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PPP/CPE : « La concurrence est limitée à 3 ou 4 opérateurs, toujours les mêmes, privant les artisans et PME de l’accès à la commande publique »

Publié le 16 avril 2010

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Denis Dessus, vice-président du conseil national de l’ordre des architectes, tient à mettre en garde les pouvoirs publics contre le recours systématique aux PPP et CPE (Contrats de performance énergétique) et la menace pesant sur les PME du BTP dans ce contexte. Tribune libre.
PPP/CPE : « La concurrence est limitée à 3 ou 4 opérateurs, toujours les mêmes, privant les artisans et PME de l’accès à la commande publique » - Batiweb

L’état compte, grâce aux PPP, continuer à investir et dynamiser l’économie sans que l’accroissement de la dette soit visible. Des collectivités locales surendettées peuvent également, avec ces techniques de déconsolidation, continuer à investir pendant la durée d’un mandat électoral en repoussant les conséquences sur les mandats à venir.

Toute l’action légale et réglementaire récente (Grenelle, loi logement, modification du code des marchés publics) tend à généraliser les contrats globaux, PPP et conception-réalisation, au grand bonheur des majors du BTP et de la finance, au grand dam des artisans et PME, qui se voient spolier d’une grand part des marchés, et de la maîtrise d’œuvre qui voit son rôle perverti. Mais, par deux fois, le Conseil Constitutionnel en a strictement limité l’usage en raison des risques constitutionnels d’atteinte aux bons usages des deniers publics et à l’égalité devant la commande publique.

Aujourd’hui le nouvel argumentaire porté par les pro-PPP et le MEEDDM est lié au développement durable. N’est-ce pas le meilleur moyen de garantir le coût global, et de s’assurer d’un contrat de performance énergétique (CPE) performant ? Le groupement privé, cumulant concepteur, constructeur et exploitant, n’est-il pas le plus à même de s’engager sur les résultats ? Discours séduisant, Denis Baupin, l’élu « vert » de Paris, après avoir annoncé qu’il allait rénover les 600 écoles de Paris en PPP, va le faire en CPE, avatar du PPP avec un objectif d’amélioration de performance énergétique. La ville de Montluçon, oubliant que les PPP sont des procédures d’exception strictement encadrées, a lancé la rénovation de 95 bâtiments en CPE, confiant à un groupement Véolia et EDF la rénovation du bâti. Triste approche qualitative de notre environnement s’ils en deviennent les concepteurs.

Le Grenelle 1 a ainsi promu le CPE sous la pression d’ERDF et GRDF notamment. En effet, les sociétés de services en efficacité énergétique sont généralement des filiales des producteurs d’énergie. A ce titre, elles sont donc naturellement enclines à favoriser la seule source d’énergie produite par leur maison mère au détriment des autres approvisionnements énergétiques et surtout au détriment d’une approche réellement environnementale. Pour ces lobbies très puissants, l’intérêt du CPE est évident, fidéliser les grands comptes publics et continuer pour une longue durée à leur vendre des énergies écologiquement critiquables !

Ce nouvel outil est une grave erreur si on veut avoir une vraie approche environnementale de la construction, maintenance et gestion d’un bâtiment.

Lier le service sur une longue durée à un prestataire privé, avec un coût d’énergie totalement fluctuant, va générer des risques en raison de la pérennité des sociétés privées et à une perte d’optimisation des rentabilités possibles des investissements techniques. La concurrence est limitée à 3 ou 4 opérateurs, toujours les mêmes, privant les artisans et PME de l’accès à la commande publique. Oui, le CPE permettra des économies quand il y a des équipements existants dépassés et une maîtrise d’ouvrage publique démissionnaire, mais elles seraient beaucoup plus importantes si on en confiait la recherche à des concepteurs impartiaux, et les marchés de travaux sous forme allotie à des PME spécialisées.

Une approche environnementale pertinente, en neuf comme en rénovation, ne peut être seulement énergétique et doit intégrer de multiples facettes des composantes de confort, hygrométrie, qualité de l’air, matériaux sains, acoustique, ambiances et fonctionnalité des espaces etc. Il ne peut donc y avoir de réponse généralisable mais la nécessité d’une étude faite au cas par cas par des concepteurs, les architectes et leurs équipes, capables d’appréhender toutes les composantes sociétales et techniques, pour déterminer le meilleur produit en termes de performance et de qualité de vie. Chaque logement, par exemple, doit faire l’objet d’une étude spécifique en fonction de son environnement construit et non construit, de son orientation, de la structure familiale, et son fonctionnement.

Pour des opérations publiques, si le PPP/CPE garantit un coût global, il s’agit d’un coût très élevé, loin des résultats permis par des solutions fines et adaptées au cas par cas, portées par une maîtrise d’œuvre indépendante des intérêts de l’entreprise, au côté d’un maître d’ouvrage public responsable recherchant le meilleur service pour ses concitoyens, seule solution qualitativement et économiquement satisfaisante.

Pour répondre aux exigences de performance du grenelle, avec un niveau BBC dès 2012, il est indispensable de privilégier l’intelligence de conception et de se libérer de sources d’énergie et de modes de production obsolètes. Les consommations énergétiques n’auront alors plus qu’un impact minimal sur les budgets.

Ceux qui seront « bloqués » par des contrats type CPE ne tarderont pas alors à s’en mordre les doigts.

Denis DESSUS vice-président du conseil national de l’ordre des architectes

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