Le nouveau visage de Munich
Huit cent cinquante ans ! Les 14 et 15 juin prochain, Munich, capitale de la Bavière, célébrera, comme chaque année, mais avec un peu plus de lustre, l'anniversaire de sa fondation. Huit siècles et demi d'histoire couvée sous le capuchon des moines - d'où son nom, München. Des moines, dont la principale activité marchande consistait dans la conservation en entrepôts du sel provenant de Salzburg (littéralement : la ville du sel).
Car, outre une évidente propension à bien vivre, les Munichois du jour ont pour récurrente marotte un rattachement hédoniste et quasi géographique à l'Italie, si proche, revendiqué en mode, en design comme en gastronomie. Déjà vers 1840, le roi Louis Ier de Wittelsbach, mécène dispendieux, couvrit la ville de monuments néoclassiques, loges florentines, églises baroques tout en couvrant d'or et de bijoux sa sulfureuse maîtresse, Lola Montès. Son fils et successeur, Maximilien II, achèvera de métamorphoser la physionomie replète et médiévale de Munich en ville universitaire, brillante, culturelle, lyrique... Son fantasque et dément héritier, Ludwig II, y sublimera l'image romantico-wagnérienne d'un royaume utopique. Né dans le château de Nymphenburg, le roi fou mourra chez Visconti.
Le goût du chocolat
Teinté de folklore tyrolien - des bois de cerf aux culottes de peau -, dont les jeunes générations créatives se réclament non sans lui tordre le cou pour en extraire un réjouissant cocktail esthético-techno-kitsch, ce jumelage méridional vaut donc à la plus catholique des grandes villes allemandes de vivre au rythme latin de l'espresso et du Campari, si possible sirotés en terrasse : au premier soleil, même hivernal, tout le monde dehors ! Certes, on chine ici de fort belles choses chez les antiquaires et des curiosités bizarres chez les nombreux petits brocanteurs, mais les artisans designers multiplient les terrains d'exercice - céramiques, chapeaux et bijoux (lire : Schmuck).
Les vitrines de Dallmayr, temple bourgeois de la gastronomie, regorgent toujours de gâteaux à étages et de dames tout droit sorties d'un épisode de « Derrick » mais, depuis peu, Munich se découvre aussi un goût immodéré pour le cacao. Boutiques et salons de chocolat éclosent comme edelweiss en montagne. Le meilleur de tous : Stancsics, dont le comptoir blanc laiteux et anguleux a été conçu par l'agence munichoise Tools of Architecture. Goûter obligatoirement aux ganaches artisanales chili-ananas ou poivre-poire pour comprendre que le massepain mozartien sur-sucré, hier tant chéri des mamies en loden, c'est dépassé.
Tant de fois construite et reconstruite, notamment à l'identique après la Seconde Guerre, Munich est aujourd'hui un perpétuel chantier de mutation urbaine et architectonique. Du haut de l'hôtel Bayerischer Hof, palace mondain au sommet duquel Andrée Putman a juché l'incroyable BlueSpa avec piscine céleste et champagne-bar panoramique, l'horizon munichois se hérisse de plus de grues que la ville ne compte de clochers. C'est dire. Après le centre-ville piétonnier, totalement métamorphosé et hyper-mode depuis l'ouverture des Fünf Höfe, ces cinq cours couvertes, tracées et façonnées par les architectes suisses Herzog & de Meuron, c'est au tour du Westend-Schwanthaler, ancien quartier ouvrier situé à l'ouest de la ville, au-delà de l'immense esplanade des Theresienhöhe, siège de la très païenne et paillarde Oktoberfest, de se signaler aux « tendanceurs ».
Restaurants, cafés, galeries, s'alignent le long des Gollier et Kazmairstrasse. Tout à côté, sur le site réhabilité de l'ancienne Messe (foire), audaces architecturales et constructions ultramodernes sont dues en partie à l'architecte berlinois Volker Staab, à qui Munich doit aussi le Maximilianeum, nouveau siège du Parlement bavarois. Depuis 1999, le paysage architectural munichois s'est enrichi du Siemens Forum signé Richard Meier et des tours Highlights, érigées sur la bien-nommée Mies-Van-der-Rohe Strasse, au nord du quartier de Schwabing, par l'architecte Helmut Jahn, connu pour ses réalisations sur la Potsdamerplatz à Berlin et déjà salué pour son Munich Airport Center.
Stade extra-terrestre
Officiellement inauguré le 9 juin 2006 à l'occasion du premier match de la World Cup, Allemagne-Costa-Rica, le gigantesque stade Allianz Arena (66.000 places assises), ainsi baptisé puisque financé par la compagnie d'assurances Allianz, est la plus grande oeuvre architecturale sportive munichoise depuis la construction du village olympique pour les JO de 1972. Réalisée par Herzog & de Meuron, très actifs en ville, cette arène de lumière, visible de très loin, ressemble en plein jour à un pneu géant - ses parois sont constituées de 2.874 panneaux translucides gonflables - et s'illumine nuitamment aux couleurs des équipes de foot munichoises : rouge quand joue le Bayern ; bleu quand joue le 1860 München ; blanc quand il s'agit d'une rencontre internationale.
L'ensemble, qui évoque un colossal ovni, est déjà inscrit au patrimoine architectural de la capitale bavaroise, au même titre que la Pinakothek der Moderne. Ouvert au public depuis 2002, ce nouveau musée en abrite en réalité quatre distincts : la Galerie nationale d'Art moderne, créée après 1945, la Neue Sammlung ou le musée permanent du design industriel, la Collection nationale d'oeuvres graphiques, fondée en 1874, et le nouveau Musée d'Architecture, institution émanant du Service des archives architecturales de Bavière formé en 1868. Dessinée par l'architecte Stefan Braunfels, vaste, lumineuse, spectaculaire, la PDM est une réussite totale. Au menu des expositions temporaires : « Hans Arp » (à partir du 14 février), « Jochen Klein » (à partir du 7 mars). Rayon design, on attend « Olafur Eliasson - Your Mobile Expectations : BMW H2 R Project » (à partir du 28 mai et juste pour rappeler que la firme automobile BMW est une fierté munichoise de premier plan). La branche architecturale promet pour juin prochain de révéler l'oeuvre non construit d'Alvar Aalto et d'exposer dès février « les 200 ans d'architecture de la Kunstakademie de Munich ».
Musée global
Comme Berlin et Vienne, Munich peaufine son projet de quartier muséal global : jouxtant la PDM, le chantier d'un futur nouveau musée, mené par l'agence anglo-allemande Matthias Sauerbruch-Louisa Hutton, sera en principe achevé fin 2008 et abritera derrière ses murs aveugles et tubulaires multicolores la prestigieuse collection Brandhorst (art de la seconde moitié du XXe siècle). Juste en face, celui de la future école de télévision et de cinéma, doublée du musée d'Art égyptien, actuellement installé dans l'enceinte de la Résidence, le palais des Wittelsbach, devrait être livré courant 2010.
Non loin de là, l'architecte d'origine munichoise, Christoph Sattler, mène à son terme sur le site de l'ancien jardin botanique, laissé à l'abandon en plein centre-ville, l'ambitieux projet immobilier des Lenbach Garten. Sont déjà sortis de terre The Charles, néopalace de la collection Rocco Forte, et nouveau venu dans la cour des 5 étoiles-luxe déjà nombreux en ville, ainsi que plusieurs somptueux immeubles de bureaux et d'habitation, dont le haut standing annoncé a fait grimper le prix du mètre carré à 7.000 euros. Du jamais-vu à Munich !
Jusqu'en 2007, la Pinakothek der Moderne aimait à se présenter comme le premier bâtiment conçu et construit depuis longtemps pour abriter un musée. Un orgueil périmé par le nouveau Jüdisches Museum inauguré voilà quelques mois en plein coeur de la vieille ville, juste en face de la nouvelle synagogue. Dû à l'agence Wendel, Höfer & Lor, ce monolithe de pierre blonde parachève en effet le réagencement de la St-Jakob Platz. Hautement symbolique dans une cité marquée par le nazisme, ce complexe confessionnel et culturel se propose de renouer le fil d'une histoire interrompue, notamment par le biais d'expositions temporaires et intrinsèquement populaires comme « Art et antiquités de la maison Bernheimer » (jusqu'au 16 mars).
Triomphe bio
Sinon, partout ailleurs, Munich l'opulente, la riche, la banquière, l'industrielle et aussi l'artistique, la créative, n'en finit pas de rénover, restaurer, reconstruire partout où sa qualité de vie, louée dans toute l'Europe, peut s'épanouir encore plus. Marche à pied, vélo, espaces verts au menu. Et aussi shopping, bien que, le samedi, tout soit fermé à 16 heures. Que ce soit dans les quartiers plus résidentiels de Lehel ou de Haidhausen, de part et d'autre du fleuve Isar, ceux définitivement alternatifs de Glockenbach ou du Gärtnertheater, les cafés, les restaurants, les boutiques, les petits hôtels mode, les fleuristes et les « frisör » font fortune sur le mode riposte au luxe du « Zentrum ».
Les tendances en matière de mode, design, gastronomie, s'y manifestent en toute créativité et décalages salutaires alors que l'engagement écologique mâtiné de sincère jovialité fait florès dans tous les domaines. Le bio est au top, à tel point que, tout récemment, les innombrables clients de la mini-chaîne de supermarchés BasicBio se sont poliment rebellés contre l'OPA du géant hard-discounter Lidl sur leur enseigne préférée. Et ils ont poliment gagné