"Cette femme avait un style tout à fait à part dans sa façon de s'habiller comme de regarder les lieux", se souvient Didier Grumbach, président de la fédération française de la couture et du prêt-à-porter des créateurs. "Ce n'était pas une décoratrice, elle redessinait les volumes. Les objets étaient répartis dans ces volumes en fonction de leur dimension et pas du tout de leur fonction", ajoute-t-il.

Andrée Putman a signé nombre de boutiques de créateurs de Mugler à YSL, de Montana à Alaïa.

La Jeanne d'Arc du design

Pour Jean-Charles de Castelbajac, "Andrée Putman était la Jeanne d'Arc du design. Il y avait du génie et de l'héroïsme dans son travail. Elle était l'héritière du Bauhaus, dans la lignée de [la designer irlandaise] Eilen Gray et d'autres grandes femmes créatrices qui ont fait aussi ce que la condition de la femme est aujourd'hui", a confié le créateur de mode français.

"Il y avait une dimension visionnaire dans son oeuvre qui est aujourd'hui un style à part entière, autour du noir et blanc", a-t-il ajouté. Les salles de bain au fameux damier noir et blanc conçues en 1984 par Andrée Putman pour l'hôtel Morgans de New York avaient frappé les esprits par leur modernité et leur minimalisme, asseyant sa réputation outre-Atlantique.

Une grande utopiste...

Pour Jack Lang, Andrée Putman était "une grande dame, habitée d'une vraie utopie: que l'art pénètre toute les couches de la société". Il lui avait commandé le mobilier de son bureau rue de Valois alors qu'il était ministre de la Culture de François Mitterrand. Un bureau passé ensuite chez Lionel Jospin au ministère de l'Education, puis à Matignon, où cinq premiers ministres l'ont conservé.

Jack Lang se souvient aussi avec émotion de l'aménagement qu'a fait Andrée Putman du ministère de l'Education rue de Grenelle, "un lieu poussiéreux, gris, où on était mal installé". "Elle était l'harmonie même, et elle savait la créer autour d'elle", a-t-il souligné. "Si nous étions au Japon, elle aurait été depuis longtemps reconnue Trésor national", a lancé Jack Lang.

Laurent Perrin (source AFP)