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Les reconversions professionnelles, un vivier d'emploi pour le BTP

Publié le 29 juin 2023

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Des salariés en quête de sens, de meilleures conditions de travail, une plus grande autonomie… Les reconversions intéressent de plus en plus les Français, prêts à tout changer pour retravailler. Parmi les secteurs qui bénéficient grandement de ces reconversions, celui du BTP se distingue comme un véritable vivier d'emploi, alors que le secteur peine encore à recruter de nouveaux talents.
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Exercer le même métier toute sa vie devient-il de plus en plus rare ? Selon le dernier baromètre de l’emploi et la formation, publié en mars dernier par Centre Inffo, un Français sur deux songe à changer de métier : 35 % pensent opter pour une autre voie professionnelle dans les deux ans qui viennent.

 

« Je ne m'autorisais pas à y penser »

 

Dans un climat économique et social tendu, les Français sont en quête de changement. À l’image de Chloé Gatto, 24 ans, qui a suivi un parcours de formation au sein de La Solive, une école dédiée aux métiers de la rénovation énergétique. Sa particularité ? Former des profils en reconversion professionnelle.

Après avoir suivi un parcours dit « classique », en passant par une classe préparatoire, une école de commerce et un contrat en CDI, Chloé s’aperçoit qu’elle prend la mauvaise direction. « Les métiers du BTP ? C’est une idée que j'avais un peu au fond de moi, mais que je ne m'autorisais pas à penser », introduit-elle. Après mûre réflexion, elle quitte son travail et passe un bilan de compétences, qui lui permet de partir à la rencontre de certains professionnels du BTP. Dans la foulée elle s’inscrit à La Solive, convaincue d’avoir enfin trouvé sa voie.

« Il y a un grand travail à fournir, et il y a de la place pour tout le monde. Il y a des enjeux sociaux et environnementaux, sur nos styles de vie, sur le bâtiment en général, sur comment est-ce qu'on conçoit aujourd'hui ? Je n’avais pas été stimulée comme ça depuis très longtemps. C’était un grand challenge de tout quitter pour faire ça et aujourd’hui je ne regrette absolument pas ! »,se réjouit-elle.

Un parcours similaire à celui de Simon Emarre, 29 ans. Ingénieur de formation, il décide de mettre un terme à sa carrière pour se lancer dans les énergies renouvelables. « En tant qu’ingénieur dans l’électricité électronique, l’idée était de me réorienter vers un métier dans lequel je trouvais plus de sens et que je maitrisais un peu. C’est comme ça que j’ai décidé de me consacrer à l’installation de panneaux solaires photovoltaïques ».

Pour confirmer son attrait pour ce nouveau domaine, Simon effectue un stage dans une entreprise de couverture, puis s’ensuit une formation de 4 jours qui va lui permettre d’être labellisé artisan RGE. Son ambition ? Développer un logiciel qui permet de faire des études de dimensionnement des panneaux solaires, et d'optimiser la pose. « Sur ce marché, il n’y a que des calculateurs en ligne de fabricants. Globalement, il faut rentrer la surface de la toiture, et ils indiquent combien de panneaux solaires on peut mettre, mais cela reste encore peu évolué. Le logiciel que j'ai créé permettra de connaître l'orientation du panneau, ou encore l'inclinaison nécessaire », explique-t-il.

 

Des parcours de renconversions façon « bootcamp »

 

Mais comment expliquer que les entreprises du BTP sont confrontées à autant de difficultés pour remplir les postes vacants, tandis que de nombreuses personnes expriment le désir de changer de vie ? Selon Ariane Komorn, fondatrice et CEO de La Solive, en France « les parcours de reconversions professionnelles sont souvent chaotiques, éloignés, peu accessibles, et dépourvus de ressources financières et de logements appropriés », indique-t-elle.

Un constat qui l’a poussé à co-créer La Solive en 2021, en proposant des formations façon « bootcamp » plus courtes et plus intensives que celles traditionnellement proposées, avec une durée moyenne de 3 à 4 mois. Une approche innovante qui permet aux candidats de se former plus rapidement, et d'acquérir les compétences nécessaires pour intégrer le secteur de la rénovation énergétique.

L'objectif ? Collaborer avec les entreprises du secteur de la rénovation énergétique pour répondre à leurs besoins en recrutements. Par ailleurs, l’école tend à se positionner sur de multiples métiers, comme technicien pour la maintenance de pompes à chaleur, expert en isolation par l’extérieur, ou encore diagnostiqueur de performance énergétique. 

Aujourd’hui, La Solive a formé près de 300 personnes en moins de 2 ans, avec un taux d'emploi à la sortie de 91 %. Un succès qui séduit les entreprises du secteur, alors que certaines en demandent même davantage. « Une année, on a recruté Romain, qui était dans l'événementiel, et qui a choisi de faire une reconversion vers le secteur du bâtiment. L’entreprise dans laquelle il a été embauché ensuite, nous a appelé un jour en nous demandant si on pouvait lui envoyer plus de Romain », commente Ariane Komorn, « alors… on ne démultiplie pas les Romain, mais on peut en former ! », s’amuse-t-elle. Son objectif ? Former 1 000 personnes d'ici 2024, puisformer 5 000 personnes par an.

De son côté, l'École supérieure de conduite de travaux (ESCT) tend également à répondre aux besoins des professionnels du BTP, notamment sur « des métiers en tensions comme chargé d’affaires, technicien, ingénieur études de prix », souligne Patrice Pesme, directeur de l’ESCT Marseille. Les reconversions professionnelles permettent de combler ce besoin en apportant  des compétences transférables et une expérience professionnelle diversifiée.

« On a des personnes qui ont travaillé dans un métier comme la logistique, par exemple, qui les a amené à manager, à organiser, à planifier, à facturer… Des compétences qu’un conducteur de travaux doit également avoir. La formation à l’ESCT va leur permettre de développer ces compétences et d’apprendre la technique qui leur manque », explique Patrice Pesme.

Créé en 2019, l’établissement est entièrement tourné vers les formations en alternance pour étudiants et adultes en reconversion et requalification. L’ESCT propose en outre des cursus courts, dits « à la carte », à suivre à distance, en centre ou en entreprise. Depuis, l’école a formé plus de 700 conducteurs de travaux.

 

Encore des défis à relever 

 

L’ampleur du besoin en main-d'œuvre dans le secteur est « colossal », décrit Ariane Komorn, touchant potentiellement des centaines de milliers de personnes. Selon elle, « le premier défi consiste à aider les personnes en reconversion à réussir à valider leur projet professionnel ». Un point que la co-fondatrice considère comme « essentiel », et qu’elle met en avant à La Solive, puisqu'elle accompagne les élèves au début de leur processus de reconversion en les mettant en contact avec d'anciens élèves qui ont réussi leur transition vers le secteur de la rénovation énergétique. Ainsi, ces derniers peuvent passer une journée avec ces anciens élèves pour se rendre compte si ce domaine d'activité correspond réellement à leurs aspirations.

Le second défi, et pas des moindres : la rénovation énergétique du parc immobilier français. « On a plus de 30 ans de travail qui nous attend », commente le directeur de l’ESCT Marseille. Pour lui, rénovation énergétique et reconversion professionnelle vont de pair. Il explique que ces professionnels, issus de différents métiers, sont « très vites aptes à s’acclimater aux différentes situations de travail ».

L'Observatoire National de la Rénovation Énergétique (ONRE) estime que 7,2 millions de logements seraient considérés comme despassoires, dont 5,2 millions de résidences principales.

Mais pour mettre plus rapidement en œuvre la rénovation énergétique, encore faudrait-il disposer de la main d'œuvre nécessaire. D’autant que les enjeux sont multiples : réduire les consommations des bâtiments, améliorer le confort d’été et d’hiver, réduire la précarité énergétique, ou encore faire baisser les factures énergétiques… Pour Chloé Gatto, « ce sont des vrais sujets, qui méritent qu’on s’implique davantage, alors se réorienter vers ces métiers, c’est une manière d'apporter notre pierre à l’édifice ».

Au-delà de ces sujets, la désormais chargée d’affaires chez Metiista, entreprise de rénovation basée à Lyon, Chloé désire mettre en lumière le besoin de féminisation de ces métiers. « Peut-être que si j’avais eu plus d’exemples féminins, je me serais lancée plus tôt, sans me poser de questions. On ne le saura jamais, mais aujourd’hui je suis fière de faire partie de ces femmes du BTP et de redorer l’image d’un secteur où les préjugés ont encore la vie dure », conclut-elle.

 

Propos recueillis par Marie Gérald

Photo de une : ©Adobe Stock

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