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Jeux Olympiques de Paris 2024, l’architecture 2.0

Publié le 25 avril 2024

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Le plus grand chantier urbain de France est réparti sur plusieurs communes de Seine-Saint-Denis. Il s’agit d’une véritable ville nouvelle comprenant des ouvrages réalisés pour organiser un évènement mondial, les Jeux Olympiques de Paris 2024. Un espace d’une quarantaine d'hectares hébergera ainsi des milliers d'athlètes et accompagnants participant à la compétition. Le complexe accueillera par la suite, à partir de 2025, des logements familiaux dont 25 % de logements sociaux, des logements pour étudiants, des commerces mais aussi des bureaux ainsi que des services.
Jeux Olympiques de Paris 2024, l’architecture 2.0 - Batiweb

À l’inverse de pays comme la Chine, ayant misé par le passé sur l’effet monumental des constructions olympiques et des signatures des architectes œuvrant pour les installations, en France l’ensemble des réalisations architecturales préfèrent la sobriété.

Un chantier titanesque, des équipes à pied d’œuvres et surtout un très grand nombre d’ouvriers pour cette fameuse ville dont la France héritera une fois que les Jeux Olympiques seront terminés. Pour mieux comprendre les tenants et les aboutissants d’un énorme chantier qui a occupé divers professionnels pendant plusieurs années, Batiweb est allé à la rencontre de plusieurs agences d’architecture dont, chacune à sa manière, a participé à cette aventure. 

 

Des projets « héritage »

 

Anne Pezzoni, l’une des associées d’archi 5, l’agence d’architecture établie à Montreuil précise qu’il y avait, dès le départ, une démarche intelligente et une volonté de continuer après les Jeux Olympiques avec une ville complète ayant toutes les commodités.

Telle est la logique appliquée pour le complexe sportif Yves-du-Manoir, à Colombes (Hauts-de-Seine). Selon les équipes d'OLGGA Architectes qui a travaillé sur le plan masse - avec Celnikier & Grabli Architectes et MCPaysages - du stade départemental Yves-du-Manoir et architectes du bâtiment B, dédié à la pratique du rugby et du football (vestiaires et tribune), comme il s’agissait d’un « projet héritage, il fallait être à la fois précis et concis ».

Rappelons qu’il s’agit d’un lieu emblématique qui va accueillir les Jeux Olympiques pour la deuxième fois de son histoire. Ces installations répondent aux besoins du Département, de la Fédération française du hockey et de son centre national d’entraînement mais aussi aux diverses exigences des publics scolaires et universitaires, des associations et des clubs sportifs, notamment du Racing Club de France Football 92 et du Racing Club de France Rugby.

Quant à l’agence d’architecture CoBe, dont le rôle a consisté à coordonner les sept projets architecturaux du lot E mais aussi à réaliser les trois bâtiments du lot E2B du Village des athlètes, « ce projet s’éloigne des ZAC individualistes et promeut une cohérence urbaine et globale. Le fil rouge de notre travail consistait à garder l’ADN du village olympique perçu par Dominique Perrault ». Retenons que l’on doit à ce dernier le schéma directeur du Village des athlètes.

« C’était un travail en flux tendu sur moins de deux ans pour la phase de conception avec une phase chantier qui a duré un peu plus de trois ans, nous avions un timing très serré. Concevoir, poser des questions, répondre aux questions et faire les changements se faisait dans la même journée. Je n’ai jamais vécu un projet aussi complexe et rapide à la réalisation. On sentait qu’il fallait être disponible tout le temps. Finalement, on est tous fiers d’avoir livré ce projet pour les Jeux Olympiques », déclare Alexis Charlot-Etienne, architecte et directeur de projet.

Stade départemental Yves-du-Manoir - Crédits photo : OLGGA Architectes
Stade départemental Yves-du-Manoir - Crédits photo : OLGGA Architectes

Des constructions neuves...

 

Concernant l’un des bâtiments neufs du stade départemental Yves-du-Manoir, confié à OLGGA, des vestiaires situés au premier étage ont été demandés. Guillaume Grenu, l’un des associés et Elise Renard, l’architecte qui a suivi le projet, nous racontent que l’ensemble se situe en zone inondable. Ainsi, il est interdit de construire dans de telles zones, sauf pour des équipements sportifs. Après plusieurs études sur le terrain, les architectes ont maintenu les vestiaires au rez-de-chaussée. Le bâtiment est très long mais à la fois discret, il s’insère dans le paysage et ne fait qu’un avec son voisinage. Ceci est dû entre autres à la toiture végétalisée qui sert en même temps de gradin.

« Les travaux étaient challengeants » selon les architectes qui ont mis tout en œuvre, en lien avec chacun de leurs partenaires, pour que le département des Hauts-de-Seine soit au rendez-vous de cet évènement historique. Livré avec quelques semaines d’avance sur le planning, cet équipement exemplaire va connaître une nouvelle destinée olympique, ensuite il servira à la population car il sera ouvert après la fin de la compétition. 

Alexis Charlot-Etienne, précise à son tour concernant le Village des athlètes : « Il fallait, en premier lieu, composer avec l’existant, définir comment on allait connecter notre projet avec le quartier du vieux Saint-Ouen mais aussi avec les autres volumes du Village des athlètes ainsi qu’avec le carrefour Pleyel, futur hub tertiaire. Notre projet s’inscrit entre deux échelles et il fallait réfléchir à cette couture urbaine ». 

Connecter un cœur de ville ouvrier à un futur projet très métropolitain avec des grandes échelles très denses était donc la priorité de CoBe. « La matière et les teintes prenaient part à ce jeu ainsi que l’histoire du site et la connexion à la Seine, une relation perdue au fil de l’histoire que la ville de Saint-Ouen souhaitait rétablir ». Après la ZAC des docks, la réhabilitation de la Cité du cinéma, vient ainsi la volonté des architectes de CoBe de s’inscrire dans la partie industrielle avec la présence de plusieurs matériaux allant de la terre cuite jusqu’au métal. 

L’agence Erik Giudice Architects connaît également bien le Village des athlètes. Elle était coordinatrice architecturale de l’ensemble des équipements du secteur olympique de l’écoquartier fluvial (Ilot PE) et mandatée pour la conception de deux bâtiments (PE2 et PE5) accueillant des logements pour les athlètes, le tout situé sur l’Île-Saint-Denis. 

Ensemble PE5 du Village des athlètes - Crédits photo :  Erik Giudice Architects
Ensemble PE5 du Village des athlètes - Crédits photo : Erik Giudice Architects

Deux entités ont travaillé ensemble, tout en octroyant à chacune une identité à part entière, précise Erik Giudice, fondateur de l'agence : « La spécificité de la construction du PE2 se résume dans sa réalisation hors-site avec un système constructif poteaux/poutres sur une base en béton avec une cage d’escalier en béton, qui sert à stabiliser la structure de huit étages. Puis nous venons empiler des volumes qui contiennent chacun une chambre déjà prête et terminée de l’intérieur. On vient habiller par la suite l’ensemble, avec une façade appliquée sur place qui fait en sorte que le système modulaire se trouvant derrière soit invisible ». Par ailleurs, le PE5 affiche une verticalité identitaire, comporte une façade en bois largement vitrée et se caractérise par ses volumes généreux et ses terrasses partagées et végétalisées.


...mais aussi des rénovations

 

De la Grande Nef de l’Île-des-Vannes à l'Île-Saint-Denis au stade Yves-du-Manoir à Colombes, plusieurs bâtiments renaissent en vue des Jeux Olympiques.

Depuis son inauguration en 1971, la Grande Nef de l'Île-des-Vannes a accueilli un grand nombre de manifestations sportives mais aussi musicales. Située à la pointe sud de l’Île-Saint-Denis, à Saint-Ouen, cet équipement exceptionnel se caractérise par sa couverture souple hyperbolique tendue par un maillage de câbles entre deux arcs obliques de béton. C’est l’agence Chatillon Architectes qui a été mandatée pour les travaux de réhabilitation. L’ensemble va accueillir les entraînements de gymnastique rythmique des Jeux Olympiques. Une réhabilitation tout en justesse pour un ouvrage inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques depuis 2007 et conçu par les architectes Pierre Chazanoff et Anatole Kopp, en collaboration avec l’ingénieur René Sarger.

De même, la réhabilitation intérieure du Grand Palais, monument historique et ouvrage symbolique de l’Exposition universelle de 1900, confiée à Chatillon architectes, aura pour but d’ouvrir ce lieu emblématique pour accueillir les épreuves d'escrime et de taekwondo des Jeux Olympiques. 

Vue sur le bassin nautique du Roucas-Blanc - Crédits photos : Carta - Reichen et Robert Associés
Vue sur le bassin nautique du Roucas-Blanc - Crédits photos : Carta - Reichen et Robert Associés

La Ville de Marseille a été retenue comme ville hôte dans le cadre de la candidature aux Jeux Olympiques et Paralympiques Paris 2024 pour accueillir les compétitions de voiles. La modernisation du Stade Nautique du Roucas Blanc pour l’accueil des Jeux Olympiques Paris 2024 à Marseille a été réalisée par deux agences d’architecture : Rougerie et Carta. L’accord a été obtenu avant 2020, date de lancement des concours. Le duo Carta-Rougerie a été mandaté pour mener à bien le projet. Depuis, les deux agences d’architecture ont fusionné, chacune de leur côté, pour devenir Tangram - Rougerie pour l'une, et Carta Reichen et Associés pour l’autre.

Roland Carta souligne l’importance du projet, qui consistait en une conception-construction. Il s'agissait davantage d'un marché de travaux et qu'un marché de conception et d’études. L’architecte déclare par ailleurs que le projet construit est conforme à celui que son agence avait dessiné : « Nous avions un suivi de travaux et d’exécution, on est sur 6000m². Tout a été réalisé largement dans les temps puisque les épreuves test, les test game, ont pu se dérouler au printemps dernier ».

Une réalisation conséquente, mais l'agence a l’habitude de terminer les projets avant l’heure. Une marque de savoir-faire et de justesse qui a enrichi Marseille par plusieurs réalisations emblématiques. Le projet est situé en piémont du Roucas Blanc, au bord de l’eau, à la jonction du relief et de la plaine alluviale de l’Huveaune. Deux éléments naturels où se trouvent aussi deux interventions transmises par l’histoire, les plages du Prado et une autre intervention humaine, la corniche.  

« Dans les travaux, on a pris en compte les éléments transmis par l’histoire comme les plages du Prado. Quand on regarde, on voit des bâtiments qui ondulent et fabriquent une ligne, ils sont eux-même mis en exergue par des entablements qui reprennent le dessin de la corniche. On regarde l’horizon borné par les îles du Frioul, la couleur du Roucas Blanc qui est légèrement rosé, notre béton bas carbone est également légèrement rosé. On se rend compte que tous les dispositifs architectoniques que nous avons mis en place fonctionnent parfaitement bien. La chromatique est tout à fait conforme à tout ce qui nous entoure, les toitures plantées reprennent les ondoiements des plages du Prado et la forme des bâtiments vient reprendre le dessin de la corniche. C’est un peu comme des bras ouverts qui accueillent les Jeux Olympiques même si l’architecture n’a pas à l’être, nous avons fait travailler la métaphore », nous dépeint Roland Carta. 

Projet d'ensemble sur la Village des athlètes par CoBe Architectes - Crédits photo : Cédric Colin
Projet d'ensemble sur la Village des athlètes par CoBe Architectes - Crédits photo : Cédric Colin

Exemplarité environnementale

 

Tandis que le Stade Nautique du Roucas Blanc utilise le béton bas carbone et s’inscrit dans un processus d’économies d’énergie, le projet de CoBe emploie un système constructif préfabriqué « poteaux-poutres », en bois d’origine française et en béton bas carbone, pour une économie de matière. Ce système tramé facilite les reconfigurations spatiales mais aussi les changements de destination particulièrement pour le passage d’un Village des athlètes au quartier habité.

Alexis Charlot-Etienne souligne que ce mode constructif permet une économie d’échelle et rend visible la matière dans les logements. Conjuguer les matériaux avec un projet contemporain, tout en ayant une réflexion environnementale, était donc l’un des enjeux : « Afin de respecter certains labels, nous avons construit avec des éléments décarbonés dont le bois par exemple ».

Ainsi, les objectifs E3C2 et BiodiverCity ont été atteints. Les architectes ont soigné particulièrement le confort d’été tout comme la production d’énergie renouvelable avec l’installation de panneaux photovoltaïques sur l’ensemble des toitures, un procédé qui vient favoriser l’autoconsommation de chaque bâtiment.

Concernant les projets suivis par Erik Giudice Architects, ils sont vertueux. En effet les divers modules en bois du PE2 proviennent de France et ont été préfabriqués hors-site et transportés par bateau, tandis que le PE5 se caractérise par ses façades, murs à ossature bois et les bardages en bois. Des objectifs environnementaux haut de gamme comme BREEAM Good, Shell & Core - E+C- niveau ENERGIE3 (équivalence E3C1) - Label BiodiverCity ont été atteints.


Quid du recyclage post-JO ? 


Les habitations du Village des athlètes tendent à devenir des espaces après les Jeux Olympiques. Le système utilisé par CoBe et l’ensemble des architectes du secteur E, permet la réversibilité pour aménager des appartements qui vont évoluer dans le temps.

« Dès le départ nous avons conçu les plans pour qu’il y ait le moins de changements possibles. Nous avons déposé le permis de construire en double état », confie Alexis Charlot-Etienne. L’architecte déclare que les documents à produire étaient complexes, pour cela, les urbanistes avaient mis en place des documents navettes où il fallait transmettre énormément d’informations dans le but d’harmoniser le projet pendant toutes les phases et avec tous les architectes. Recoller l’ensemble des façades, résoudre les problèmes d’altimétrie et de la ligne de flottaison comme l'imposait  l’urbaniste, retrouver l’esprit de double niveau souhaité par les architectes... Tous ces enjeux ont été longs à accomplir, pour un résultat prometteur.

« Chaque bâtiment avait des contraintes différentes selon sa capacité d’accueil. On a par exemple fait des études de trafics pour dimensionner les ascenseurs. Pour la réversibilité dans les plans d’étages, on devait imaginer une cuisine à la place des salons des athlètes actuels ou encore prévoir des chambres qui pouvaient être démontées plus tard. On a limité la transformation et on a prévu en amont les usages futurs qui vont être utilisés dans la destination initiale ». Selon l’architecte, il fallait se projeter en 2025 pour que les habitants puissent aménager rapidement.

« À Marseille, tout ce qui a été construit pour les Jeux Olympiques sera réutilisé par les Marseillais dans une école de voile, qui aura un grand succès et saura attirer les petits Marseillais des quartiers du sud, voisins de la Marina, mais aussi les petits Marseillais des quartiers nord de la ville, qui viendront apprendre à naviguer ne serait-ce qu’en songeant à l’idée qu’ils sont venus tous de la mer », ajoute à son tour Roland Carta. 


Finalement, l’héritage des Jeux Olympiques semble conséquent, mais aussi très utile à tous !

 

> Consulter le dossier spécial JO de Paris 2024


Sipane Hoh
Photo de Une : Pichet_Legendre&EGA

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