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Troisième démolition pour une championne lyonnaise des malfaçons.

Publié le 23 juin 2004

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A Lyon, la clinique privée Jean Mermoz devait être le navire amiral de la Générale de Santé. Mais loin d’être un tel fleuron, l’ouvrage fait aujourd’hui figure de radeau de la méduse. Depuis sa naissance, son chantier n’a cessé de dériver jusqu’à l’ultime limite. A quelques mois de son achèvement, la clinique exemplaire sera démolie…
Si la grande majorité des chantiers du BTP français sont aujourd'hui conduits dans les règles, certains, plus rares, pourraient être dédiés à la gloire des malfaçons. La clinique Jean Mermoz à Lyon, véritable exemple du genre, aurait pu servir "d'école de la dérive" aux futurs architectes.

L'affaire avait pourtant commencé sous de bons hospices. Pour construire l'établissement de 209 lits, regroupant les activités de trois autres cliniques, la Générale de Santé avait lancé en 98 un appel d'offres européen. Avec un budget de 30,5 millions d'euros(valeur 98), sa surface de plus de 28 800 m2 et ses 21 salles d'opération, l'ouvrage se voulait emblématique de la nouvelle génération des "hôpitaux de ville". La lauréate du concours, l'architecte Françoise Hélène Jourda, l'avait pour cela doté d'une architecture résolument futuriste avec une façade d'acier toute en rondeurs, un profil au caractère résolument industriel évoquant cependant beaucoup plus la performance technologique industrielle que la sérénité assimilée à l'univers de la santé. Une architecture jugée audacieuse et complexe par les professionnels et sur laquelle, finalement, les entreprises vont allègrement trébucher.

Mais bien avant les déboires techniques, c'est au départ le choix d'une offre sur le gros oeuvre anormalement basse qui sans doute devait décider du funeste sort de l'ouvrage. Celle-ci est alors inférieure de 25% à celle des autres compétiteurs et de 13% à l'estimation la plus basse du maître d'œuvre. Un an après le début des travaux, l'entreprise Charles Queyras Constructions de Gap, titulaire du gros œuvre et par ailleurs si compétitive, est placée en redressement judiciaire avant d'être liquidée. Ce démarrage chaotique devait servir de base à une gigantesque gabegie et l'accumulation des désordres dénoncés aujourd'hui dans le triste inventaire des experts judiciaires lyonnais. Dans leur rapport, ces experts relèvent autant de fautes chez le maître d'ouvrage que chez le maître d'œuvre. Ceux-ci y sont clairement dénoncés pour une multiplication de fautes, de manquements, d'erreurs, de malfaçons, de rattrapages malheureux et de dérives de toutes natures dans lesquelles plusieurs sous traitants portent, eux aussi, leurs parts de responsabilité. Une descente en cascade avec pour toile de fond les pressions d'un maître d'ouvrage et de ses assureurs obnubilés par la compression des coûts et des délais et par des intervenants aussi approximatifs dans leur champ d'intervention que dans leurs capacités techniques.

Dans l'ouvrage, laissé à l'abandon depuis plusieurs mois, les investigations montrent une instabilité chronique qui touche les dalles, pré-dalles consoles, poutres, goujons, joints de dilatation, et globalement tous les appuis glissants. Rien ni échappe, ni les piliers qui sont de travers ni les surfaces bétonnées que les fissures traversent en tous sens. Autant d'éléments qui incitent aujourd'hui le maître d'ouvrage à ordonner une démolition rapide. Ce ne sera pas la première car à deux reprises déjà, deux des bâtiments de l'ouvrage ont été successivement démolis et reconstruits. Cette ultime opération de destruction ne fera cependant pas l'affaire des experts pour lesquels se profile la disparition de tous les éléments et de toutes les preuves dont ils auront besoin dans la longue bataille juridique qui s'annonce. Pour ces experts, l'énormité des vices apparents pourrait en outre être dépassée par celle des vices qui aujourd'hui restent cachés.

La clinique Jean Mermoz, dont l'ouverture en grande pompe du chantier avait été parrainée par le maire de Lyon Raymond Barre, sera donc entièrement démolie et reconstruite. L'enveloppe supplémentaire pourrait au bas mot dépasser les 17 millions d'euros. La poursuite de l'emblématique construction aura lieu avec l'architecte Françoise-Hélène Jourda qui au milieu de ces funestes turpitudes, ne conserve que la maîtrise d'œuvre de conception. L'exécution en revanche est d'ores et déjà confiée à l'entreprise Coteba et à Arcadis pour l'ingénierie. Avec une date de démarrage du chantier de reconstruction prévue pour mars 2005, la livraison devrait intervenir en 2007. Une date qui probablement précédera largement celle d'un autre chantier, celui du gigantesque feuilleton juridique devant le TGI de Paris qui lui sans aucun doute, durera encore une bonne dizaine d'années…

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