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Construction bois : « Il faut un rééquilibrage de la part du bois dans le marché de la construction globale »

Publié le 17 mai 2022

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Leader en Europe de production de bois CLT scié, Stora Enso Wood Products est l’un des premiers fournisseurs de solutions durables à base de bois pour le secteur de la construction. Face à l’arrivée de nouvelles normes environnementales, la division bois de l’entreprise finno-suédoise Stora Enso renforce considérablement sa présence en France, en investissant dans la préfabrication et dans des projets bas carbones, comme c’est le cas avec le projet Arboretum, à Nanterre. Décryptage avec Mathieu Robert, porte-parole et directeur Building Solutions de Stora Enso Wood Products.
Construction bois : « Il faut un rééquilibrage de la part du bois dans le marché de la construction globale » - Batiweb

Stora Enso a récemment décidé de renforcer sa présence en France, notamment en investissant dans la préfabrication de la construction bois avec ACDF Industrie. Quelles sont les principaux objectifs de la division produits bois de Stora Enso ? 

 

Mathieu Robert : L'important pour nous, c'est le marché. Et on voit que tous les marchés européens et même ceux en dehors de l'Europe sont en manque de main d'œuvre et la préfabrication est donc de plus en plus demandée. On a besoin d'aller plus loin dans ce qu'on fournit à nos clients, tout en étant plus rapide, mais on ne veut pas le faire tout seul. On a besoin de gens avec de l'expérience et c'est le cas d'ACDF Industrie. Ils vont investir dans une nouvelle ligne d'usinage, potentiellement, mettre des portes, des fenêtres dans des éléments CLT.

Le marché de la France est en plein boom avec cette nouvelle réglementation thermique carbone. Stora Enso a cinq grands marchés en Europe et la France arrive en tête. On voit un vrai marché, un vrai développement, une vraie demande surtout au niveau des bâtiments résidentiels et les bâtiments de bureaux.

Il y a 20 ans, pour utiliser la construction bois, vous deviez convaincre un architecte, qui lui devait convaincre un investisseur. Alors qu’aujourd’hui, c’est le promoteur qui demande directement une option pour un bâtiment biosourcé, un bâtiment en bois. La situation s’est donc inversée.

 

Avec notamment l’entrée de la RE2020, quels sont selon vous les atouts de matériaux biosourcés comme le bois, face aux nouveaux enjeux climatiques au sein du secteur de la construction ?

 

M.R. : Le bilan carbone déjà. Je pense que c'est une évidence. C’est ce qui va permettre de nous aider dans les événements climatiques actuels, d'inverser la balance, de substituer les énergies fossiles par des énergies renouvelables et des matériaux renouvelables. Mais pour moi, il y a aussi la rapidité maintenant. On doit construire assez vite, même si c'est la crise, même s’il y a un manque de logements dans tous les pays européens. 


Il y a un renouvellement à faire sur les bureaux et je pense que la crise du Covid a accentué ça. Je pense qu'on n'a plus les bons bureaux pour ce qu'on veut faire dans une vie d'entreprise. Donc il y a un renouvellement à faire de ce côté-là et on doit aller vite. Et le bois répond à ça, il est en plus vertueux dans le bilan carbone et il a quand même beaucoup d'atouts qui font que la demande est exponentielle.

 

L’utilisation de matériaux biosourcés et plus précisément du bois est-elle l’unique solution pour répondre aux enjeux climatiques ?

 

M.R. : Je le dis souvent mais si la part du bois dans le marché de la construction globale est de 4%, c'est bien le maximum. Donc il faut un rééquilibrage de la part du bois dans le marché de la construction globale.

Le bois n’est pas la réponse à tout. Pour pouvoir construire, j’ai besoin de fondations, j'ai besoin d'une cage d'ascenseur, parfois d'un noyau en béton. Mais on parle d'une situation qui était totalement déséquilibrée et là on réajuste justement. Si on monte à 10-20 % de parts de marché du bois, c'est déjà un grand pas.

 

Comment comptez-vous continuer à développer la construction bois, tout en faisant face aux normes de sécurité, comme les normes incendies par exemple ?

 

M.R.: C'est beaucoup de recherche et développement. C'est vrai qu’on hérite d'une situation où le bois n'était pas décrit dans beaucoup de codes de calcul, parce que le béton était omniprésent. Mais l’industrie de bois est en train de faire bouger pour les choses. On a par exemple amené des grands plans sur le feu avec plusieurs producteurs. Il faut également mettre le bois dans les codes de calcul et que ça ne soit pas un frein à la construction, parce qu'on a les solutions. Il y a aussi un très gros travail d’éducation à faire, et ce dès la formation. Les architectes ont par exemple à peine 10 % de bois dans leur cursus, c'est bien le grand maximum, et pareil pour les ingénieurs.

Et maintenant on voit les écoles des travaux publics centrales qui mettent des cours sur le bois, sur la construction de bois, ce qui va aider à développer l'éducation et donc à prescrire le bois.

D'une part, nous, industriels, on a un effort à faire sur la certification, être conforme aux règles, faire évoluer les règlements mais de l'autre, il y a aussi tout cet aspect éducation.

 

Vous travaillez actuellement sur un projet de campus de bureaux bas carbone à Nanterre, qui s’appelle le projet Arboretum. Pouvez-vous en dire davantage sur ce projet ?

 

M.R. : L’initiative est à l'origine de Woodeum, il y a plus de huit ans. C'était un pari pour créer un campus universitaire sur le dernier terrain disponible derrière le quartier de la Défense, et pour prouver que la solution bois était la bonne. Stora Enso est le fournisseur du CLT pour le projet, qui est composé de cinq ou six bâtiments basés sur le même système constructif : poteaux-poutres en lamellé-collé, planchers CLT et une fermeture de l'enveloppe avec des panneaux d'ossature préfabriqués. Donc c'est quelque chose d’assez simple et répétitif. 

C’est pour nous le plus gros chantier qu’on n’ait jamais livré, avec plus de 18 000 mètres cubes de CLT sur plus d'un an, mais c’est aussi le plus gros chantier en Europe en bois avec 125 000 mètres carrés de surface de plancher. Depuis qu’on a commencé, il y a plus de six mois, ce ne sont pas moins de 4-5 camions par semaine qui arrivent et qui sont livrés, et montés directement par l'entreprise Mathis, qui a également fait le lamellé-collé. Stora Enso Wood Products a livré aussi des lamelles à Mathis pour faire son lamellé et l'entreprise Sibois fait l'enveloppe et on leur a livré du LVL, pour renforcer leurs panneaux. On a donc fourni plusieurs produits de Wood Products pour faire un chantier, on a vraiment cette vision de spécifier le bon produit au bon endroit et le projet Arboretum est pas mal pour ça.

Pour ce qui est de la livraison, on a 18 scieries en Europe. Le bois et nos usines CLT sont intégrés à nos scieries. Donc le bois vient principalement aux 100 kilomètres à la ronde de celles-ci. 


Travaillez-vous sur d’autres projets bas carbone similaires chez Stora Enso ?

 

M.R. : On a déjà livré plus de 700 projets depuis le début de l'année. En règle générale, on livre 2 000 projets à l'année, mais ce qu'on remarque, c'est qu'ils sont de plus en plus gros, donc il y a de plus en plus de beaux projets. On vient de finir une livraison à Singapour de la plus grosse université en Asie du Sud-Est, qui fait 6 000 mètres cubes. Sinon, pour ce qui est de l’Europe, on est en train de livrer de très beaux bâtiments dans les pays nordiques, notamment les pays scandinaves.

Ils travaillent plutôt autour des écoles et des universités et le développement du bien-être. Il y a plusieurs études dans les pays nordiques qui confirment que les enfants sont mieux dans un bâtiment en bois et donc en Finlande, toutes les écoles qui sont en train d'être faites sont en bois.

En France, on a la RE2020, mais la Suède est aussi à la pointe en termes de règlementations carbone. Ils ont la même idée de mettre dans le permis de construire ce bilan carbone, même si en France, les seuils ne sont pas encore fixés dans la réglementation, mais cela va venir.

 

Êtes-vous optimiste concernant les échéances fixées par les réglementations environnementales dans le secteur de la construction ? Pensez-vous que les projets utilisant les matériaux biosourcés comme le bois sont suffisants à l’heure actuelle ?

 

M.R. : On peut toujours faire mieux, mais je pense que tout ce qui est fait, est déjà un très grand pas. Et il faut aussi laisser le temps aux industriels et aux entreprises de progresser. Mais c'est bien d'être ambitieux, et je pense que ce qui est bien fait en France comme en Suède, c'est de fixer un cap, comme ça, ça nous oblige tous à bouger.

C’est la même chose aux États-Unis, puisqu’ils ont vraiment changé leur réglementation, pour permettre au bois d'aller plus haut. Ils peuvent construire jusqu'à dix huit étages, donc eux, ils ont vraiment débloqué les verrous.


Robin Schmidt

Photo de une : WO2 Arboretum, Nanterre, France © Stora Enso

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