Les immigrés birmans en Thaïlande, victimes oubliées du tsunami
les victimes oubliées du tsunami et les milliers d'entre eux qui sont morts ou
disparus selon les ONG ne seront jamais reconnus comme tels.
Contrairement à ses dix camarades, il a réussi à grimper sur un toit et échapper aux vagues meurtrières. Depuis, sans travail, il se cache dans son bidonville à 10 kilomètres de Khao Lak --son lieu résidence depuis huit ans-- entassé avec une centaine de ses compatriotes.
"Les autorités thaïlandaises ne sont même pas venues demander combien de Birmans étaient morts. Ils font des listes des morts thaïlandais, étrangers, mais se fichent des Birmans", raconte l'homme de 43 ans, la peau sur les os, les joues creuses et les yeux injectés de sang.
"Et même si j'ai des papiers en règle, je n'ose pas aller à la police de peur qu'ils m'arrêtent", dit-il.
A côté de lui, une femme birmane raconte avoir perdu sa fille dans la catastrophe. Quelqu'un lui a dit le lendemain que le corps gisait sur la plage, mais des policiers thaïlandais lui ont interdit d'aller le reconnaître.
Le cadavre a été probablement expédié vers le temple-morgue de Yanyao plus au sud, croit-elle savoir.
Selon des ONG birmanes basées en Thaïlande, des milliers d'immigrés dans l'industrie de la pêche et du bâtiment ont été tués par le tsunami dans la province méridionale de Phang Nga et des milliers d'autres ont disparu.
"2.500 travailleurs immigrés birmans ont été tués par le tsunami en Thaïlande dans la province de Phang Nga", avait déclaré dimanche à l'AFP Moe Swe, secrétaire général de la 'Yaung Chi Oo Workers Association', basée à Mae Sot (nord-ouest de la Thaïlande).
Une autre source a estimé que le bilan pourrait atteindre 3.000 morts parmi les travailleurs birmans, dont environ la moitié seraient des immigrés clandestins, et que de 5.000 à 7.000 personnes ont disparu.
Tous ces chiffres se fondent sur des enquêtes de terrain menées depuis plus d'une semaine sur la côte de Phang Nga auprès de villageois, patrons thaïlandais et travailleurs birmans survivants, selon les ONG.
Pour l'instant, les ONG ne sont pas capables de dire si ces chiffres doivent s'ajouter au bilan total officiel de la Thaïlande de quelque 8.500 morts et disparus.
Mais il y peu de chance que les victimes birmanes soient un jour reconnues comme telles.
"Le gouvernement militaire (en Birmanie) ne se soucie même pas des Birmans dans leur pays. Ils ne vont sûrement pas réclamer leurs ressortissants morts ici. Ils considèrent qu'ils ont quitté le pays", explique Mynt Mynt San, volontaire de la 'Burmese Women Union', une ONG birmane basée à Chiang Mai (nord de la Thaïlande).
Quant à la Thaïlande, "elle sait qu'elle a des centaines de milliers d'immigrés birmans. Elle devrait au moins reconnaître que beaucoup de ressortissants birmans ont disparu", dénonce-t-elle.
Par exemple, "un employeur thaïlandais à Khao Lak nous a dit que la moitié de ses 150 ouvriers étaient portés manquants", dit Mynt Mynt San.
Et sur l'île de Kho Khao, en face de la ville de Takua Pa, "il y avait 10.000 travailleurs birmans. Nous avons pu en localiser 300, pour l'instant", dit-elle.
Selon les ONG, quelque 900.000 Birmans travaillent légalement en Thaïlande, comme pêcheurs, ouvriers dans des pêcheries ou dans le bâtiment.
A Phang Nga, des Birmans ont afflué depuis le boom touristique de la côte voilà deux ou trois ans.
"Mais ces gens, morts ou pas, n'existent pas, ils sont invisibles", dit Mynt Mynt San.
"Moi aussi, je me sens une victime du tsunami, mais je n'ai reçu d'assistance de quasiment personne", renchérit l'ouvrier Achai.