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Un charpentier primé pour ses capacités managériales

Publié le 07 décembre 2015

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A 52 ans ,Thierry Montégut vient de remporter le prix national Stars & Métiers pour sa gestion exemplaire des ressources humaines. Son entreprise familiale, située dans le Gers, compte 12 salariés pour un chiffre d'affaires d'un million d'euros. Interview de ce chef d'entreprise, artisan charpentier-couvreur-zingueur et manager.
Un charpentier primé pour ses capacités managériales - Batiweb

Batiweb : Vous êtes lauréat du prix national du concours Stars & Métiers dans la catégorie Management des ressources humaines , que représente cette récompense pour vous ?


Thierry Montégut : C’est un véritable aboutissement et une reconnaissance de mon engagement, en tant que modeste artisan. Les personnes précédemment mises en valeur par ce prix font un travail vraiment extraordinaire et noble, un artisanat de précision ou d'ébénisterie fine par exemple. J'étais loin d'imaginer qu'un artisan du bâtiment comme moi, qui travaille avec ses moyens, pouvait remporter un tel prix. J'ai d'abord été primé au niveau départemental, puis régional et enfin national. Ça fait bizarre de savoir que sur les 2000 candidats, je suis dans les 9 derniers et le seul représentant du bâtiment.

C'est une belle surprise d'être ainsi reconnu pour toute ma carrière. Mon entreprise Montégut Toiture est une aventure familiale créée en 1926 par mon grand-père, puis reprise par mon père. Alors que j'avais une vingtaine d'années seulement, il m'a fait confiance pour reprendre l'affaire. C'est alors devenu une entreprise individuelle en nom propre puis une SARL. Nous avons commencé avec 1 à 3 salariés. Aujourd'hui, nous sommes une équipe de 12 salariés dont 9 à temps plein.

Quelles sont les méthodes managériales qui vous ont valu ce prix ?

T.M : Le plus gros travail a été de faire changer les mentalités des salariés. L'adage veut que l'employé travaille et le patron gagne de l'argent. Cette image rétrograde rendait les rapports humains compliqués. J'ai donc essayé de changer cela, notamment en formant des apprentis à une autre idée du salariat.

Il faut également connaître ses employés. Cela veut dire se mettre à leur portée et les comprendre. Si nous avons deux oreilles et une bouche, c'est bien pour qu'on écoute deux fois plus qu'on ne parle. Un chef d'entreprise doit être capable de connaître le rythme de son salarié et de le mettre au bon poste.

La communication est également essentielle. Chaque matin, nous faisons un briefing pour s'organiser et échanger sur les chantiers en cours. Les ouvriers sont autonomes. Ils travaillent en binôme, disposent de leurs propres outils et organisent leurs horaires de travail comme bon leur semble. Je réponds toujours à leur demande s'ils ont besoin d'outils ou de matériels spécifiques, pour garantir la sécurité et la qualité d'un chantier.

 
Afin de souder l'équipe, nous mangeons tous ensemble le midi, nous arborons les couleurs de l'entreprise et nous nous retrouvons en dehors du travail. J'organise deux sorties, une en hiver, l'autre en été, autour de différentes activités (rafting, ski nautique, visite d'usines etc.).

Au delà de ce respect mutuel et de cette convivialité, il faut aussi savoir rémunérer les gens à leur juste valeur. Chaque année, depuis maintenant 5 ans, j'organise des entretiens individuels. A leur demande, les employés peuvent suivre un stage de perfectionnement ou une formation. Cela permet aussi de savoir si la personne souhaite évoluer dans l'entreprise ou partir dans une autre structure. Chez nous, on se dit les choses et on s'organise en fonction. Cela évite bien des tensions et désamorce les conflits.

Les salariés bénéficient aussi d'un système de prêts personnels à bas taux et d'une banque de temps. Les heures supplémentaires sont converties en jours, qu'ils peuvent cumuler pour partir en congés ou offrir à un collègue dont l'enfant est malade.

Quel investissement personnel cela représente-t-il ?

TM : Il faut être en phase avec ses propres valeurs quand on est chef d'entreprise. J'ai gardé celles que m'ont transmises mon père et mon grand-père et qui sont celles de l'artisanat : respect des employés, du client, des délais, de la matière, importance de la transmission du savoir, esprit d'entraide...

Mais cela ne suffit plus pour mener à bien son entreprise. Passionné par mon métier, j'avais tendance à confondre « le cœur et le cadre », j'avais du mal à dire « non ». Je n'avais pas les bons outils pour me faire entendre. J'ai donc fait appel à un coach en management, une fois par semaine, pour acquérir les bases. Cela me permet aujourd'hui de mettre le curseur au bon endroit et de gérer au mieux mon entreprise.

Je suis également engagé au niveau local : à la Capeb du Gers et en tant qu'élu à la chambre des métiers. J'interviens également dans les écoles et m'investis bénévolement auprès de l'association Aide et Handicap pour adapter des maisons au handicap des habitants.

Quelle est la clé du succès pour qu’une petite entreprise artisanale réussisse face à une conjoncture dégradée ?


T.M : Dans un environnement hyper rural comme le nôtre, il vaut mieux être collègue que concurrent, travailler en bonne entente avec les autres entreprises, se rendre service au niveau du matériel et des ressources.

Ensuite, il est important de faire savoir qu’on existe, de communiquer sur son savoir-faire et de montrer ce dont on est capable. Il ne faut pas hésiter à contacter les médias locaux, les radios ou encore les associations pour renforcer sa visibilité.

Du point de vue de la gestion, nous avons adapté la voilure à la conjoncture. Avant nous sous-traitions une partie de notre activité, par exemple pour l’isolation, le plancher, les lambris etc. Aujourd’hui, nous nous sommes diversifiés pour récupérer ses marchés et évoluer vers d’autres activités (produits bio, entretien toiture). Il est important de retrouver des niches pour combler les manques du marché.

Nous nous sommes beaucoup adaptés aux clients et à leur budget. Nous leur proposons des astuces pour réaliser les travaux à moindre frais. Cela va de l'emploi de matériaux d'occasion comme les tuiles, à la mise à disposition de matériels ou de matériaux pour qu'ils réalisent une partie des travaux par eux-mêmes. Parfois, il ne s'agit que d'un suivi de chantier pour s'assurer que tout est bien fait. C'est du gagnant-gagnant, nous rentrons dans leur budget, les travaux sont bien faits. Nous leur proposons aussi des facilités de paiement, pour régler en plusieurs fois. Mais là, c'est plus une question de trésorerie.

Quelles sont les perspectives pour votre entreprise ?

T.M : Le contexte actuel nous oblige à rester prudent en termes d'investissements. Ce qui nous occupe actuellement, c'est plutôt l'avenir de l'entreprise. A 52 ans, il est temps pour moi de passer la main et de transmettre mon savoir-faire. L'un des salariés qui travaille avec nous depuis une dizaine d'années est en passe de reprendre l'entreprise.

Propos recueillis par Claire Thibault
 

Zoom sur le concours Stars & Métiers :

Organisé par les Banques Populaires et les Chambres de métiers et de l’artisanat, le prix Stars & Métiers récompense les chefs d’entreprises artisanales pour leur savoir-faire et leur réussite en matière d’innovation technologique, managériale, commerciale et stratégique.

Plus de 2000 candidats de tous les métiers de l’artisanat et régions de France ont participé aux différentes sélections départementales et régionales. Plus de 80 ont été retenus à l’issue des sélections régionales pour concourir au niveau national. Au final, 9 lauréats au métier très différent (production, services, bâtiment, alimentation) ont été primés. Ils recevront leur trophée le 8 décembre 2015 à la salle Wagram, à Paris.

Photos : © F. Maréchal Stars & Métiers 

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