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Le renouveau de Clichy, après 670 millions d'euros d'investissement

Publié le 05 août 2014

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Berceau des émeutes en 2005, Clichy est aujourd'hui une banlieue plus propre et plus calme, après l'accomplissement d'un programme de 670 millions d'euros d'investissements. La rénovation et la construction de logements ont permis de reloger les familles dans de meilleures conditions. Mais cela n'a pas suffit à gommer toutes les difficultés. Retour sur dix ans de chantier.
Le renouveau de Clichy, après 670 millions d'euros d'investissement - Batiweb

Les barres d'immeubles et les détritus ont disparu du champ de vision des habitants du quartier de Clichy-sous-Bois et Montfermeil. Au terme d'un ambitieux programme de rénovation urbaine, lancé il y a dix ans, ce quartier de Seine-Saint-Denis est méconnaissable.

« Ils étaient obligés de changer, ils ne pouvaient pas nous laisser à l'abandon », sourit Sandrine Dejesus dans son nouveau duplex de 96m2.

En 2005 éclataient sous ses fenêtres les plus graves émeutes dans l'histoire des banlieues françaises. Depuis, elle peut se promener dans les rues tranquilles aux immeubles neufs, son garçon de trois ans dans les bras.

La fin du ghetto

« Quand on voit les cités de Marseille à côté... Ici, je suis une reine ! », s'exclame cette mère de trois enfants qui a collé des papillons argentés pour égayer les murs, éclairés par de larges baies. A la fenêtre, un imposant bloc de béton sinistre : un des rares immeubles à ne pas avoir été dynamité.

Laadj Talaa, une ancienne des Bosquets, copropriété très dégradée en partie démolie, a elle quitté son immeuble délabré pour un bâtiment propret, entouré de grilles.

« C'est plus le ghetto », témoigne cette employée de cantine de 54 ans, « ça fait plus résidence privée que HLM », « quand je me lève le matin, j'ai une belle vue, c'est beau, c'est propre ».

Autour d'un thé avec d'anciens voisins, elle concède seulement un brin de nostalgie pour la « vraie vie de famille » partagée avec eux, 20 ans durant.

1 400 logements détruits

« C'était vraiment le bout du bout, il y avait un mètre d'immondices au pied des tours », se remémore Serge Dubreuil, directeur du renouvellement urbain au bailleur social Opievoy.

Le quartier, situé à 17 km de la capitale, est alors confié aux soins de l'architecte Vincent Cornu qui souhaite offrir aux habitants « des choses que des Parisiens ne peuvent pas forcément avoir », comme de petits immeubles avec des appartements « tous traversants, dont on multiplie les orientations, avec des terrasses, des balcons ».
 

670 millions d'euros d'investissement plus tard, 1 400 logements ont été détruits, 2 762 autres rénovés et 1 209 sont sortis de terre, flambant neufs. Les appartements des immenses copropriétés, dégradées et en faillite, ont été rachetés un à un, puis détruits ou transformés en logements sociaux.

Pour le maire socialiste de Clichy Olivier Klein, le projet allait au-delà des logements : « on a créé de la ville, des équipements publics, des rues et des squares » dans des zones en proie au sentiment d'abandon.

Des dettes et des factures plus lourdes

Mais malgré l'ouverture d'un commissariat, premier signe du retour de l'Etat, puis d'une agence Pôle emploi en février, la rénovation urbaine n'a pu gommer toutes les difficultés.

Le relogement visait « à apurer les difficultés financières » de personnes appauvries par des charges communes démesurées, rappelle la sociologue Sylvaine Le Garrec, qui travaille pour l'association des responsables de copropriété, mais certains « se retrouvent à nouveau avec des problèmes ».

Leur appartement « a été racheté au moindre coût » par la puissance publique, 20 000 à 30 000 euros pour des 60 m2. Pas assez pour apurer leurs dettes.

Pour d'autres, la famille s'est agrandie, et la rénovation s'est traduite par un appartement plus vaste et plus cher. Certains encore ont été surpris par les compteurs d'eau individuels, qui peuvent faire flamber la facture.

La mixité sociale tarde

Le nouveau quartier peine également à faire venir d'autres habitants pour favoriser la mixité sociale. « Pour les constructions nouvelles, on visait 60% de logements locatifs sociaux, notamment pour reloger les habitants du quartier » et 40 % d'autres logements. Ce dernier objectif « n'est pas encore atteint et il mettra encore quelques années à être réalisé », constate Thierry Asselin, directeur opérationnel à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru).

« Certains ont gardé leurs mauvaises habitudes et jettent leur déchets par la fenêtre », déplore Idriss Djocu, gardien d'immeuble, même s'il juge qu'il y a moins d'incivilités et surtout « une autre ambiance que dans les cités ».

Pour éviter de « retomber », les bailleurs sociaux font assaut de pédagogie, et une part de l'enveloppe de la rénovation - trop faible selon plusieurs acteurs - va à l'accompagnement social. Une partie de ces fonds expire fin 2014.

Un désenclavement attendu

« On s'est occupé de l'urbain, pas de l'humain », dénonce l'adjoint au maire de Clichy Medhi Bigaderne, de l'association ACLEFEU née avec les émeutes. « On a replacé les mêmes populations avec les mêmes difficultés dans ces logements ».

Pour le chercheur Renaud Epstein, Clichy-Montfermeil est même un bon exemple de « l'échec de la rénovation urbaine du point de vue de la mixité sociale »: « des petites maisons coquettes et de petits immeubles à la place des tours moches », cela ne suffit pas à « faire venir d'autres populations ».

La plupart des acteurs attend la venue prochaine de tramway en 2018, un projet souvent repoussé, pour désenclaver le quartier. A l'horizon 2023, il bénéficiera également d'une gare du futur métro du Grand Paris. Mais personne ne peut prédire si cela suffira à changer durablement l'image de cette banlieue.

C.T (avec AFP)
© Vincen Cornu

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