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Coup de tonnerre dans le domaine de l’isolation

Publié le 12 janvier 2017

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Une des controverses les plus longues dans le domaine des produits du bâtiment vient de connaître un épilogue, peut-être provisoire. La Cour d’appel de Versailles vient de débouter le FILMM, le syndicat national des Fabricants d'Isolants en Laines Minérales Manufacturées, de son action contre Actis, pour publicité mensongère. L’affaire avait débuté en 1996 …
Coup de tonnerre dans le domaine de l’isolation - Batiweb
Il y a 20 ans, las de voir que la montée en puissance d’Actis ,le fabricant limouxin du Tri-ISO Super 9, s’appuie sur une publicité comparative qu’il juge mensongère, le FILMM, qui réunit les principaux acteurs des laines Minérales (ISOVER, KNAUF, URSA, ROCKWOOL …), décide de porter l’affaire devant le tribunal. Il porte plainte contre Actis en 1996 pour « pratiques commerciales trompeuses et parasitisme », à la suite de publicités présentant des qualités d'isolation thermique du produit TRI-ISO SUPER 9, que le FILMM a toujours contestées et conteste toujours.

Une décision incompréhensible

C’est cette affaire qui vient d’aboutir, à la cour d’appel de Versailles, par une décision que le syndicat juge « incompréhensible ». Le jugement déboute le FILMM de son action contre Actis et le condamne à régler les frais d’avocats de la partie adverse. Mais, selon le FILMM, le tribunal n’a pas remis en cause l’expertise indépendante que la justice avait ordonnée et le jugement porte plutôt sur la forme (absence de publicité mensongère, faute de réglementation contraignante sur l’étanchéité à l’air) que sur le fond. Le FILMM envisage de se pourvoir en cassation, tout en mesurant que si le jugement était cassé, une telle démarche ne serait que l’avant-dernière étape d’une affaire interminable où, selon le FILMM, le consommateur est le premier lésé.

L’histoire de David contre Goliath

Pour les plus anciens d’entre nous, la rencontre avec le fondateur d’Actis, Paul Riedel, dans les années 80 ou 90 était toujours un choc. On se trouvait face à un vieux monsieur passionné, qui semblait mener le combat du David des « isolants minces réfléchissants » contre le Goliath « des laines minérales avec sa chevelure jaune ». Cela pouvait paraître sympathique et même porter à rire.

Mais les industriels de la laine minérale ne l’entendaient pas de cette oreille et furent vite lassés de ce « produit miracle, issue de la recherche spatiale » qui prétendait, avec ses trois centimètres d’épaisseur, isoler aussi bien voire mieux que vingt centimètres de laine minérale. D’autant qu’Actis s’est appuyé sur cet argument comparatif pour gagner des parts de marché non négligeables, puisque le chiffre de 70 millions de m2 posés jusqu’en 2008 est généralement admis. Et le produit est devenu pendant longtemps un must chez les couvreurs, les GSB spécialisées et il faut bien le reconnaître, chez certains négoces professionnels.

Une polémique qui dure depuis plus de vingt ans

La polémique et les différentes phases du procès ont entraîné de nombreuses péripéties. Par exemple en 2009, la DGCCRF et l’autorité de la concurrence avaient instruit une enquête pour vérifier qu’il n’existait pas d’entente entre un grand industriel, leader des laines minérales, le FILMM et les organismes certificateurs, CSTB et AFNOR pour empêcher les produits minces réfléchissants d’accéder à la certification.

Des experts judiciaires unanimes

Depuis cette époque, la Cour de cassation a nommé deux experts indépendants qui ont remis un rapport très documenté qui conclut que « les résultats de toutes les campagnes d’essais effectuées avaient été parfaitement cohérents entre eux, laissant toujours apparaître des écarts très importants et constants entre le produit TRI-ISO SUPER 9 et l’isolant en laine minérale d’épaisseur 20 cm » nous dit le FILMM.

Un complément d’expertise ordonné par le tribunal a même amené les protagonistes à se soumettre à un test en réel, très couteux, avec la construction de deux chalets, supervisée par un laboratoire indépendant des parties, la société Néotim. C’est une demande récurrente des fabricants de produits minces réfléchissants que réaliser des tests « In situ ». Ces deux chalets, dont la construction, l'équipement et le fonctionnement ont coûté environ 200 000 euros, ont permis trois campagnes d’essais, de 2013 à 2015. Selon le rapport d’expertise, le test a conclu que la différence de consommation varie du simple au double entre les deux chalets, « très exactement d’un coefficient de 2,3 » selon Caroline Lestournelle, secrétaire générale du FILMM.


Répondant à leur mission, les experts judiciaires concluent ainsi :
• « Les résultats de toutes les campagnes d’essais effectués ont été parfaitement cohérents entre eux, laissant toujours apparaître des écarts très importants et constants entre le TRI-ISO SUPER 9 et l’isolant en laine minérale épaisseur 20 cm.
• Les deux produits employés dans des conditions normales d’utilisation et ainsi comparés ne peuvent pas être considérés comme équivalents car le chalet isolé avec l’isolant TRI-ISO SUPER 9 a consommé plus de kWh que le chalet isolé avec l’isolant laine minérale 20 cm.
• À l’évidence, l’isolant dénommé TRI-ISO SUPER 9 n’isole pas autant et n’isole pas mieux que 20 cm d’isolant en laine minérale. »

Le FILMM s’insurge aussi de la stratégie d’Actis qui, selon lui, a eu pour objectif de semer le trouble dans les esprits des professionnels comme des consommateurs. Le syndicat s’appuie sur plusieurs faits qu’il dénonce. 

Actis aurait …
• « Créé un indice de résistance thermique « Rt » présenté de façon à instaurer la confusion avec le marqueur officiel de performance d’isolation « R »
• Détourné l’utilisation du DPE (Diagnostic de Performance Énergétique)
• Créé un syndicat, le SFIRMM, à l’acronyme très proche du FILMM
• Créé un organisme certificateur ISOCERMI à l’acronyme très proche de ACERMI
• Produit un seul « certificat » obtenu par un laboratoire anglais sans tenir à disposition du public les conditions de réalisation du test mis en œuvre. »

Des pathologies dans les bâtiments traités avec le produit d’Actis ?

Le FILMM s’inquiète aussi des pathologies qui pourraient résulter de l’usage fait du Tri-ISO super 9 dans les bâtiments, car posé sans respecter les règles de l’art s’imposant aux autres isolants. Interrogé par le syndicat, l’Agence Qualité Construction (AQC) n’a pas fait, à ce jour, remonter de cas de désordre « pour des raisons de confidentialité » s’étonne Caroline Lestournelle. Plus globalement, la porte-parole du FILMM déplore la passivité des pouvoirs publics français, qui ont laissé le marché se débrouiller avec ces incertitudes, incertitudes qui risquent aujourd’hui de porter préjudice aux consommateurs. Elle conclut sur le fait que « le FILMM se félicite d’avoir mené ce long combat judiciaire dans l’intérêt de la profession et des consommateurs en contribuant à faire évoluer des pratiques professionnelles ».

De son côté, Actis a fait évoluer sa gamme à plusieurs reprises, en y introduisant même, pendant une période, des isolants en fibre de bois. Nous attendons avec impatience la réaction de cette société face au jugement, réaction dont nous vous ferons bien sûr part.

R.B.

FILMM, Syndicat national des Fabricants d'Isolants en Laines Minérales Manufacturées - Fondé en 1977, le FILMM représente les industriels français de laines minérales manufacturées auprès de son environnement professionnel. En tant que syndicat, il est le porte-parole de la profession et interlocuteur auprès des Pouvoirs Publics, ainsi que de tous les acteurs de la construction. Les adhérents du FILMM sont : Ecophon, Eurocoustic, Flumroc, Isover, Knauf Insulation, Rockwool, Ursa.

ACERMI - Association pour la CERtification des Matériaux Isolants est une association loi 1901, créée en 1983 par le CSTB et le LNE qui ont conçu la marque de certification ACERMI.
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