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Construire décarboné : « N’importe quel matériau devrait être aussi précieux que l’or »

Publié le 01 avril 2022

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Face à l’urgence climatique, la décarbonation de la construction s’impose. Mais s’agit-il « d’une utopie ou d’une réalité » ? Telle est la question posée lors d’un Rendez-vous du Mondial du Bâtiment, ce vendredi 1er avril. Plus particulièrement pour l’architecte Philippe Rizzotti et François Petry, président du SFIC et DG de Lafarge France, ce processus doit aller au-délà du simple fait de respecter les moyennes des indicateurs carbone. Selon les deux experts, il convient de valoriser toute une chaîne. Entretien.
Construire décarboné : « N’importe quel matériau devrait être aussi précieux que l’or » - Batiweb

Ce vendredi 1er avril, les Rendez-vous du Mondial du Bâtiment organisés par Batiradio consacraient un débat à une question : la décarbonation de l'acte de construire, utopie ou réalité ? 

Les intervenants, issus de la filière béton, architecture ou plus globalement de la construction, s’accordent à dire que l’ambition est réalisable, à condition de changer d’approche. Plutôt que de parler de décarbonation et de réduction d’empreinte, il conviendrait mieux d’optimiser toute la chaîne de valeur.  

Aller plus loin que les moyennes des indicateurs

 

Et quoi de plus tangible pour estimer la valeur d’une construction durable que par les indicateurs d’empreinte carbone. Pour rappel, cet indicateur calcule la masse de chacun des matériaux, rapporté au coefficient carbone correspondant à cette masse. 

« Traditionnellement, les métiers de la construction et les métiers des matériaux de construction réfléchissaient le poids carbone à la tonne. L’évolution forte qui a eu lieu avec la RE2020, c’est qu’on est passé dans un indicateur intégrant l’ensemble des composants du bâtiment, qui est le poids carbone au m2 », nous explique François Petry, président du Syndicat français de l'industrie cimentière (SFIC) et directeur général de Lafarge France.

« Cela veut dire que le matériau au ciment, au béton et autre, sont pris en compte, mais aussi le second-œuvre et l’ensemble des matériaux et produits qui concourent à la construction », poursuit-il. 

« Après en France, c’est un peu plus complexe, puisqu’on a des fiches FDES qui correspondent aux composants déclarés les fabricants et les industriels. Néanmoins, si on veut commencer à l’estimer très tôt de la conception, il suffit de compter. Ce qu’on n’avait pas forcément l’habitude de faire mais qui nous semble un enjeu intéressant de valorisation des métiers et de l’acte de concevoir également », nous précise l’architecte Philippe Rizzotti

Mais pour les deux experts, se contenter de respecter les moyennes imposées par les indicateurs ne suffit pas. « Un des moyens d’aller plus loin justement serait d’envisager dès la conception, le réemploi d’un maximum de ces composants ou alors de valoriser la pérennité des autres », propose notamment Philippe Rizzotti. 

Dimensionner, innover, et transformer les métiers

 

Autre voie ouverte par les indicateurs : « À partir du moment où vous mesurez le poids carbone de chacun des composants, on va vers la bonne utilisation des quantités et des matériaux au bon endroit. Mais ça, c’est la démarche actuelle. Mais au lieu de se dire qu’on est guidés que par le coût, et bien, parfois, on va vers un dimensionnement qui a du sens et quelques fois il faudra mettre un matériau qui a un peu plus de poids carbone. Simplement au lieu de durer vingt ans, il va durer cinquante ans ou soixante ans, sans entretien et avec une capacité à générer une seconde ou une troisième vie de bâtiment », développe François Petry. 

Une démarche d’économies donc, profitable en ces temps de pénuries, mais aussi de créativité au cœur du métier d’architecte. 

« Vous prenez par exemple une structure en béton : elle peut être tout à fait conçue comme une infrastructure et être capable de se transformer dans un temps beaucoup plus court pour pouvoir accueillir d’autres fonctions. C’est un peu l’utopie des années 70, mais finalement c’est la réalité de Rome, qui est une ville de pierre, qui s’est transformée pendant des siècles et dont certaines constructions sont venues à nous pendant au moins 2000 ans », nous confie ainsi Philippe Rizzotti.

Si, aux yeux de ce dernier, anticiper l’évolution du bâti sur le long-terme est important, innover l’est tout autant. « Si vous construisez un hôtel cinq étoiles qui va avoir un niveau de rentabilité extrêmement fort : pourquoi est-ce qu’on ne se sert pas de certains programmes qui ont des niveaux de rentabilité extrêmement importants pour stimuler l’industrie, pour aller chercher des solutions innovantes », évoque-t-il. 

Solutions innovantes qui doivent servir dans plusieurs catégories de logements, en particulier l’habitat individuel « sur lequel il va falloir se mobiliser activement : parce qu’il n’est pas très exigeant par rapport à ce vers quoi on pourrait aller et il a grande capacité de transformation », estime l’architecte. D’autant que pour Philippe Rizzotti, ce secteur de la construction comprend un tissu de professionnels de métiers et de savoir-faire larges, pouvant muter par ce rebond d’innovation. 

« Tout bâti construit doit être un gisement pour l’avenir. Imaginez l’or : on l’a érigé en matériau quasiment divin et on est capable de connaître la quantité d’or fini sur Terre et on la retransforme et la réutilise en permanence. Et finalement, n’importe quel matériau devrait être aussi précieux que l’or », conclut-il.

 

Propos recueillis par Virginie Kroun
Photo de Une : Adobe Stock
 

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