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Interface ambitionne d’être « négatif en carbone » d’ici 2040

Publié le 09 mai 2022

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Créé en 1973, Interface compte aujourd’hui 5 usines réparties dans le monde (États-Unis, Chine, Pays-Bas, Irlande, et Australie) et 3 700 salariés. En 2019, le groupe diversifie ses activités en acquérant le fabricant de revêtements de sol caoutchouc Nora. Après avoir réduit de 96 % les émissions de gaz à effet de serre de ses sites de production et de 76 % l’empreinte carbone de ses produits, le groupe a lancé le programme « Climate Take Back », qui vise à rendre le groupe « négatif en carbone » d’ici 2040. Les explications de Laëtitia Boucher, responsable du développement durable pour l'Europe du Sud chez Interface.
Interface ambitionne d’être « négatif en carbone » d’ici 2040 - Batiweb

Quels sont les objectifs d’Interface en matière de réduction de ses émissions de CO2 et de son empreinte carbone ?

 

Laëtitia Boucher : Le parcours environnemental d’Interface a commencé en 1994. On s’était fixé d'avoir aucun impact sur l'environnement d'ici 2020. Aujourd'hui, on a réussi à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 96 % sur l'ensemble de nos sites de fabrication. On a réduit l'empreinte carbone de nos produits, notamment grâce aux matériaux biosourcés et recyclés, aux énergies renouvelables, et à une meilleure conception de nos produits - c'est à dire que nous utilisons moins de matières premières. Du coup nous avons réussi à réduire l'empreinte carbone de nos produits de 76 % en Cradle to Gate, c’est-à-dire de l’extraction de la matière première à la porte de l’usine. On utilise aujourd’hui en moyenne 64 % de matériaux recyclés et biosourcés dans nos dalles de moquette. On a aussi réussi à réduire notre consommation d’eau dans nos process de 85 %.

Ensuite on utilise des énergies renouvelables à 90 % au niveau global, et au niveau européen on est à 100 %. Les 90 %, cela s'explique surtout parce qu'en Australie et en Chine, nous n’arrivons pas à trouver des biogaz pour le moment.

En 2016, on allait atteindre notre premier objectif avec la « Mission Zero », du coup on s'est donné un nouveau défi avec « Climate Take Back » : devenir une entreprise régénératrice. C’est à dire qu'on ne va plus seulement essayer de viser la neutralité mais on va essayer d'avoir un impact positif sur les écosystèmes. Pour cela, on s'est fixé comme objectif d'être négatifs en carbone d'ici 2040, à la fois sur nos opérations, nos produits, et nos services.

 

Est-ce que vous développez de nouveaux produits conçus à partir de matériaux biosourcés ?

 

L.B. : Dans le rapport du GIEC, l’un des conseils des scientifiques, c’est d’abord de réduire les émissions, de restaurer les puits de carbone, mais aussi de créer des systèmes carbone humains, c’est-à-dire qu’on va réussir à séquestrer du carbone dans les produits pour éviter qu’il ne soit réémis dans l’atmosphère. C’est ce qu’on est en train d’explorer avec nos sous-couches. On a notamment sorti « CQuest Bio », qui est aujourd’hui devenue notre standard.

Ce qui est révolutionnaire, c'est qu’on a à la fois réussi à introduire des produits biosourcés, des matériaux recyclés, et on a totalement éliminé l'utilisation du bitume dans nos sous-couches, ce qui était le plus polluant, et d'autant plus que le bitume est issu du pétrole, et que cela devient une denrée rare en Europe. En moyenne, on a réussi à augmenter à 88 % les matériaux recyclés et biosourcés dans nos produits, et en même temps on a réussi à réduire d’un tiers supplémentaire l'impact carbone de nos produits.

On a ensuite voulu pousser l’expérience un peu plus loin et voir si on était capables de produire des produits négatifs en carbone. Du coup nous avons créé une autre sous-couche qui s’appelle « CQuest BioX », qui équipe nos 4 collections à impact carbone négatif Cradle to Gate. Dans cette sous-couche, on a entre 45 % et 50 % de matière biosourcée, et une fibre recyclée à 75 %.

 

Tous vos produits sont-ils recyclés ou revalorisés ?

 

L.B. : On propose le programme « ReEntry » pour les récupérer. Ce qu’on souhaite d’abord, c’est les réemployer au maximum si c’est possible (2 751 tonnes ont été collectées en 2021, NDLR). Forcément, c’est la solution la moins impactante en termes de développement durable. Si le produit n’est pas ré-employable, on a plusieurs possibilités : soit on va pouvoir les transformer dans un autre produit, soit on va faire de la valorisation énergétique.

Ensuite, avec la nouvelle génération de sous-couches, on est capable de recycler à 100 % le produit. On va récupérer la dalle de moquette dans son intégralité, on va la mettre dans une machine, et cela va la broyer et faire comme une poudre qu’on va réintroduire dans la fabrication de nouvelles sous-couches, donc là on va vraiment être en circuit fermé.

 

Que pensez-vous de l’entrée en vigueur de la Réglementation Environnementale 2020 (RE2020) ?

 

L.B. : Interface travaille depuis un moment avec le Green Building Council. On travaille sur des routes de décarbonation des bâtiments. Ces derniers temps, on s’est rendu compte qu’on s’intéressait énormément à la performance énergétique des bâtiments, et pas forcément à ce qu’on appelle « le carbone incorporé des bâtiments ». La RE2020, c’est vraiment ce qu’elle vient prendre en compte. Jusqu'à présent, avec la RT2012, on avait réussi à faire de très gros progrès sur la performance énergétique des bâtiments. On arrive même à faire des bâtiments passifs, voire positifs, qui vont créer plus d’énergie qu’ils n’en consomment. La RE2020 prend à la fois en compte la performance énergétique des bâtiments, mais aussi la performance des matériaux. Donc on est les premiers en France. Les européens sont en train de regarder comment cette réglementation se met en place et comment on passe les étapes au fur et à mesure. À savoir qu’il y a des pays nordiques qui commencent à s’intéresser au carbone incorporé des bâtiments. Ils n’ont pas encore légiféré, mais on sent que cela va certainement avancer. Si en France la réglementation fonctionne et qu’on voit qu’on arrive à se mettre en ordre de marche, cela va probablement avoir un effet rebond au niveau européen pour que la plupart des pays prennent en compte ce fameux carbone incorporé. En espérant que cela débouchera sur des législations où l’on fera plus attention à l’impact carbone des bâtiments, et des produits et matériaux qui les constituent.

 

Propos recueillis par Claire Lemonnier
Photo de une : Laëtitia Boucher

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