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Le grand retour de l'ITE sur les chantiers

Publié le 09 octobre 2012

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Dans certains pays comme l'Allemagne ou la République Tchèque, presque tous les chantiers sont isolés par l'extérieur. En France les habitudes sont différentes. On isole par l'intérieur dans encore une très grande majorité de cas. Une situation qui pourrait être amenée à évoluer.
Le grand retour de l'ITE sur les chantiers - Batiweb
Pourquoi un tel retard français en matière d'isolation thermique par l'extérieur (ITE) ? « Il existe un lobbying important du gros œuvre, avance Jacques Nouveau, vice-président du Syndicat national de l'isolation (SNI). Nous sommes l'un des rares pays à continuer à faire des façades porteuses. Les constructions de type poutre-poteau sont d'avantage adaptées à une ITE ». Déplaçons la question : pourquoi cette tradition de la façade qui porte ? « Parce que les gens sont plus attachés qu'ailleurs à leur logement. Et ils veulent du dur », résume M. Nouveau. Dans la croyance populaire, le béton rassure, il protège.

Retour de l'ITE sur le devant de la scène

Voilà pour le côté structure, architecture. Autres explications, toutes plus ou moins liées : le manque de formation sur l'ITE (voir encadré), une filière pas encore prête, une pénurie de main d'oeuvre... Mais avec les économies d'énergie remises au goût du jour, la donne change peu à peu. Ainsi après de premières expériences à l'époque du premier choc pétrolier (avec un parc de logements anciens mal construits à réhabiliter), une seconde percée dans les années 80/90 (tentatives de façades légères et de maisons à ossature bois) et une troisième vague au milieu des années 2000 – le Grenelle – les nouvelles normes semblent sonner le grand retour de l'ITE sur le devant de la scène.

« Ce n'est pas la seule solution mais elle offre une efficacité forte contre les ponts thermiques », note Marc de Sainte Foy, responsable ITE chez Tollens. L'étanchéité à l'air, bête noire de la RT2012, ne peut plus être négligée. Il faut traquer la moindre fuite pour remplir les objectifs de performance énergétique. On parle de 30% des déperditions de chaleur par les murs dans l'ancien non isolé et de 15% par les ponts thermiques (nez de dalles, de balcons, refents de murs, ...) précise M. de Sainte Foy. Et pour y parvenir, l'ITE est l'une des solutions. Elle consiste à envelopper totalement la maison pour assurer une continuité de l'isolation, chasser les ponts thermiques et éviter des pertes de chaleur. Pratique, « isoler par l'extérieur permet de gagner de la surface plancher et de continuer à occuper les locaux dans le cas d'une rénovation », rappelle Damien Nowak, chef de marché ITE pour Weber.

Longtemps portée par le logement social

Sur le mur porteur est fixé un isolant, par une colle ou des chevilles, puis un corps d'enduit armé (pour la résistance structurelle) et enfin les finitions pour la couleur, l'aspect, la résistance à l'humidité et à l'encrassement. « Ce dernier point ne doit pas être négligé car l'ITE a souffert d'une mauvaise image liée à son utilisation fréquente dans la rénovation de logements sociaux », pointe Jacques Nouveau, qui est aussi président de la section thermique bâtiment du SNI. A la différence de la copropriété où la prise de décision est longue, le bailleur social est un bon porteur de l'ITE. Logique, c'est lui qui paie les factures. Il ressent donc très vite les effets bénéfiques d'une rénovation thermique réussie.

L'isolant, polystyrène expansé, laine de verre ou de roche, peut être fixé selon les systèmes à l'aide de rails et profilés, de colle ou poudre ciment (uniquement), ou encore de pâte prête à l'emploi sans ciment (celle-ci sert à réaliser le corps d'enduit), comme chez Tollens. Le fabricant proposera prochainement une solution ITE pour la maison à ossature bois, sur support de type plaque OSB (Oriented Strand Board, qui se traduit en français par panneau à lamelles minces orientées). C'est déjà le cas chez son concurrent Weber avec le système weber.therm XM sur isolants fibre de bois, « solution respirante avec enduit à la chaux aérienne sur panneau en fibre de bois ».

Rénovation des bâtiments patrimoniaux

D'une façon générale, ces solutions sont le plus souvent appliquées par des peintres. Mais aussi par des façadiers plus spécialisés, des maçons amenés à travailler sur la structure... Elles peuvent être déployées sur beaucoup de types de supports : brique, bloc béton, enduit, peinture. « Il n'y a que les façades anciennes en plâtre-chaux que nous ne traitons pas, car ce type de matériaux doit vivre. C'est une question de responsabilité, d'honnêteté de l'industriel », note M. Nowak. La façade haussmannienne pose elle aussi problème. En effet il est possible de reproduire une modénature après la pose d'une ITE. Mais ce ne sera pas de la pierre, d'où la question du respect et de la conservation du patrimoine. Là aussi des solutions existent avec des enduits de finition à la chaux aérienne, appréciés des ABF (architectes des bâtiments de France). « On casse la modénature ancienne, puis l'on pose l'ITE, en polystyrène extrudé revêtu d'enduit en usine, l'enduit chaux et une nouvelle modénature », détaille le responsable de chez Weber. Des solutions qui répondent aux normes feu des pompiers qui peuvent s'y appuyer en cas d'intervention, supportant jusqu'à 500 kg de charge.

Avec un marché qui n'en est qu'à ses balbutiements (voir encadré) l'ITE a encore tout à prouver. A l'avenir elle devra se montrer de plus en plus esthétique, et performante, permettant ainsi d'en réduire l'épaisseur et par là-même diminuer l'effet tunnel, qui se forme autour des fenêtres.

Une question de formation

Un certificat de qualification professionnelle (CQP) « Façadier ITÉiste » sera lancé au printemps et disponible dans les centres de formation. La formation traditionnelle se met elle aussi en place. Aujourd'hui ce sont les entreprises de la façade qui réalisent l'ITE. A 75% il s'agit des peintres, des façadiers et des maçons, les 25% restants étant atomisés entre les couvreurs, les poseurs de bardage métallique, les étancheurs et les menuisiers. « Il faut que cela devienne un véritable métier », martèle Jacques Nouveau du SNI.

 Un marché à fort potentiel

On compte en France quelques 250.000 millions de m2 de façades (hors industriel) et seulement 10.000 millions de m2 en ITE (réhabilitation y compris). Ce marché reste donc très marginal et appelle à être développé. Entre 55 et 75% de celui-ci est aujourd'hui réalisé en filière humide (enduits organiques et minéraux), le restant allant à la filière sèche : bardages et lames d'air ventilées. Selon la FFB on atteindra les 50.000 millions de m2 dans cinq ans, soit un marché multiplié par cinq. Et la demande théorique pourrait être encore plus importante.

Laurent Perrin

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