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Le projet Recybéton démontre la faisabilité industrielle du recyclage du béton

Publié le 26 mai 2015

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Après trois ans de travaux, les professionnels du BTP engagés dans le projet national Recybéton affirment que le recyclage du béton issu de la démolition, pour le réutiliser dans la formulation de nouveaux bétons de construction est possible à une échelle industrielle. Si les expériences menées sont probantes, il reste à convaincre les professionnels de se lancer dans ce recyclage. L'enjeu est de taille, 20 millions de tonnes de béton de déconstruction attendent d'être valorisées.
Le projet Recybéton démontre la faisabilité industrielle du recyclage du béton - Batiweb

Le BTP produit chaque année 260 millions de tonnes de déchets environ. Or, seule une partie de ses déchets est recyclé. Les granulats recyclés ne représentent par exemple que 10 % de la production nationale totale de granulats.

« La profession fait face à deux mouvements, explique Jacques Roudier, président du projet national de recherche et développement Recybéton. D'un côté, nous avons une source de matériaux disponibles issus de la démolition auxquels il faut donner une seconde vie, la plus riche possible en termes de valeur ajoutée. De l'autre, les matériaux naturels se font plus rares et plus difficiles à extraire. Leur extraction est en effet de moins en moins bien acceptée et risque de devenir moins rentable. Notre objectif est donc de faire entrer les produits de la démolition dans le cercle de l'économie circulaire », résume-t-il.

D'où le lancement en 2012 du projet Recybéton, qui livre aujourd'hui ses premiers enseignements quant au recyclage des granulats et à l'utilisation du béton recyclé dans des opérations de construction.

Une réutilisation dans le béton pour la construction

Le gisement de « déchets béton » recyclable est actuellement estimée à 20 millions de tonnes. 80 % des bétons recyclés sont utilisés comme sous couche routière, « les 20 % restants posent problème, car la ressource n'est pas assez triée en amont », détaille François de Larrard, directeur scientifique.

Ce béton, qui ne dispose pour l'instant que d'un seul débouché dans la voirie, pourrait pourtant être valorisé dans des projets de construction. Certains pays européens le font déjà et réalisent des bétons de structures incorporant du granulat recyclé. D'autant que cela permettrait « d'amorcer une boucle locale, dans la mesure où la ressource est située dans la ville et utilisée pour cette même ville », souligne François de Larrard.

La première tranche de travaux du projet Recybéton s'est donc penchée sur la technologie et les procédés nécessai, les matériaux et les structures, les possibilités d'adaptation au recyclage complet du béton des filières existantes mais aussi aux aspects règlementaires et normatifs. Quatre expériences grandeur nature ont également été menées en France, en plus des tests en laboratoire visant à examiner les tolérances de composition chimique en fonction des utilisations prévues.

Des tests du béton recyclé grandeur nature

Sur le premier chantier expérimental, une gamme de bétons incorporant de 0 à 100 % de granulats recyclés a été mise en oeuvre lors de la pose d'un dallage d'une épaisseur de 18 cm, destiné à un parking de 2 100 m2 pour véhicules légers sur le site de la société ELTS à Chaponost (69).

L'analyse comparée approfondie des différentes formules de béton montre que, selon la part de granulats recyclés, on assiste à un retrait plus important (accroissement des retraits, avant et après prise). « En d'autres termes, ce béton se contracte davantage en séchant et présente également un module élastique plus faible », précise Sophie Decreuse, Directrice produits et qualité nationale de Cemex.

Cependant, « la théorie ne prévoit pas pour autant une augmentation du risque de fissuration (…), même pour les granulats 100 % recyclés », précisent les acteurs de Recybéton. De plus, « hormis l'utilisation de béton recyclé les pratiques habituelles du chantier n'ont nullement été modifiées », soulignent-ils.

Trois autres chantiers ont également été menés : deux ouvrages d'art dont une passerelle de contournement pour la ligne ferroviaire Lille-Montpellier et un bâtiment d'archivage.

« Ce recyclage pose encore problème aux professionnels du béton, notamment en termes de place et d'équipements », reconnaît toutefois François de Larrard. Il est également difficile de gérer cette ressource, car elle varie beaucoup en fonction des chantiers de démolition ». D'où l'incorporation d'un sixième thème de recherche dans le projet Recybéton, qui porte sur le prémélange en carrière des recyclats avec les granulats neufs.

Une seconde vie dans le ciment

Mais la filière du granulat recyclé ne serait pas complète sans la réutilisation du sable. Il pourrait en effet être mieux valorisé, notamment dans la fabrication de ciment. Dans le premier cas baptisé « CR1 », le sable se substitue en partie aux constituants naturels habituels du ciment ou du clinker (calcaire, argile, etc.). « La norme ciment ne l'interdit pas », précisent les acteurs. Dans le second « CR2 » : l'ajout de ce sable se fait dans le ciment, à la sortie du four. Mais « cela pose problème, car ce constituant n'est pas prévu dans la norme », précise François de Larrard.

Des normes qui pourraient évoluer grâce aux enseignements de ces travaux. Les professionnels publieront prochainement un recueil de propositions d'évolutions normatives et réglementaires visant à encourager et faciliter l'utilisation du béton recyclé, un ouvrage de synthèse résumant les acquis scientifiques du Projet national et un ou plusieurs guides pratiques à destination des professionnels.

Un colloque « Le recyclage du béton dans le béton, tout naturellement » est également organisé le 16 juin prochain dans les locaux de la Société Mutuelle Assurances Bâtiment et Travaux Publics (SMABTP) pour informer les professionnels de la filière.
 

Le point sur la réglementation

Dans le secteur du bâtiment, l'utilisation des matériaux recyclés pour faire du béton n'est possible que depuis 2012, et pas dans tous les ouvrages. Par exemple, la norme NF EN 206-1/CN publiée en décembre 2014 autorise 20 % de substitution de gravillons naturels par des gravillons recyclés dans des bétons soumis à des classes d'expositions courantes.

Pour la voirie, 80 % des bétons sont d'ores et déjà valorisés en sous-couches routières.

Claire Thibault
© UNPG - Charte Environnement des industries de carrières

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