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Vers une territorialisation des politiques nationales ?

Publié le 20 mai 2016

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La 5e édition du Sommet de la Construction organisé par la Fédération Française du Bâtiment (FFB) a abordé la question des fractures territoriales et leurs conséquences sur le logement, l’occasion à moins d’un an de l’élection présidentielle de penser à des solutions pour faire face à cette problématique. Territorialisation des politiques, mise en place d’un outil foncier, redynamisation des villes… Retour sur cette journée de débats.
Vers une territorialisation des politiques nationales ?  - Batiweb
L’appel est lancé : « Le logement doit être au cœur du débat présidentiel ». C’est ce qu’a déclaré Jacques Chanut, lors du Sommet de la Construction, une journée de débats qui a réuni entrepreneurs, experts et professionnels de tous horizons.

Dans son discours d’introduction, le président de la FFB s’est référé aux fractures territoriales, un phénomène qui dure déjà depuis près de 30 ans mais qui s’est intensifié avec la crise.

Il a ainsi invité les participants à réfléchir à des solutions afin d’enrayer ces fractures qui pèsent sur l’ensemble du territoire. En effet, le Président a déclaré « Je suis frappé du désarroi, voire du sentiment d’abandon, que beaucoup ressentent. La pression des besoins et le tropisme des prix font que l’attention se focalise trop souvent sur les zones tendues ».

Jacques Chanut regrette en effet que l’attention soit souvent portée aux seules métropoles et pourtant, il existe une autre France, « qui connaît des situations de marchés différenciées, qui appellent des solutions tout aussi différenciées ».

Dans un message vidéo, la ministre du Logement, Emmanuelle Cosse, a également rappelé que « les fractures territoriales ne sont pas seulement l’apanage des métropoles ». Elle a en outre annoncé que des mesures vont être élaborées avec la Caisse des dépôts pour accentuer les actions de construction et déconstruction dans les zones détendues et agir en priorité « sur l’existant ». « Le logement est un bien commun, un levier majeur de cohésion sociale et d’équilibre territorial », a-t-elle indiqué.

Des inégalités qui se creusent

Pour mieux comprendre ces fractures sociales, une analyse élaborée par Laurent Davezies, professeur au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), a été présentée. Le spécialiste y décrit une France découpée en quatre : marchande et dynamique, marchande en difficulté, non marchande et dynamique, et non marchande et en difficulté.

Hervé Le Bras, directeur de recherches à l’institut national d’études démographiques, parle lui de la réapparition « de la diagonale des villes ». Il se réfère à une France coupée en deux, d’un côté celle qui se dépeuple et vieillit et de l’autre celle qui se développe.

Il insiste aussi sur les inégalités en matière d’accès au logement. Il note que la majorité des propriétaires se concentrent dans le Grand Sud Ouest, tandis que dans la partie nord du pays, « on pratique davantage le logement social ».

Cette disparité est également soulignée par Jean-Claude Driant, professeur de l’Ecole d’urbanisme de Paris, qui pointe du doigt le creusement des inégalités entre les propriétaires et les locataires. La hausse des prix observé depuis la fin des années 90 a entrainé « une augmentation considérable du coût d’entrée à la propriété ».

La responsabilité des élus dans ces fractures territoriales

Pour Thierry Repentin, délégué interministériel à la mixité sociale dans l’habitat, la fracture territoriale, est certes liée à la rareté du foncier mais aussi au « manque d’anticipation des maires. Il faut que les structures intercommunales soient plus dynamiques dans la prospective foncière pour produire des logements en adéquation » avec les besoins, avance-t-il. Il estime que la loi NOTRe va permettre une meilleure gestion du foncier et aider les intercommunalités dans leurs choix.

Il indique que les documents d’urbanisme devraient inclure « ce qu’on appelle les servitudes d’utilité sociale ». Il ajoute : « Dans la loi Egalité et Citoyenneté, je vais demander que les Plan locaux de l’habitat (PLH) aient un volet foncier ».

M. Driant estime que : « la problématique du foncier n’est pas sa rareté par essence mais sa rareté dans la capacité de construire avec la densité suffisante » sur les territoires concernés. Il estime cependant qu’ « on se focalise beaucoup sur le nombre de logements à construire » alors que « la qualité des logements et leur accessibilité financière sont une variable bien plus importante ».

Quel constat dans les zones intermédiaires et en difficulté ?

Si Jean-Claude Driant considère qu’il est aisé de choisir son habitat dans les zones intermédiaires y compris dans le périurbain, Jean-Louis Broitman, Président de la FFB Landes, n'est pas si optimiste et indique qu’il existe des « inadéquations partielles entre l’offre et la demande ».

Jean-François Debat, maire de Bourg-en-Bresse, estime qu’une « organisation territoriale est nécessaire » ainsi que la mise en place « d’un outil d’intervention foncier. Il y a encore du foncier qui peut être aménagé de manière rationnelle ».

Julien Polat, maire du Voiron considère que le SCOT ou encore le PLUi réduit la marge de manœuvre des maires et contraint les projets. Il souhaiterait plus de liberté pour que les « acteurs locaux puissent démarrer des projets ».

En ce qui concerne les zones en difficultés, l’enjeu est « la reconquête de l’ancien ». Benoist Apparu, maire de Châlons-en-Champagne estime qu’il faut « donner un coup de frein à la production de logements ». Dans sa commune, 9 à 10% des logements sont inhabités. Il est indispensable que l’Etat mène « une politique nationale adaptée à chaque territoire ». Il préconise notamment de « segmenter les produits », avec la mise en place d’un PTZ pour l’ancien en zones détendues et un PTZ pour le neuf dans les zones tendues.

Pour Olivier Dussopt, maire d’Annonay, il faut « requalifier, reconstruire, reloger ». Il est également question de construire « des logements de qualité et spacieux », une idée partagée par Antoine Nunes, Président de la FFB Hautes-Pyrénées, qui estime qu’il faut trouver des solutions pour « faire revenir les gens » dans ces zones et notamment à travers l’emploi.

Des réflexions à mettre en œuvre

En conclusion, Jean-Claude Driant a rappelé que le « rapport à la construction neuve » n’était « pas le même » d’un territoire à l’autre. « Les besoins locaux sont extrêmement différents ». Il est temps « d’assumer la décroissance et de mener des politiques urbaines qui sont parfois coûteuses », estime-t-il.

Hervé Le Bras estime que la France peut « relâcher la pression », la centralisation n’est plus nécessaire, le pays étant « unifié ».

Enfin, Jacques Chanut espère pouvoir adresser des propositions concrètes aux candidats à la présidentielle, la territorialisation des politiques nationales semblant être la réponse la plus adaptée.

Rose Colombel

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