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Enneigement des pistes : le chantier lunaire de l'Alpe d'Huez

Publié le 29 juillet 2014

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Victime de son succès depuis son ouverture en 1978, la piste mythique de Sarenne au coeur de l'Alpe d'Huez est actuellement en cours de réaménagement, après onze années d'études préliminaires et de démarches administratives. L'objectif est de créer un gigantesque lac artificiel d'une capacité de 165 000 m3 pour enneiger la piste la plus longue d'Europe durant toute la saison des sports d'hiver. Visite de chantier.
Enneigement des pistes : le chantier lunaire de l'Alpe d'Huez - Batiweb

A 3 300 mètres d'altitude, le chantier de la retenue d'altitude de l'Herpie prend l'allure d'un gros cratère lunaire. Au fond, une trentaine d'ouvriers et des engins s'affairent pour poser les 61 rouleaux de 200 ml chacun de membrane composite précontraint 1215. Acheminée par hélicoptère en raison de la difficulté d'accès au site, cette membrane verte fabriquée par le groupe Serge Ferrari en Isère assure l'étanchéité du site grâce à ses 1,25 mm d'épaisseur et sa bonne résistance mécanique.

« Cette membrane a été conçue spécialement pour résister aux agressions climatiques et aux températures extrêmes (amplitude pouvant varier de -50°C 0 +50°C). Elle résiste également à l'abrasion, au phénomène de poinçonnement et aux UV », explique Sébastien Baril, chef de produit Serge Ferrari.

Sa résistance à la rupture affiche 550 daN/5cm quand les géomembranes classiques affichent environ 100 daN. Elle dispose également d'excellentes performances pour déjouer les contraintes de hautes altitudes, telles que les avalanches et les chutes de pierres.
 

Acheminement des 61 rouleaux de géomembrane Précontraint 1215 © Serge Ferrari/ © Claire Thibault

Positionnée juste en dessous, une première membrane blanche drainante de Syncotex permet de collecter toutes les petites venues d'eau provenant des talus et de protéger la membrane composite précontraint. Enfin, un géocomposite, de retenue des terres, recouvre le tout pour garantir la stabilité des matériaux de confinement.

Une sixième retenue d'altitude

Fin août, le lac artificiel de 165 000 m3 sera mis en eau et servira à enneiger les 16 km de descente « skis aux pieds » de la piste mythique de Sarenne.

« Nous avions des difficultés à maintenir l'enneigement de la piste sur toute la saison, en raison de l'augmentation de sa fréquentation d'où l'idée de créer une retenue d'altitude », comme il en existe déjà cinq autres sur le domaine, dont trois - Marmotte 1 d'une capacité de 15 000 m3, Marmotte 2 (55 000 m3) et Montfrais (15 000 m3) - déjà équipées du même type de géomembrane, explique Christian Reverbel, directeur des pistes de l'Alpe d'Huez depuis 1970 et responsable des travaux de l'Herpie pour la SATA, Société d'aménagement touristique de l'Alpe d'Huez et des Grandes Rousses.
 

Mise en oeuvre de la membrane drainante (blanche) et de la géomembrane Précontraint 1215 (verte) © Claire Thibault


Pour pallier le manque de neige, l'idée est d'emprunter l'eau le temps d'un hiver pour créer de la neige de culture, puis la laisser retrouver son état liquide au printemps. « La prise d'eau se fait sur le torrent de la Sarenne uniquement lors de la fonte des neige du glacier, de mai à juillet. La réglementation est très stricte à ce niveau là et nous ne prenons pas d'eau sur les ressources d'eau potable », explique Franck Machet, gérant du bureau d'études géotechnique et environnement Alpes Ingé.

Limiter l'impact environnemental

Le projet est en effet le résultat d'un long processus d'études préliminaires et de démarches administratives lancé il y a onze ans, avec l'objectif de limiter l'impact environnemental sur le site existant.

« C'est un projet de longue haleine. Nous avons réalisé des inventaires de la faune et de la flore ainsi qu'un inventaire piscicole en partie basse de la piste. Par chance, le site présentait des caractéristiques géologiques favorables avec une cuvette rocheuse naturelle sur laquelle on a pu s'appuyer », détaille Franck Machet qui précise que l'aménagement de la piste s'est faite en partenariat avec des écologues.

Sur le site, un bâtiment pour abriter les pompes et les compresseurs d'air est en cours de construction. Tout au long de la piste, un ensemble de canalisations permettra la circulation des fluides nécessaires à la fabrication de la neige de la culture. Tous les 70 mètres et selon les aspérités du terrain, un enneigeur sera ainsi alimenté en eau et en air « sans aucun adjuvent, ni polluant », insiste Christian Reverbel. Le gigantesque brouillard d'eau produit par l'installation se congèlera instantanément au contact de l'air froid.

72 enneigeurs pour la piste

« Nous pulvériserons de l'eau pendant dix heures, chaque nuit, sachant qu'un enneigeur consomme environ 40 à 50 m3 d'eau par heure, et nous aurons, en totalité 72 enneigeurs positionnés sur 70 % de la piste », détaille Christian Reverbel qui rêve déjà de voir les montagnes se refléter dans le lac artificiel.

A terme, les mâts enneigeurs seront peints de couleur rouille et gris « pour qu'ils s'effacent le plus possible » et des traitements de reverdissement seront appliqués sur l'intégralité des travaux.
 

Un investissement total de 7,5 millions d'euros pour la station de l'Alpe d'Huez © Claire Thibault


Le site sera équipée de webcams pour suivre l'enneigement de la piste, sur le plan technique. Mais les internautes y auront également accès en ligne via le site de la station. Autre nouveauté : la possibilité de réaliser une descente en ski « by night » avec des lampes frontales, en suivant le repère visuel des LEDs fixées sur les enneigeurs.

Au final, cet investissement d'un coût de 7,5 millions d'euros HT permettra surtout à la station « de suivre l'évolution du mode de consommation de cette montagne devenue lieu de multiples plaisirs », conclut Christian Reverbel.

Quid du recyclage de la membrane ?

Si au bout d'une trentaine d'années (durée de vie moyenne), la membrane en composite précontraint a besoin d'être remplacée, elle pourra être recyclée. Les deux retenues d'altitude, Marmotte 1 et Marmotte 2, en ont déjà fait l'expérience suite à des besoins d'agrandissement.

Les membranes composites précontraint ont alors été déposées et recyclées via le process industriel Texyloop mis au point par Serge Ferrari. L'unité de recyclage basée à Ferrare, en Italie, a ainsi produit 27,6 tonnes de matières premières de deuxième génération (tuyaux flexibles en PVC, matelassage, tapis de culture pour toitures végétalisées en PET).
 

Fiche technique

Maître d'ouvrage : SATA
Bureau d'études : Alpes Ingé (38)
Terrassier : Socco (74)
Groupement d'étancheurs : N.M.G Etanchéité - mandataire (01) et Polen' (01)
Fournisseur du géotextile Pavitex : Syncotex (38)
Géomembrane Précontraint  1215 : Serge Ferrari (38)

Claire Thibault

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