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Audit énergétique : « Il faut avoir des politiques claires et lisibles » (Cinov Ingénierie)

Publié le 24 mai 2022

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Face à l’application de l’obligation d’audit énergétique pour la vente de logements F et G en septembre 2022, Cinov Ingénierie émet quelques réserves. Entretien avec Julien Garnier, administrateur de la fédération, pour qui l’audit énergétique doit être administré par des professionnels qualifiés, encourageant ainsi une « rénovation globale sensorielle.».
Audit énergétique : « Il faut avoir des politiques claires et lisibles » (Cinov Ingénierie) - Batiweb

Depuis sa publication au Journal Officiel le mercredi 4 mai, le décret sur l’obligation, mise en oeuvre à partir de septembre prochain, d’effectuer un audit énergétique pour la vente de logements F et G, fait parler de lui. Pour rappel, valable 5 ans, le nouvel audit devra calculer les consommations d’énergie annuelles et émissions de gaz à effet de serre, tout en proposant des travaux de rénovation énergétique performants.

La Fédération interprofessionnelle du diagnostic immobilier se dit prête et confiante. Le syndicat Cinov Ingénierie émet quelques réserves. Pourtant ce n’est pas faute de se préparer à cette évolution législative – en élaborant son propre référentiel - « depuis plusieurs années », nous assure Julien Garnier, administrateur du syndicat Cinov Ingénierie. 

Il ajoute : « On a travaillé notamment avec l’Ademe, en concertation avec tous les acteurs de la profession, et notamment l’OPQIBI et Qualibat. On sait aujourd’hui que l’audit, tel qu’il est, il a une grande valeur, on en a réalisé un grand volume. Donc nous on sait faire cet audit. L’inquiétude qu’on a, c’est de préparer la profession à sa réalisation. Ça nécessite un travail de formation et d’accompagnement. Et aujourd’hui, le gouvernement met en place des mesures en confiant cet audit aux diagnostiqueurs ».

A son échelle, le syndicat Cinov Ingénierie réunit 800 bureaux d’études qui sont qualifiés pour ces audits sur le territoire. « Si demain, il y a un marché, les bureaux d’études vont répondre au marché. Moi j’ai un bureau d’étude de 25 personnes avec quatre référents sur l’audit énergétique. Mais le marché n’est pas là. L’État n’a pas souhaité soutenir les acteurs de la profession qui font ça depuis 10 ans », s’inquiète Julien Garnier.

Ouvrir le marché de l’audit énergétique tout en accentuant la qualification 

 

Mais Julien Garnier insiste : le syndicat Cinov Ingénierie n’est pas fermée à l'idée de partager le marché de l’audit énergétique sur le territoire français. Au contraire même, plus il y a des personnes qualifiées pour effectuer cette procédure, mieux la sensibilisation des ménages à la rénovation énergétique sera. 

« Néanmoins, il y a un problème de traitement et d’équité entre les professions », observe Julien Garnier. « On ne peut pas appeler un audit énergétique, un audit qui est fait sur un certain référentiel beaucoup plus léger, et un autre audit qui est fait différemment, qui est beaucoup plus complexe, où effectivement les propositions de travail sont étayées par chiffrages. On a une faisabilité technique, puisqu’on est tous majoritairement maîtres d’œuvre. Quand on fait les prescriptions de travaux, on sait ce que l'on raconte », compare-t-il.

Une compétence qui n’est pas acquise systématiquement chez les diagnostiqueurs, mais qui peut s’obtenir par la formation à ce référentiel, proposé par le représentant des ingénieurs. Ainsi, les diagnostiqueurs seraient plus aptes à proposer ces solutions, surtout s’ils reçoivent les qualifications OPQIBI. Associées à la réglementation sur les audits énergétiques pour les grandes entreprises, ces qualifications sont divisées entre trois catégories, dont l’OPQBI 1905, reconnue « RGE Études », consacrée aux bâtiments tertiaires et habitations collectives. 

Le problème c’est que le « gouvernement veut aller très vite sur le déploiement de ces audits, sur la formation des diagnostiqueurs, sans même créer un référentiel, sans avoir créé un programme de formation, sans s’être assuré que les organismes soient aptes à répondre à la demande, sans que les logiciels ne soient prêts non plus », explique Julien Garnier.

Décalée en septembre, l’application de l’obligation d’audit énergétique pour la vente de logements F et G, ne donne pas un temps de préparation suffisant. D’autant qu’elle sera précédée d’une phase d’audits-test en juillet-août, période de vacances où peu d'ingénieurs et de diagnostiqueurs, seront peu disponibles. 

D’où l’intérêt, selon Julien Garnier et le syndicat Cinov Ingénierie, de proposer une période probatoire à cette application de l’obligation, donnant lieu à une application officielle d’ici début 2023.

Rehausser le niveau d’ambition pour la rénovation 

 

Mettre en place cette période probatoire améliorerait davantage la feuille de route de l’Etat vers une « rénovation performante en une fois et à coût maîtrisé », inscrite dans les ambitions de la Cinov Ingénierie. 

« Le texte laisse entendre que l’objectif de rénovation d’une passoire c’est de convertir cette passoire en classe D ou en classe E. L’écart de performance n’est pas suffisant on va généralement faire des travaux de piètre qualité : une isolation assez moyenne, on va à peine changer le système de chauffage... Or, l’idée c’est d’avoir une influence sur la facture des ménages », développe l’administrateur du syndicat Julien Garnier. 

Et davantage aujourd’hui, où le contexte inflationniste des prix de l’énergie, ravivée par la guerre en Ukraine encourage un recours à la rénovation globale des logements. Donc, afin d’éviter de « dépenser du carbone et de l’énergie » pour des moitiés de rénovation sans impact financier pour les ménages, il convient pour la Cinov Ingénierie de revoir à la hausse les seuils d’exigence. 

« Il faut être à minima en classe B, ou parler d’un écart relatif : une diminution des consommations énergétiques de 60 %, par exemple », estime Julien Garnier. Une stratégie qui n’est certes pas évidente à appliquer sur tous les bâtis, mais qui est réalisable, grâce à la qualification en audit énergétique. 

« Nos ambitions de rénovation sont en-dessous de ce qu’on devrait faire », déplore Julien Garnier. « On ne parle jamais de perméabilité de l’air du bâti, alors que les fuites d’air, c’est une des principales causes de déperditions. Et au-delà de ça, on ne se préoccupe jamais de qualité acoustique, de qualité de l’air, de préservation de la biodiversité… En fait, nous ce qu’on promeut c’est une rénovation globale sensorielle », promeut-il.

D’autant qu’il s’agit de notions abordées par la RE2020 pour la construction neuve, alors que le logement neuf représente à peine 1 % du volume de logements en France. Pour Julien Garnier, il est urgent de donner corps à cet écosystème de la rénovation, allant de l’industrie à l’installation de solutions. Cela renforcerait l’attractivité du bâtiment, notamment auprès des jeunes, concernées par la transition écologique et énergétique. 

Cependant, pour structurer cette filière, encore faut-il « avoir des politiques claires et lisibles, et qui tiennent dans la durée ». Reste à savoir si Amélie de Montchalin, nouvelle ministre de la Transition écologique et de la cohésion de territoires, contribuera à cette feuille de route...


Propos recueillis par Virginie Kroun
Photo de Une : Twitter @garnierju

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