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Le ZAN, un bon outil pour limiter l’artificialisation des sols

Publié le 25 mai 2023

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Fixé par la loi Climat & Résilience, le Zéro Artificialisation Nette des sols (ZAN) vise à préserver et à restaurer des sols d'ici 2050. Un objectif qui pèse sur les collectivités territoriales, et qui contraint les promoteurs immobiliers et les organismes de logement social à mieux maîtriser les programmes de construction. Mais que pensent les architectes du ZAN ? Batiweb a rencontré plusieurs professionnels qui nous donnent leurs avis.
Le ZAN, un bon outil pour limiter l’artificialisation des sols - Batiweb

Étalement urbain de long du Littoral à Granville. ©Capla
 

Le ZAN est un objectif en deux temps que s'est fixé le gouvernement français. Tout d'abord, il s'agirait de diviser par deux le rythme d'artificialisation d’ici 2030, en se référant à la période de 2011-2021, puis, dans un deuxième temps, d'arriver à une artificialisation nette qui soit nulle d’ici 2050.


Construire autrement


« C’est un sujet qui concerne aussi bien les architectes et les urbanistes », selon Marie-Jeanne Jouveau architecte de patrimoine gérante de l’agence d’architecture parisienne Capla. « Le gros travail consiste avant tout de faire changer la mentalité. En effet, le ZAN incite à travailler autrement. Je suis très favorable au ZAN car cela aurait un impact direct sur la biodiversité. Plus on va s’étaler, plus on nuit à la réserve d’espaces naturels qu’on devrait garder, voire préserver », souligne l’architecte.

De son côté, l’architecte Virginie Martins qui travaille au sein de l’agence d’architecture Richez & Associés, s’étonne que la règlementation concernant le ZAN n’arrive que maintenant. « Il s’agit d’une très bonne idée, qu’il aurait fallu mettre en application depuis un moment », estime l’architecte, convaincue qu’il faut « encadrer la production de la ville, limiter la consommation foncière, et préserver les écosystèmes ». Pour les concepteurs, il s’agit donc d’une vraie opportunité qui les incite à proposer une alternative à la production de la ville. « On repousse sans cesse les limites de la ville, on construit dans des zones peu équipées car pas chères et faciles, on artificialise les sols, on crée des conditions de dégradation de l’air, on émet du carbone, on grignote sur les sols agricoles ou forestiers, il s’agit d’un modèle qui n’est pas soutenable », ajoute l’architecte, qui insiste sur le fait de réfléchir et apporter les bonnes réponses, d’un point de vue sanitaire, environnemental, mais aussi social, et pas seulement économique. 


Quel rôle pour l’architecte ?


Le secteur de la construction et de l’immobilier impacte directement la biodiversité, et l’artificialisation des sols impacte la qualité de vie et le bien-être. Pour les divers acteurs du secteur que nous avons rencontrés, avoir une stratégie ZAN, c’est développer des formes urbaines innovantes qui soient économes en foncier mais aussi en matériaux, et développer des modèles de rénovation urbaine et des projets d’aménagement qui s’appuient sur le système de réversibilité. 


« Les prochains écoquartiers seront probablement sur les centres anciens et les quartiers mal pensés comme les pavillonnaires et les zones d’activités. Le rôle des architectes est d’améliorer, de valoriser, de mener des études et réfléchir sur la vacance de ces quartiers, de même, créer de nouveaux usages, réfléchir sur le réinvestissement des zones pavillonnaires », poursuit Marie-Jeanne Jouveau.


Virginie Martins semble être du même avis : « Il faut freiner le rythme de l’étalement urbain, reconstruire la ville sur la ville, construire plus dense, réutiliser, rénover la ville, recycler les bâtiments. La loi va pousser les acteurs de la ville à changer leur manière de faire, la ville de 2050 est déjà là à 80 %, il faut prendre soin du patrimoine, il faut construire comme nos aînés, faire pour durer ». L’ensemble des acteurs comme les promoteurs, architectes, ingénieurs et urbanistes, sont ainsi concernés. « En tant que concepteurs, nous pouvons inciter et accompagner, mais pas décider », explique Virginie Martins.


Quelques exemples ici et ailleurs

 

Melle. ©Capla


Marie-Jeanne Jouveau nous raconte que Capla est, en ce moment, en pleine réflexion sur un projet à Melle, où les élus veulent créer un premier écoquartier sur le centre ancien médiéval. Étudier un périmètre donné, quantifier les leviers, réhabiliter certains bâtis achetés par la commune, revitaliser certains secteurs, le travail est de longue haleine, même si les avantages de l’application de cette réglementation, seront à long terme extraordinaires.

©Richez & Associés


L’agence Richez & Associés a été mandaté depuis deux ans, par la communauté urbaine de Caen la mer pour définir un plan guide qui s’étend sur 25 km², une projection sur les trente années à venir. Il s’agit d’un secteur qui est à cheval entre Caen, Bretteville-sur-Odon et Carpiquet, à mi-chemin entre zone urbaine et rurale, qui nécessite un véritable projet de territoire. Il y a dix ans, l’agence L’AUCAM (Agence d’Urbanisme de Caen Normandie Métropole), avait déjà travaillé le plan guide, qui prévoyait le développement du territoire sur les espaces agricoles. « On ne se posait pas les mêmes questions, on aurait fait la même chose, à l’époque », souligne Virginie Martins qui poursuit : « Aujourd’hui, les derniers rapports du GIEC, la prise de conscience collective en termes d’urgence climatique et écologique, nos professions doivent s’adapter. À l’échelle de la France, les chiffres révèlent que le territoire caennais est l’un des plus consommateurs en foncier agricole. Ces terres agricoles on ne leur donne pas de la valeur, alors que ce sont des puits de carbone. Il faut inverser le regard, et montrer que ce qui n’est pas bâti a aussi de la valeur ».


Dans leur démarche, Richez & Associés ont ainsi regardé le rythme de la construction, ils ont étudié les besoins du secteur pour pouvoir engendrer une stratégie sur trente ans. Il fallait soit construire soit densifier et recycler. « Une fois qu’on construit, on instaure une vraie limite. On l’a appelée une lisière. Il s’agit d’une zone de rencontre ou d’exclusion. C’est une épaisseur écologique, ou un espace de rencontre entre l’urbain et le végétal. Notre objectif est de pouvoir sanctuariser cette lisière dans le plan d’urbanisme », conclut l’architecte. 


Les architectes de l’agence Hessamfar & Verons ont réalisé Boma, le tiers-lieu qui met en commun le foncier disponible. Il s’agit d’un projet où se trouve une médiathèque, une ludothèque, une salle de concert, mais aussi une antenne de la CAF, et les archives des bibliobus. Les habitants en ont fait aussi un espace de coworking. Un point de rencontre public où la presse est mise à disposition gratuitement dans l’entrée commune. La médiathèque est ouverte à tous, et on a le droit de prendre un livre ou un jeu et aller dans le parc. Boma c’est aussi de l’intensification d’un terrain communal, où la réhabilitation de la salle de conseil municipal a été l’occasion de créer également un nouveau bâtiment de service public. Le parc sert au festival de « musik à pile » entre autres. C’est un projet co-financé par la Mairie, le département de la Gironde, la région Nouvelle-Aquitaine et l’État, pour mettre en commun un service public de proximité dans une petite ville de 5 300 habitants. Le site rayonne sur toute la communauté d’agglomération du Libournais avec plus de 5 000 abonnés.

 

Îlot de chaleur. ©Capla


Le ZAN une réglementation équitable ?


Le ZAN est relativement égalitaire mais c’est vécu, pour certaines communes rurales, comme une injustice. « Les territoires peu construits seront pénalisés vu que les réglementations touchent les villes moyennes, les communes de taille modeste mais aussi les bourgs. À ce jour, la loi ne permet aucune dérogation dans ce sens, et c’est bien dommage, mais probablement cela changera selon plusieurs critères. Il y aura vraisemblablement plusieurs adaptations, des cas particuliers. À suivre avec attention », selon Marie-Jeanne Jouveau.


Même son de cloche du côté de Richez & Associés, « Cette question se posera comment on va agir sur l’ensemble du territoire, tous les territoires sont différents, à chaque territoire sa culture, son architecture, sa production locale, sa géographie. Les disparités sont immenses entre l’Île-de-France et les métropoles d’un côté et les petites communes et les bourgs ruraux d’autre côté. C’est pourquoi, un dialogue doit s’instaurer entre les décideurs et les acteurs de la ville ».


En attendant que la nouvelle réglementation soit appliquée, mais aussi ajustée, un petit détour par le BIMBY, « Build In My Back Yard » devenu dans sa version 2, « Beauty In My Back Yard », le projet de recherche & développement open source proposé en 2007 par Benoit Le Foll et David Miet, et dont l’agence Villes Vivantes est devenue aujourd’hui l’un des acteurs majeurs. Un projet qui « vise la production chaque année de 200 000 maisons sans étalement urbain, connectées aux infrastructures existantes, le déploiement d’un renouvellement urbain « villageois » en mobilisant et en faisant monter en compétence les professionnels locaux de la construction ».


Le ZAN est l’affaire de tous !


Sipane Hoh
Photo de une : Adobe Stock

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