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La difficile résurrection de Tchernobyl

Publié le 12 août 2002

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Vinci et Bouygues TP construisent sur le site de Tchernobyl une unité de stockage. Dans une atmosphère de cimetière où la peur fait fuir main d'œuvre et sous traitants, les baroudeurs du BTP combattent les difficultés
La difficile résurrection de Tchernobyl - Batiweb
Le site de Tchernobyl laissera longtemps un bien curieux souvenirs aux ingénieurs des deux groupes français qui pourtant, en matière de chantiers étranges ou difficiles, en ont vu d'autres. Au cœur de cette région désertée de l'Ukraine, le sarcophage noir de la centrale, comme pour les narguer, ne cesse de leur rappeler le drame qui c'est jouer sur le site le 26 avril 1986. Autour de la masse de béton sous laquelle sont ensevelies les installations détruites par la funeste explosion, rien n'a bougé. Les grues rouillées et les coffrages des tours en construction à l'époque autour des réacteurs 5 et 6 sont restés en l'état, figés depuis la fuite brutale des ouvriers. Comme pour mieux marquer le no man's land mortel, la terre radioactive, retirée sur une épaisseur de 2 mètres, à été remplacée par du sable. C'est au coté de cette usine fantôme, dans le silence d'une région ou les villes sont toujours abandonnées au vent et à la nature, que les 50 techniciens et ingénieurs des deux groupes français se battent contre les difficultés.

Un tombeau sous surveillance
L'usine qu'ils construisent doit en effet permettre le stockage en 2003 des barres de combustible irradiées. Pour stocker les 25 000 éléments radioactifs, les constructeurs font sortir de terre un immense blockhaus d'une hauteur de 27 m. Entre ses murs de 1,4 mètre d'épaisseur, les "pièces chaudes", confinées dans des cylindres étanches, devront reposer, au minimum pendant 100 ans, dans des centaines d'alvéoles de béton. Dans une région qui flirte plusieurs mois par an avec les -20°, le béton spécialement mis au point devra résister à un cycle incessant de gel et de dégel. Les alvéoles, en prévision d'éventuels tremblements de terre, sont toutes séparées par des joints épais et sophistiqués. Le blockhaus, bourré de capteurs, sera ainsi placé en permanence sous haute surveillance.

Un recrutement impossible
Pour mener à bien leur mission, les 50 membres des deux entreprises ont formé deux équipes de 300 ouvriers. Les équipes se relaient tous les quinze jours. Si ce rythme à l'inconvénient de créer une rupture de charge, il permet au moins aux ingénieurs de constituer toutes les deux semaines des équipes complètes. En effet, il est aussi difficile de recruter des sous-traitants et ouvriers que de les conserver. Inscrit comme un lieu maudit dans la mémoire collective ukrainienne, le site de Tchernobyl et son environnement fantomatique effraie. De plus, dans le reste du pays, les chantiers se multiplient. Un contexte où la loi de l'offre et de la demande joue sans aucun formalisme car la culture soviétique, encore très présente, n'incite ni à l'attachement ni à la conscience professionnelle.

Zone interdite
Autres difficultés, celles de l'approvisionnement et des mesures radioactives. Tous les matériels et matériaux sont en effet soumis à un contrôle très strict, dans un rayon de 30 km constituant une zone d'exclusion. Il faut ainsi des heures, voire des jours à chaque camion pour franchir les contrôles pointilleux et pénétrer dans la région. Sur le site, les normes de radioactivité admises ont été baissées du tiers au regard de celles établies par la réglementation. Le Taux zéro est ainsi paradoxalement devenu la règle. Par comparaison, un ouvrier travaillant 2000 heures sur le site reçoit moins de rayonnement qu'un habitant de Bretagne ou du Morvan pendant 1 an. Conséquence, chacun est soumis quotidiennement à un contrôle qui alourdit encore les taches. Mais rien ne décourage les baroudeurs des deux grands du BTP. En attendant que Framatome, l'opérateur français responsable de l'extraction et du placement des barres de combustible, intervienne, les constructeurs du blockhaus de Tchernobyl ont au moins déjà gagné une première manche. Ils ont ramené la vie sur une terre que l'on croyait enfermée pour les siècles à venir dans le silence d'une mort invisible.

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