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Guerre en Ukraine : plus de rénovation pour lutter contre l’inflation ?

Publié le 22 mars 2022

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On le sait : la guerre russo-ukrainienne ravive les tensions sur l'approvisionnement et les prix de l'énergie, notamment du côté du gaz. Une situation pouvant pousser les Français à réaliser des travaux de rénovation performante, afin de réduire leurs factures énergétiques. Explications avec Jean-Pascal Chirat, délégué général du CAH et Vincent Legrand, directeur général de Dorémi.
Guerre en Ukraine : plus de rénovation pour lutter contre l’inflation ? - Batiweb

La guerre en Ukraine vient jeter de l’huile sur le feu inflationniste des prix des matières premières, en particulier des énergies. Ce qui n’arrange pas les affaires de la France, et par extension celles de l’Europe, dépendante à 40 % du gaz russe.

 

L’impact du conflit sur la demande en rénovation difficile à mesurer

 

« Pour l’immédiat, en période d’inter-saison, une réduction volontaire sensible des consommations d’énergie en chauffage et eau chaude sanitaire permet de d’atténuer l’impact budgétaire de la hausse du prix des énergies sur les ménages français. A plus long-terme et en fonction de la confirmation des tendances inflationnistes, il sera nécessaire d’engager des actions plus durables d’optimisation des consommations par des travaux d’amélioration de l’efficacité énergétique de tout ordre dans les logements », nous expose Jean-Pascal Chirat, délégué général du Club de l’Amélioration de l’Habitat (CAH).

Or, pour l’intéressé, il est trop prématuré de déterminer de manière chiffrée l’impact du conflit sur la demande en rénovation énergétique. « D'autant que le marché est dans l’attente de la finalisation du dispositif France Rénov' pour le rendre complétement effectif », commente-t-il, en faisant référence au décret de Mon Accompagnateur Rénov’, dont on attend toujours la publication. « Mais on peut penser que le contexte du conflit et ses impacts devraient accélérer la mise en place du dispositif », poursuit-il.   

Même pondération du côté de Vincent Legrand, directeur général de Dorémi, entreprise de l'économie sociale et solidaire spécialisée en rénovation. 

« En plus on est en sortie d’hiver, les ménages se projettent dans leur rénovation après l’été, à partir de septembre-octobre. Et là, éventuellement ils s’y intéresseront plus tôt, mais on n’a pas de mouvement majeur constaté. On voit certes depuis ces deux-trois dernières années une montée en puissance de la rénovation performante, et pas seulement des petits travaux. Cette hausse, on espère qu’elle va s’accélérer, et que le contexte actuel va permettre une prise de conscience autour de la rénovation performante dans le paysage », nous confie-t-il.


La rénovation performante, une notion à encourager en France

 

Autre prise de conscience importante pour Vincent Legrand : « Quand on dit que le bâtiment consomme 43 % de l’énergie française, et là-dedans pour du chauffage, c’est-à-dire que bon an mal an, un tiers de toute l’énergie française passe dans le chauffage de nos bâtiments. Il y a un point qui est quand même central, c’est pourquoi on chauffe nos bâtiments. On sait pourquoi on a besoin d’énergie pour le transport, pour l’éclairage, l’ordinateur, la Wi-Fi, l’industrie. Par contre pour le bâtiment, on le chauffe parce qu’il fuit ».

Pour contrer ces fuites de chaleur, voire d’air, il convient d’activer les différents leviers de la rénovation performante, au sens des normes BBC. Et ces leviers ne se limitent pas qu’au chauffage, poste fortement valorisé, ne serait-ce que par l’augmentation récente de l’aide MaPrimeRénov’ pour les installations de PAC et de chaudières biomasse. Ils incluent également trois postes d’isolation (toiture, murs, sols), menuiseries extérieures (fenêtres et portes) mais aussi la ventilation, selon le rapport Perf In Mind d’Effinergie/Enertech, publié en janvier 2022. 

« Et ce que montre ce rapport, c’est que bien faire chacun de ces six postes ne garantit pas d’atteindre la performance. Ce qu’il faut, c’est surtout que l’interface entre ces postes-là soit bien traité », nous résume Vincent Legrand. Ainsi, selon ses estimations, une rénovation performante peut diviser par de 4 à 10 fois la consommation de chauffage. 

 

Face à l’urgence, comment appliquer la rénovation performante ?

 

Seulement, compte tenu de la montée affolante du prix des énergies, comment les Français et les entreprises du bâtiment peuvent répondre à l’urgence de réduire les consommations énergétiques ? « Pour le court terme et face à l’urgence, les professionnels peuvent opérer des priorisations sur leurs programmes de travaux en privilégiant les actions à effet rapide », propose pragmatiquement Jean-Pascal Chirat. 

Par travaux « à effet rapide », le délégué général du CAH entend la mise en place de système de régulation de chauffage, le remplacement d’équipements anciens à faible rendement par des solutions à haute performance énergétique, l’isolation de combles, l’isolation d’ouvrants… « Sur le plus long-terme, des travaux de fond type ITE/ITI, remplacement complet des ouvrants, installation d’équipement ENR (photovoltaïque, pompe à chaleur), rénovation globale peuvent être envisagés », complète-t-il. 

Il convient aussi de faire preuve de pragmatisme, quant à la politique publique à mener pour une offre de rénovation moins morcelée, et plus performante. Le directeur général de Dorémi, le reconnaît, et ce bien que l’offre de rénovation et des aides associées, reste morcelée et complexe à appréhender.

Face à un cocktail d’aides mêlée à l’inflation, « il faut prioritairement que l’État dépense des fonds publics pour les rénovations performantes. Je ne dis pas qu’il faut arrêter toutes les autres aides aujourd’hui, là ce serait difficile pour la filière, mais au moins qu’il y ait une aide, à très court-terme qui émerge, et qui soit pour la rénovation performante », appuie-t-il. Plus pratique pour les ménages, mais aussi les accompagnants et les artisans, cette offre universelle de financements (OUF) imaginée par Dorémi, se matérialiserait par un dossier unique proposant, selon les travaux entrepris et l'objectif de consommation visé, des subventions et prêts bonifiés. 

Former tous les acteurs de la chaîne rénovation

 

Une chose est sûre : « Dans la durée, les professionnels doivent envisager d’élargir leur domaine de compétence par la formation, la qualification, la diversification ou l’acculturation de compétences complémentaires. Cet objectif rejoint ceux des instances publiques visant à renforcer le secteur du bâtiment en population qualifiée (formation initiale et reconversion) », soutient Jean-Pascal Chirat. 

Sûrement est-ce dans cette idée que le CAH a lancé différents groupes de travail et de réflexion. Au programme : formation et accompagnement de la montée en compétences des professionnels du bâtiment, soutien des synergies publiques et privées pour la rénovation énergétique au sein des territoires, ou élargissement de la rénovation à l’échelle des îlots de quartiers en ce sens. Une mobilisation qui devrait s’accélérer face à l’inflation. 

Dorémi n’est pas en reste non plus sur ce point-là. Aujourd’hui, l’entreprise de l'économie sociale et solidaire accompagne et forme tous les acteurs associés à la chaîne de la rénovation performante. Cela va de l’accompagnateur rénovation guidant les ménages, aux artisans s’interrogeant sur les démarches à entreprendre. 
 
« L’heure est à présent et plus que jamais à la priorité des actions de rénovation et optimisation énergétiques à même d’accompagner les mesures de résilience que la France doit engager face à la crise et ses effets durables », conclut Jean-Pascal Chirat.

 

Propos recueillis par Virginie Kroun
Photo de Une : Adobe Stock
 

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