un enduit étanche, durant les années 80 et à l’origine de désordres des planchers. 

Sans compter les aléas sismiques à laquelle l’Alsace est fréquemment soumise, en particulier dans le Sud, mais à des niveaux « qui sont assez moyens. Alors, ils s’appliquent peu sur des bâtiments existants, mais lorsqu’on fait des modifications, évidemment on en profite pour traiter tout ça », développe Pierre Lynde. 

Mais le plus gros enjeu technique de la rénovation de l’établissement mulhousien résidait dans la QAI. « Comme énormément des écoles construites dans les années 70-80, le règlement sanitaire départemental spécifique au bâtiment mentionnait simplement d’ouvrir les fenêtres toutes les heures, ce qui, évidemment, n’est pas fait en hiver. Donc la production d’humidité n’est pas absorbée, la production de CO2 est présente dans les salles. Je pense qu’il faut à peu près 40 minutes pour que l’air soit vicié », livre Pierre Lynde.  

Le bureau d’études missionné pour le chantier, iNeo, a dû ainsi contempler les solutions d’isolation possibles avant de pencher vers la laine de verre, complétée par des pares-vapeurs, afin de permettre une meilleure respiration au bâtiment. Une ventilation double-flux a été également installée, présentant une efficacité plus grande que l’aération naturelle, à en croire une étude de Zehnder, et qui est conforme à la RE2020 appliquée récemment.

 « Ca fait 20 ans, voire même 30 ans que des études sont publiées sur le coût de la qualité de l’air intérieur à l’échelle macro d’un pays. L’observatoire de la qualité de l’air fait état de 19,5 milliards d’euros par an pour la France », appuie Andres Litvak. « Avant de parler de ce risque de pathologie [constructive], je parlerais du risque sanitaire pour les occupants. Pour moi le premier levier c’est aborder la question en coût global », poursuit-il. 

La réhibilitation, une valeur patrimoniale, et par extension culturelle

 

Mais dans la rénovation de l’école Cour de Lorraine à Mulhouse, conserver la nature architecturale du bâti comptait énormément. 

Importance qui s’est manifestée, lorsque l’affaissement de l’ancien bâtiment dans les parties centrales de plus de 10cm, a été constaté. Un renforcement de la structure a donc été de rigueur pour stopper la descente. Cela a amené à quelques sacrifices, dont le remplacement du plancher en épicéa par des planchers bois poutre amovibles, « ce qui a été un crève-cœur » selon Pierre Lynde. 

Nouveau plancher mis en oeuvre dans l'école Cour Lorrain à Mulhouse (68) - Crédit photo : Cabinet Formats Urbains
Nouveau plancher mis en oeuvre dans l'école Cour Lorrain à Mulhouse (68) - Crédit photo : Cabinet Formats Urbains

L'architecte ajoute que « finalement, c’est un bien culturel ce bâtiment », tant sur l’amélioration du cadre d’apprentissage, que sur la portée historique. « J’aime beaucoup quand je fais visiter un bâtiment en réhabilitation et rappelle son histoire, son utilisation précédente, les techniques de construction (…) Ca a un impact sur la découverte par la population de son propre patrimoine », confie-t-il, enthousiaste. 

 

Virginie Kroun
Photo de Une : Dominique Giannelli Photographe

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