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Le marché de Rungis, l’idée visionnaire d’un fabricant de pièces de camion

Publié le 23 janvier 2002

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Et si Bernard Vos avait sauvé Paris de l’asphyxie ? C’est en effet dans l’esprit visionnaire de ce fabricant de pièces de camion, qu’est née l’idée du MIN de Rungis
Si les Parisiens se plaignent aujourd’hui de la pollution et de l’excès de circulation dans leur ville, c’est qu’ils ont oublié un passé où ces nuisances étaient beaucoup importantes. Dans les années 50, à l’entrée des Trente Glorieuses, la capitale avançait à grands pas vers l’asphyxie. Au-delà de sa ceinture extérieure de boulevards, son centre, occupé par l’intense activité des halles enserrées dans les vieux pavillons Baltard, engendraient chaque jour des bouchons en cascade paralysant, d’une rive à l’autre de la Seine, tout le trafic. Dès 1950, la voiture devint le symbole intouchable du progrès social. Ainsi, entre 50 et 53, le trafic automobile devait augmenter de 40% et celui des camions de 15%. C’est à cette époque que Bernard Vos, directeur commercial d’une PMI industrielle d’Ile de France, eut l’idée d’une gare routière de marchandise. Un espace ou les gros chargements accéderaient facilement, afin d’être relayés par des véhicules mieux adaptés à la circulation urbaine. Il mit en forme son projet et, à force de lobbying, réuni quelques investisseurs parmi lesquels le raffineur BP figurait en bonne place. Les pouvoirs publics, trop occupés par les crises politiques à répétition, écoutaient d’une oreille distraite ses propositions. Pour eux, les embouteillages monstres étaient une fatalité incontournable... A force de pugnacité, la société Segar de Bernard Vos obtint en 58 du département de la Seine la concession d’un terrain de 52 ha sur la commune agricole de Rungis. Dans le même temps, un utopique arrêté préfectoral, aussi inapplicable qu’inappliqué, interdit toute entrée de camion dans Paris (arrêté qui n’a jamais été suspendu). Puis, sous la houlette de la Segar, les premiers camions arrivèrent à Rungis. Les installations, jugées fastueuses à l’époque étaient constituées de 24 000 m2 de quais de déchargement, 45 000 m2 d’entrepôts et 12 500 m2 de bureaux. Le succès de Bernard Vos fit réfléchir les pouvoirs publics. En 1960, devant l’étouffement grandissant de la capitale et la fronde des habitants, ils décidèrent le transfert des halles vers les terrains de Rungis. La Sogaris fut créée avec pour mission l’élaboration d’une très vaste infrastructure. Bernard Vos, en toute légitimité, voulut associer sa structure au projet. Les technocrates et les affairistes du pouvoir ne laissèrent néanmoins qu’un strapontin au précurseur du MIN. Celui-ci avait pourtant, pendant plus de dix ans, jalousement protégé les terrains de Rungis de toute autre construction. Sa gare fut avalée par d’immenses travaux. Il fallut déplacer des aqueducs et des lignes à haute tension, ouvrir des accès autoroutiers et surtout, amener le chemin de fer au cœur des installations. Le résultat ne fut pas un chef d’œuvre, mais fut considéré comme fonctionnel. Le cœur du centre était constitué d’un quai de 306 mètres recevant simultanément 180 poids lourds. Autour du bâtiment central des pavillons de 1 000 m2 constituaient les entrepôts intermédiaires, où le reconditionnement des marchandises avait lieu avant réexpédition. Les premières années de la gare sont difficiles. Les commerçants répugnent à venir si loin et surtout, les transporteurs refusent les conditions fixées par un unique gestionnaire. Face à une faible croissance et à son endettement, la Sogaris se trouve à la fin des années 60 au bord du dépôt de bilan. En 1969, dans un accès d’autorité, la Ville de Paris impose le déménagement de tous les opérateurs restés dans la capitale. Pendant que le quartier des halles de Paris se noie dans le scandale d’un trou béant au cœur de la ville, Rungis vivote. Ce n’est qu’en 72, avec le transfert du marché de la viande, de la Porte de la Villette vers Rungis, que le Marché va commencer son développement. Des grandes compagnies de transport comme Kuhne et Nagel trouvent le site particulièrement bien conçu. Elles y multiplient les centres opérationnels. Dans l’indifférence des Français, le Marché de Rungis fait l’admiration de tous les pays européens. Son exemple est largement repris en Europe. Peu à peu le MIN prend sa place d’acteur majeur. Dans les années 80 et 90, le Marché connaît un développement spectaculaire. Aujourd’hui, l’idée de Bernard Vos, l’inventeur de la première plate-forme logistique moderne, est devenue un centre international d’échanges de premier plan. Les 180 camions quotidiens des années 60 sont désormais plus de 6 000. 1700 salariés gèrent en moyenne l'échange de plus de 1.5 million de tonnes de marchandises. Toutes les nuits, pendant que la fourmilière de Rungis s’anime, la capitale, oubliant son sauvetage, sommeille dans le silence retrouvé de ses rues vides de camions, à l’ombre du fantôme de Baltard .

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