ConnexionS'abonner
Fermer

Les travaux d’isolation des façades et des toitures vont-ils enfin décoller ?

Publié le 27 juin 2016

Partager : 

Le décret relatif aux travaux d'isolation en cas de travaux de ravalement de façade, de réfection de toiture ou d'aménagement de locaux en vue de les rendre habitables a été publié le 31 mai 2016. Il était très attendu car la rénovation énergétique du bâti existant ne décolle pas et ce décret devrait contribuer à la faire enfin démarrer. Il rentrera en application le 1er janvier 2017.
Stefano Millefiorini, Expert en Efficience Energétique et Bâtiment Durable chez Rockwool, nous apporte son éclairage.
Les travaux d’isolation des façades et des toitures vont-ils enfin décoller ? - Batiweb

Batiweb : Quelles sont les obligations qui constituent l’essence de ce décret ?

Stefano Millefiorini : À partir du 1er janvier 2017, pour tout bâtiment résidentiel devant subir des opérations d’entretien courant (ravalement, réfection de la toiture, aménagement de comble), les travaux devront impliquer des travaux d’amélioration de l’efficience énergétique, sauf si des contraintes techniques l’empêchent. Il faut faire attention aux nombreuses exceptions.

Justement, quelles sont les zones d’ombre de ce décret ?

S. Millefiorini : Les nombreuses exceptions mentionnées par le décret sont justement des zones d’ombres dont certaines sont inquiétantes. Il y a trois grands types d’exonération qui autorisent à ne pas faire les travaux :

- Des raisons architecturales
- Un risque de sinistre
- Un retour sur investissement supérieur à dix ans.

Et le décret est flou sur le rôle de l’homme de l’art, qui sera finalement le seul juge de l’intérêt de faire l’investissement. Ces trois cas d’exception remettent en cause une partie des obligations du décret et offrent des échappatoires aux maîtres d’ouvrage qui ne souhaiteraient pas réaliser ces travaux, notamment par rapport au point sur le retour sur investissement (ROI). Le cas de l’ITE (Isolation Thermique par l’Extérieur) est emblématique du problème, car le ROI de nombreux chantiers est souvent de plus de dix ans.

Et qui va contrôler quand il n’y aura pas de travaux d’isolation ?

S. Millefiorini : Le contrôle du respect des obligations du décret n’est pas clair. On ne sait pas qui va faire ce contrôle.

Ce décret aura-t-il des conséquences sur les aides financières publiques ?

S. Millefiorini : La Loi de Transition Énergétique pour la Croissance verte stipule bien que l'obligation ne remettra pas en cause les aides publiques. Comme chaque année, nous devrons toutefois attendre le vote de la loi de finances 2017 qui validera ou non le maintien des financements publics et crédits d’impôt, à l’heure où ce type de travaux seront devenus obligatoires. Dans une période de rigueur budgétaire, il serait possible que le gouvernement ne trouve plus justifié d’engager des fonds publics pour des travaux désormais obligatoires. Les grandes tendances de la loi de finances 2017 commenceront à être connues au quatrième trimestre 2016 et conformé début 2017. On pourra juger à ce moment-là.

Au-delà de ces alertes, quel sera, selon vous, son impact pour le marché de la rénovation et de l’isolation ?

S. Millefiorini : Notre espoir est que ce décret vienne booster le marché de la rénovation, qui est à la peine, malgré la reprise dans le neuf en ce début d’année. Il y a pour l’instant à peine un tiers de ce qui devrait être fait pour atteindre les objectifs de rénovation énergétique fixés dans les obligations de la France.

Le Plan Bâtiment durable et ce décret fixent des objectifs et des obligations, mais il faut malgré tout réfléchir au développement des incitations. Par exemple, ces travaux ne peuvent pas être financés par du crédit à la consommation, mais plutôt par des prêts de type immobilier. Le temps d’amortissement de travaux lourds se rapproche plus d’un achat de logement neuf, que d’une rénovation légère.

Ségolène Royal a rappelé que les banques doivent jouer leur rôle dans le financement de la rénovation énergétique. Voilà une bonne façon de le faire.

Et dans le domaine énergétique, l’objectif des CEE étant déjà atteint à près des 2/3, cela ne va pas inciter les énergéticiens et autres obligés à soutenir fortement la rénovation énergétique.

Y aura-t-il des interactions avec le carnet de suivi et d'entretien du logement ?

S. Millefiorini : Si vous parlez du projet Passeport Rénovation, que Ségolène Royal a signé avec Gérard Mestrallet, cette convention a pour but d’expérimenter des passeports de la rénovation énergétique, dans seulement 10 territoires pilotes à énergie positive pour la croissance verte.

Un autre projet d’expérimentation piloté par The Shift Project et le Cercle Promodul devrait quant à lui se dérouler, durant les deux prochaines années, sur de nombreux territoires, permettant ainsi de construire une base de données solide recensant le maximum de bâtiments, et de s’assurer de la réalisation possible de tous les travaux à l’horizon 2050.

Batiweb : Quel est votre ressenti global sur ce décret ?

S. Millefiorini : Il ne faut pas se tromper car, même si nous émettons des réserves sur certains aspects du décret, cela reste un formidable outil pour faire progresser la rénovation thermique et acoustique des logements.

C’est un marché extrêmement important, qui n’a pas été pour l’instant à la hauteur des attentes, et le décret peut contribuer à son développement. Il est sûr que le retour de la croissance, qui se dessine en ce moment en France, sera aussi un facteur décisif.

Et les industriels, Rockwool en tête, ont un rôle à jouer via leurs produits innovants destinés à ce marché et via leurs réseaux d’artisans et d’entreprises spécialisées, qu’ils peuvent aider à développer des actions commerciales vers les maîtres d’œuvre.

Propos recueillis par Régis Bourdot

Sur le même sujet

bloqueur de pub détecté sur votre navigateur

Les articles et les contenus de Batiweb sont rédigés par des journalistes et rédacteurs spécialisés. La publicité est une source de revenus essentielle pour nous permettre de vous proposer du contenu de qualité et accessible gratuitement. Merci pour votre compréhension.