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Architecture et photovoltaïque : une relation faite de compromis

Publié le 25 avril 2023

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Les panneaux photovoltaïques tendent à fleurir sur le bâti, encouragés par la loi d’accélération des EnR. Mais quels enjeux architecturaux implique ce type d’installation ? Regards croisés avec différents acteurs concernés, de la maîtrise d’œuvre au porteur de projets, en passant par l’industriel et l’installateur.
Architecture et photovoltaïque : une relation faite de compromis - Batiweb

En mars dernier, la loi d’accélération des énergies renouvelables (EnR) était publiée au Journal Officiel. Selon le Syndicat des énergies renouvelables (SER), représentant des filières renouvelables en France, la loi a ses reculs et occasions manquées. Heureusement, le texte permet des levées de freins administratifs et ouvre plus de foncier aux installations. Par exemple : « l’ouverture par la loi sur le développement du solaire en bâtiment, sur les toitures, avec cette obligation de solarisation des parkings pour une surface supérieure à 1500 m2. Et puis un renforcement de la solarisation des toitures pour des bâtiments, disposition déjà prévue par loi Climat et Résilience », mentionne son directeur général adjoint, Jérémy Simon. 

Mais si les panneaux photovoltaïques et autres projets solaires fleurissent de plus en sur les bâtiments, il y a encore « du pain sur la planche », « sachant qu’on a un fort retard dans le développement des EnR », rappelle Augustin Roche, directeur des opérations au sein de l’entreprise Monabee. 

D’autant qu’à l’échelle du bâtiment, le déploiement de panneaux photovoltaïques, par exemple, doit répondre à des exigences architecturales, allant de l’esthétique à la technique, en passant par des enjeux sécuritaires. 

Une installation sur mesure, selon la nature et l’environnement du bâtiment

 

À en croire certains retours d’expériences, les installations de panneaux photovoltaïques sont difficiles à standardiser, d’un bâtiment à un autre, d’un environnement à un autre. 

Des configurations architecturales différentes entre le résidentiel et le tertiaire

 

Spécialisé au départ dans le monitoring d’équipements solaires et défenseur de l'autoconsommation, Monabee a élargi son activité à l’installation de panneaux photovoltaïques dans le résidentiel. L’accompagnement se fait de bout en bout, des démarches administratives à la vérification du bon fonctionnement, en passant par l’installation par des équipes internes ou prestataires. D’ici fin 2023/début 2024, Monabee compte affirmer son modèle dans le bâtiment tertiaire, en menant des projets pilotes. 

Parmi ces projets : un bâtiment d’entreprise dans le Rhône, dont le toit en « forme d’aigle », a nécessité une installation « en formation flèche », nous explique Augustin Roche. Une configuration particulière pour ce type de structure, habituée aux toitures en tuile ou bac acier. Sont généralement choisies des installations simples en carré ou en rectangle, afin d’aligner des dizaines des panneaux côte à côte sur trois, quatre, voire cinq lignes. « Architecturalement parlant, les toitures en tertiaire, c’est plus "facile" ». « Il y a moins de toitures possibles en tertiaire que chez le particulier. Chez le particulier vous allez avoir une dizaine de tuiles différentes, des dizaines de types de charpentes différents », estime Augustin Roche.

Côté résidentiel, « je privilégierai les maisons de plain-pied, avec des tuiles romanes, une exposition Sud, parce que ce sont des chantiers faciles, et mes équipes d’installateurs font le chantier plus rapidement », nous confie le directeur des opérations de Monabee. Ce qui n’est pas le cas d’un récent chantier, menée par l’entreprise sur une maison d’architecte en Haute-Savoie, « avec des formes et une pente un peu spéciales » en toiture. 

Installation des panneaux photovoltaïques sur une maison d'architectes en Haute-Savoie - Crédit photo : Monabee
Installation des panneaux photovoltaïques sur une maison d'architectes en Haute-Savoie - Crédit photo : Monabee

Une installation facile se déploie sur une ligne de 10 ou 12 panneaux. « Là, on a dû faire, à cause de la toiture, des lignes de deux, trois, quatre panneaux. Du coup il faut, ajuster les rails, les couper proprement, ajuster les crochets. C’est une vraie étude technique qui doit être réalisée pour que le jour du chantier 1) on ait le bon matériel et 2) tout puisse tenir », témoigne Augustin Roche. Sans compter les chemins de câbles d’alimentation électrique ou les ouvertures (bouche d’aération, fenêtre…), pouvant entraver l'installation. 

« Les panneaux photovoltaïques doivent s’intégrer dans l’architecture »

 

Car en résidentiel comme en tertiaire, en toiture comme sur toute autre surface, «les panneaux photovoltaïques doivent s’intégrer dans l’architecture. On les met souvent en toiture, là où l’apport de lumière est le plus favorable et où leurs présences restent discrètes. Mais dès qu’ils sont visibles, il faut les dessiner de manière à les intégrer à l’architecture », défend Jérôme Van Overbeke, architecte à l’agence Arte Charpentier. 

Ne serait-ce qu’afin d’éviter les phénomènes d’éblouissement ou de déranger la faune présente autour du site, dont les oiseaux. Ainsi, sur un projet d’immeuble tertiaire/résidentiel dijonnais dessiné par Arte Charpentier, l’Ilôt Arsenal, les panneaux sur les différentes toitures côtoient gravillons et végétaux, pour accueillir la biodiversité. 

Installations de panneaux photovoltaïques sur la Tour Elithis, à Dijon - Crédit photo : Arte Charpentier
Installations de panneaux photovoltaïques sur la Tour Elithis, à Dijon - Crédit photo : Arte Charpentier

Aussi, « lors de la conception d’un projet, avant même de produire de l’électricité pour générer un bâtiment à énergie positive, notre préoccupation principale est de réduire les dépenses énergétiques », nous expose l’architecte. 

« Dans les programmes de bureau, l’apport de lumière naturelle est important. Une maille métallique en métal déployée a été posée sur la façade pour éviter les apports calorifiques et éviter de dépenser du froid en climatisation tout en conservant la transparence et l’apport de lumière naturelle », énumère en exemple Jérôme Van Overbeke. Pour la ventilation naturelle, un boitier relié à la gestion technique du bâtiment (GTB) peut ouvrir et fermer « l’entrée d’air naturelle ce qui permet d’économiser les consommations ». Une solution qui côtoie d’ailleurs les panneaux photovoltaïques en toiture sur la tour Elithis, bâtiment tertiaire à énergie positive en France, situé à Dijon et conçu par l’agence Arte Charpentier en 2008. 
 

Encore des freins contre le panneau photovoltaïque sur le patrimoine ?

 

Mais au-delà de l’aspect environnemental et énergétique, l’installation de panneaux photovoltaïques porte des enjeux esthétiques, notamment pour les zones protégées à des fins patrimoniales (monuments historiques, etc.). 

L’avis conforme des ABF, souvent obligatoire…

 

Hors site protégé, les règles concernant les permis d’installation de panneaux photovoltaïques sont édictées par le Code de l’Urbanisme et sont déclinées à l’échelle locale par le plan local d’urbanisme (PLU). Ainsi, une « autorité compétente le maire peut tout à fait y mettre des prescriptions plus précises, qui vont assurer la bonne intégration des installations, si jamais il va y avoir un problème en termes de couleur, de forme, etc. Le cadre est quand même conciliant dessus, dans la mesure on ne peut pas empêcher les installations solaires », développe pour nous Élodie Saillard, responsable juridique au SER. 

En ce qui concerne des bâtiments en site protégé, les conditions d’installations relèvent à la fois sur le Code l’Urbansime et du Code du Patrimoine. L’avis conforme d’un architecte des bâtiments de France (ABF) peut s’imposer avant délivrance d’une autorisation d’urbanisme. 

L’ABF, une expertise requise pour un chantier sur site protégé

 

Comme le résume une note départementale d’application du droit des sols (ADS) : « L’ABF est amené à émettre deux types d'avis : l'avis simple que l'autorité compétente peut ne pas prendre en compte pour établir sa décision, et l'avis conforme qu’elle doit prendre en compte pour établir sa décision ». 

« À défaut de périmètre délimité, seuls les travaux sur les immeubles situés dans le champ de visibilité d'un monument historique à moins de 500 mètres de celui-ci sont soumis à l'accord de l'ABF », précise également le ministère de la Culture sur son site. Si le chantier se trouve hors de cette zone ou s’il n’est pas visible dans le périmètre par défaut, l’avis d’un ABF est simple.


D’après le gouvernement, en 2021, sur le total des 515 400 dossiers instruits par les ABF, 12 800 d’entre eux portaient sur des installations photovoltaïques (soit 2,5 %) et 2300 d’entre eux ont reçu un avis défavorable. L’architecte Jérôme Van Overbeke se dit « conscient que les bâtiments nécessitent de faire des améliorations sur les dépenses énergétiques. Il faut cependant ne pas dénaturer l’environnement immédiat visible, depuis un bâtiment classé monument historique. Ce qui rend la situation très délicate ».

En résultent toutefois des allers-retours incessants entre les porteurs de projets et l’administration, des démarches supplémentaires et prolongations des délais insoutenables, dont pour Monabee.

« C’est très entendable de respecter l’architecture française, parce que c’est une énorme qualité, mais de temps en temps il y a des non-sens. Et on est là pour montrer que par A + B que ce sont des non-sens. Et dans la plupart des cas, on a gain de cause. Mais cela passe par des mois et des mois de traitement », déplore son directeur d’opérations. 

… mais qui tend à s’assouplir.

 

L’avis conforme des ABF a été d’ailleurs au cœur des débats lors de l’examen parlementaire de la loi d’accélération des EnR. Les adhérents du SER se sont penchés sur la question. À l’issue des discussions au sein du syndicat, la solution « a été de plutôt lever certains nombres de verrous, faire en sorte qu’on passe d’un avis conforme à un avis simple », nous confie Jérémy Simon. 

Si l'avis obligatoire est conservé pour des chantiers sur site protégé, plus d’ouverture et de souplesse de la part des ABF ont été demandés. « Le droit essaie d’évoluer pour que les panneaux solaires s’inscrivent plus naturellement dans le paysage. Sachant que dans les prochaines années, on va avoir énormément des panneaux solaires », affirme Elodie Saillard.

Ainsi, en décembre 2022, la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, et la ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak, signaient une circulaire listant des instructions. 

Ce sont « des conseils d’implantations pour les porteurs de projets, afin d'éviter de se trouver dans des situations potentiellement bloquantes. Dans la première instruction, il y avait le conseil de s’implanter dans des espaces artificialisés et donc d’encourager l’ABF à délivrer des avis favorables pour les toitures des bâtiments post-1948 », nous détaille la responsable juridique au SER. 

Une base à un prochain guide de bonnes pratiques, destiné aux porteurs de projets et servant ainsi de « doctrine nationale » pour l’instruction des demandes d’autorisations et le suivi des travaux d’implantation des panneaux photovoltaïques. 

Assurer la performance technique du panneau photovoltaïque

 

La configuration architecturale d’un projet photovoltaïque n’a pas uniquement un aspect esthétique. L’aspect technique a aussi toute son importance.

Une exposition à la lumière complexe sur certaines surfaces

 

Un tel projet doit par exemple s’assurer d’une bonne exposition à la lumière solaire du panneau photovoltaïque. Ce qui implique une orientation particulière en façade, comme en toiture. Mais en toiture, la tâche se révèle ardue quand les plaques sont ondulées. Onduline, fabricant connu pour ce type de systèmes, en sait quelque chose.

« Quand c’est ondulé, vous avez des petites parties qui sont directes en contact » avec la lumière, nous explique Yann Domingues, responsable marketing France – Benelux de la marque. « La lumière n’est pas répartie de façon uniforme sur la plaque. On ne peut pas développer un produit avec des membranes photovoltaïques dessus, parce que seulement la moitié de l’apport de lumière peut être mise sur photovoltaïque », poursuit-il. 

De quoi inciter l’industriel à innover, afin d’adapter ses solutions au photovoltaïque. « Quand on développe des solutions accessoires pour recevoir des panneaux photovoltaïques, il y a plusieurs segments à prendre en compte : le poids, l’arrachement, la chaleur sous les plaques », nous résume Yann Domingues.  

Des règles à respecter pour la sécurité incendie 

 

Ce n’est guère un secret : les panneaux photovoltaïques émettent de fortes chaleurs, dangereuses en termes de sécurité incendie, en toiture, mais aussi en façade. Une attention particulière est portée quand l’isolation est à l’extérieur : l’isolant et le revêtement sont généralement séparés par une lame d’air de 2 à 5 centimètres d’épaisseur. 

Et comme nous l’explique l’architecte Jérôme Van Overbeke, cette lame d’air « fait cheminée » et peut accélérer des départs de feu. La réglementation française a développé un guide de préconisations des façades ventilées. Lorsqu’il y a une installation photovoltaïque en façade, le bureau de contrôle demande une Appréciation Technique d’EXpérimentation (ATEX).

« Les contraintes en France sont plus rigoureuses qu’en Suisse ou en Allemagne », commente l’architecte d’Arte Charpentier. « Avoir un avis technique est sécurisant pour le maître d’ouvrage mais peut s’avérer très lourd pour le fabricant qui porte l’avis technique », ressent l’intéressé.

 

De plus en plus d’innovations dans le photovoltaïque

 

Pour ce qui est du photovoltaïque sur toiture, Onduline a développé son écran de sous-toiture Ondutiss Air Solar TT, capable de tolérer les fortes chaleurs générées par les équipements. Aujourd’hui, l’industriel consacre sa R&D à des fixations universelles, adaptant ses produits et tout revêtement toiture à un projet photovoltaïque. Le modèle choisi s'inspirerait de ses accessoires en pince déjà existants.

Ecran de sous-toiture Ondutiss Air Solar TT - Crédit photo : Onduline
Ecran de sous-toiture Ondutiss Air Solar TT - Crédit photo : Onduline



« On est principalement en train de regarder la répartition de charge. Au lieu d’avoir un point d’appui, on va répartir sur cinq, six, sept, dix. Et du coup vous divisez le phénomène de pression dépression et vous avez moins de risque de casse » ou d’arrachement, nous apprend Yann Domingues. En particulier si le toit est en fibro-ciment et entraine une exposition à l’amiante.

Des innovations tendent également à rendre les panneaux photovoltaïques plus discrets. « Les technologies ont énormément évolué. On installe les panneaux avec un cadre noir, un fond noir. Ça fait une sorte de masse uniforme, suffisamment esthétique pour que ça satisfasse le maximum de personnes », nous partage par exemple Augustin Roche de Monabee. 

Panneaux photovoltaïques installés par Monabee sur la toiture de la maison d'architecte en Haute-Savoie - Crédit photo : Monabee
Panneaux photovoltaïques installés par Monabee sur la toiture de la maison d'architecte en Haute-Savoie - Crédit photo : Monabee

Jérôme Van Overbeke, de son côté, souligne la diversité croissante des manières d’intégrer les panneaux photovoltaïques dans l’architecture, tout en maintenant des rendements efficaces. 

Maquette du projet de la Nouvelle Tour Élithis Arsenal (NTEA) avec les solutions ActivSkeen - Crédit photo : Arte Charpentier
Maquette du projet de la Nouvelle Tour Elithis Arsenal (NTEA) avec les solutions ActivSkeen - Crédit photo : Arte Charpentier

Dans le cadre de son projet Ilôt Arsenal, l’agence Arte Charpentier a réalisé une étude avec ActivSkeen, filiale de Vinci, afin de développer des panneaux photovoltaïques de grandes dimensions (1,20 x 2,88m htr). Le design se rapproche de l’écriture architecturale de panneaux composites en aluminium, mais peut se décliner sur de vastes palettes de couleur, et effacer ainsi la cellule photovoltaïque. 

Panneaux photovoltaïques à colorimétrie grise conçus par ActivSkeen pour le projet NTEA d'Arte Charpentier. - Crédit photo : Arte Charpentier
Panneaux photovoltaïques à colorimétrie grise conçus par ActivSkeen pour le projet NTEA d'Arte Charpentier. - Crédit photo : Arte Charpentier

Sans compter les fameuses «tuiles solaires qui s’adaptent plus aux contraintes patrimoniales. C’est énorme le nombre d’entreprises qui investissent dans de nouvelles solutions, beaucoup plus adaptables au regard des contraintes ABF », remarque, enthousiaste, Jérémy Simon. 

 

Propos recueillis par Virginie Kroun
Photo de Une : Adobe Stock

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