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Quotas de logements sociaux : un record de communes SRU hors des clous

Publié le 06 décembre 2023

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Le paysage du logement social ne semble pas s’éclaircir, selon la fondation Abbé Pierre, qui diffuse les derniers chiffres de la production dans les communes soumises aux obligations de la loi Solidarité et Renouvellement Urbain (SRU). 64 % d’entre elles seraient hors des clous.
Quotas de logements sociaux : un record de communes SRU hors des clous - Batiweb

Cela fait plus de 20 ans que la loi de Solidarité et Renouvellement Urbain (SRU) impose un taux de 20 à 25 % de logements sociaux dans certaines communes. Reconduite fin 2021 via le vote des députés - avec quelques « ajustements » pour les collectivités connaissant des difficultés « objectives » -, cette obligation ne semble cependant pas réaliser ses objectifs.

Le paysage du logement social semble obscurci, notamment dans la construction, qui prévoit une chute dans les années à venir, selon la Banque des Territoires fin septembre. Au tour de la fondation Abbé Pierre de livrer son bilan, basé sur les données remontées à la commission nationale SRU.

Sur 1 031 communes concernées, 659 sont hors des clous, sur la période 2020-2022, ce qui représente 64 %, « alors qu’elles n’étaient que 47 % dans ce cas-là trois ans plus tôt », compare la fondation.

À l’échelle nationale, l’ensemble des communes soumises à ces obligations ont construit 67 % du nombre de logements sociaux fixé dans leurs objectifs. Là où le taux de production de HLM parmi ces collectivités atteignait les 116 % entre 2017 et 2019.

 

11 sur 12 des grandes villes n’ont pas tenu leurs engagements

 

On remarque que les grandes villes n’ont pas atteint leurs objectifs. « Parmi les 12 villes de plus de 100 000 habitants concernées, seule une ville a respecté ses objectifs légaux : Montpellier. Paris a respecté ses objectifs quantitatifs mais pas qualitatifs. À l’inverse, Annecy et Aix-en-Provence ont respecté leurs objectifs qualitatifs mais pas quantitatifs. Tandis que Lyon, Marseille, Bordeaux, Perpignan, Nice, Toulon, Saint-Paul et Boulogne-Billancourt n’ont respecté ni l’un ni l’autre », est-il développé dans le rapport.

Deux villes partagent le bonnet d’âne : Boulogne-Billancourt « dont le maire s’en prend régulièrement à la loi SRU », et Nice, qui ont tous deux enregistré un taux d'atteinte de 13 %.

La fondation Abbé Pierre note des comportements variés entre les communes. On retrouve celles qui affichent un taux d’atteinte quasi-nul sur le bilan triennal. Dans le palmarès, on compte des villes franciliennes : Neuilly-sur-Seine (31 logements produits sur 2 840 prévus ; 1 %), Rambouillet (4 logements au lieu de 448 ; 2 %) et Maisons-Lafitte (53 logements sociaux produits sur un objectif de 693 ; 8 %).

Certaines collectivités sont même dans le négatif, c’est-à-dire qu'elles dénombrent une plus faible construction, comparé au nombre de logements sociaux vendus ou démolis, comme à Saint-Rémy-Lès-Chevreuse (-410 %, soit 258 logements sociaux supprimés). « Au total, 63 communes affichent un taux d’atteinte inférieur ou égal à 0 % », poursuit la fondation. 

Autre comportement « plus insolite » : les communes qui réduisent leur taux de logement social. Ainsi, censées atteindre 25 % en 2025, Frontignan et La Seyne-sur-Mer sont passées respectivement, entre 2002 et 2021, de 18,2 % à 17,8 % et de 19,9 % à 18,9 %.

Enfin, la fondation Abbé Pierre dénonce les collectivités privilégiant abusivement la production de logements les moins sociaux (PLS), inaccessibles aux ménages à bas revenus. Paris est notamment pointé du doigt, ainsi que Nice, qui, dans ses 13 % de taux d'atteinte, compte 52 % de PLS.

 

Les préfets pas assez sévères ?

 

Derrière ces objectifs manqués, la fondation Abbé Pierre distingue trois causes : la pandémie de Covid-19, la crise du logement neuf au global, mais également « une politique gouvernementale très défavorable au logement social ».

L’association évoque notamment « un manque de volontarisme de certains préfets » et « une sévérité très inégale » de ces derniers face aux communes récalcitrantes. 

« Les préfets envisagent de carencer 327 communes, soit la moitié des communes n’ayant pas respecté leurs objectifs triennaux, un taux proche de celui d’il y a trois ans. Consultée sur ces intentions de carence, la commission nationale SRU préconise la carencement de 21 % des communes échappant à la proposition de carence de leur préfet alors qu’elles n’ont pas atteint leurs objectifs légaux. En moyenne, ces communes bénéficiant en première instance d’une certaine mansuétude de la part des préfets avaient atteint seulement 32 % de leur objectif de production », détaille le rapport.

La ville de Nice, qui « avait fait l’objet d’une incompréhensible tolérance de la part de l’État lors des bilans précédents », est finalement exposée à la carence. « En revanche, de grandes villes de PACA échappent encore à la carence malgré des résultats objecti- vement mauvais, comme Aix-en-Provence (47 %), Cannes (39 %) ou Marseille (38 %) », déplore la fondation. Pour rappel, les communes ne respectant pas leurs obligations doivent rattraper leur retard dans leurs objectifs triennaux de production. Elles risquent une amende si les engagements ne sont pas tenus

« Le gouvernement est pleinement mobilisé pour assurer le respect de la loi, en lien avec les collectivités », défend Patrice Vergriete, ministre du Logement. « Nous travaillons à inciter les communes à signer des contrats de mixité sociale pour tenir les objectifs, avec près d'un tiers des communes déficitaires qui sont intéressées », abonde-t-il.

 

Virginie Kroun
Photo de Une : Adobe Stock 

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