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La villa Beau-Site à Nice, un parfum des années folles en péril

Publié le 21 mars 2006

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Une large façade défraîchie, des fresques aux couleurs éteintes, des terrasses dévalant vers la mer dans un fouillis d'herbes folles: la villa Beau-Site, à Nice, n'est plus que l'ombre de sa splendeur Belle-Epoque, faute d'autre projet du légataire - l'Institut de France - que la vente du domaine.
A l'image de ses voisines, la villa Kérylos de Beaulieu-sur-Mer ou la villa Ephrussi de Rothschild à Saint-Jean-Cap-Ferrat (Alpes-Maritimes), la villa Beau-Site et son style "neo-pompéien" témoignent de l'art de vivre des "hivernants" de la grande bourgeoisie européenne qui ont "fait", au tournant du 19e et du 20e siècle, le mythe de la Côte d'Azur.
La villa Beau-Site à Nice, un parfum des années folles en péril - Batiweb

Patrick Le Nezet a le coup de coeur pour le domaine en 1984, lorsque, jeune homme, il devient locataire de l'"Isba", un étonnant pavillon de béton dans le jardin de la villa, et fait connaissance de la propriétaire, Gisèle Tissier, harpiste virtuose, amie de Gabriel Fauré, et styliste de renom.

Son mari, Paul Tissier, aquarelliste et architecte réputé, a laissé son empreinte dans l'histoire de la Belle Epoque en imaginant de splendides "Fêtes d'Art" pour la haute société européenne. Dans les remises de la villa, acquise par Gisèle Tessier en 1948, Patrick Le Nezet exhume costumes, dessins, affiches, décors, récits de ces folles soirées, qu'il entreprend de classer et protéger.

Deux ans avant sa mort, en juillet 1988, Gisèle Tissier organise, dans le cadre de son testament, la cession du domaine Beau-Site, d'une grande partie du mobilier et de son importante collection d'instruments de musique anciens à l'Institut de France, assortie de la volonté suivante: "le dit légataire aura l'obligation d'ouvrir au public le site afin que ce dernier ait une vocation culturelle".

Patrick Le Nezet reçoit en usufruit l'usage d'habitation du rez-de-chaussée de la villa. Selon les volontés testamentaires, l'association des amis de Mme Tissier, qu'il préside, est chargée d'animer le lieu. Près de vingt années plus tard, Beau-Site attend toujours les travaux de réfection qui auraient permis une ouverture pérenne au public, perspective désormais improbable avec la récente mise en vente de la villa par l'Institut.

Patrick Le Nezet a reçu un avis d'expulsion expirant au 16 mars. A deux reprises, devant le tribunal de grande instance de Nice et la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en août 2005, l'Institut de France a obtenu une révision des "charges du legs", ouvrant la voie à une cession de la bâtisse.

Patrick Le Nezet dénonce une "politique de liquidation patrimoniale": "pour obtenir la révision du legs, l'Institut fait le constat de l'absence d'activité culturelle de la villa, alors que c'est lui qui depuis 17 ans délaisse ce patrimoine, empêchant la mise en oeuvre d'actions culturelles !"

Dans les premières années suivant la mort de Gisèle Tissier, plusieurs dizaines de concerts ont été organisés par l'association dans le salon de musique de Beau-Site avant que la commission communale de sécurité interdise l'accès des lieux au public. Par la voix de son avocat, Me François Lastelle, l'Institut de France souligne que "le legs ne comportait pas de fonds, si bien que des travaux auraient entraîné un déficit pour l'Institut". Aucune recherche de mécénat n'a abouti, ajoute-t-il.

"S'il lui fallait des fonds, l'Institut n'aurait pas dû s'engager à respecter les clauses du testament", rétorque Patrick Le Nezet. La villa Beau-Site devrait se vendre plus de deux millions d'euros. Son classement au titre des monuments historiques n'empêchera pas, redoutent ses amoureux, "le gâchis d'un des plus beaux patrimoines de la région".

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