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Un chantier de forçat pour le fort de la cité pirate

Publié le 23 janvier 2002

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La restauration du fort de la Conchée, peut vraiment être qualifiée de galère. Les ouvriers qui le restaurent sous les gifles glacées de la Manche, font un travail digne des forçats qui l’ont édifié
Un chantier de forçat pour le fort de la cité pirate - Batiweb
En 1378, douze mille soldats anglais et 400 bombardes prenaient pieds sur les côtes françaises à proximité de la cité de Saint Malô. Cette brutale pénétration devait s’avérer lourde de conséquence. Les siècles qui suivirent virent ainsi s’édifier des postes de défense sur les moindres îlots de la cote. Le plus grand architecte de ses défenses fut sans aucun doute Vauban. Constructeur infatigable et homme de guerre émérite, il fut avant l’heure le précurseur du mur de l’Atlantique. Aujourd’hui, ces vestiges classés sont l’objet d’un soin jaloux des associations qui, comme la Compagnie du fort de la Conchée, s’efforcent de sauver ces illustres fortins. Sans avoir la taille ou le prestige du fameux fort Boyard, le fort de la Conchée n’en est pas moins un monument chargé d’histoire et digne de retrouver son allure imposante d’antan. Sur ce piton rocheux, situé à 2 miles de la cité corsaire, le fort a résisté aux multiples assauts de la perfide Albion. Sur ce bout de roc battu par les flots, des centaines de ces hommes sont, dans l’anonymat le plus total, morts pour une certaine idée qu’ils avaient de la France et du service du roi. Avant eux, les ouvriers de Vauban, pour ne pas dire les forçats, avaient édifié en pleine mer des murailles de pierre qu’ils croyaient, vu leurs efforts, indestructibles. Si les Anglais ne sont jamais venus à bout de ces murailles la mer, à laquelle comme chacun sait rien ne résiste, avait depuis plusieurs décennies largement ébranlé l’édifice. Il y a douze que la Compagnie du Fort de la Conchée, crée par Alain Rondeau, rédacteur en chef du magazine Bateaux, a entrepris de restaurer le fort de la Conchée. En fait de travaux, la majeure partie de ces années fut consacrée à rechercher les fonds nécessaires à la renaissance du site. Aujourd’hui, l’Etat et les Bâtiments de France soutiennent la restauration. Sur la roche de l’île, les maçons de l’entreprise Baldeshi Frères de La Richardais se demandent encore comment, avec leur faible niveau d’équipement, les ouvriers de Vauban ont réussi à construire le Fort. Il faut dire que l’endroit est particulièrement inhospitalier. Le fort se situe dans une zone où les courants sont d’une extrême violence. Les bateaux des chantiers du Tanet qui assurent l’approvisionnement doivent, à chaque accostage, lutter pour ne pas perdre leur cargaison de pierre ou venir s’écraser sur lors de l’appontage. Le rocher, avec un marnage de 13 mètres, disparaît pratiquement sous les flots à chaque marée haute. Régulièrement, les maçons rejoignent en catastrophe les maisons fraîchement reconstruites ou les embarcations avant d’être engloutis et traînés vers le large. La plupart du temps, il faut travailler avec un gilet de sauvetage, ce qui n’est pas la tenue idéale des acteurs du bâtiment. Pour corser encore l’opération, malgré une météo consultée plusieurs fois par jour, les coups de tabac viennent frapper de manière aussi inattendue que violente la construction. Limitée à la période de mai à septembre, rarement une restauration n’aura eu lieu dans des conditions aussi difficiles. Pour tenir les délais, les équipes sortent par tous les temps. A ce jeu, après six heures sous les gifles glacées de la Manche déchaînée, l’épuisement est total. Après la reconstruction des 5 maisons de l’île, l’étape actuelle consiste à stopper l’écroulement des fortifications. Là aussi la mer anéantie souvent en un instant plusieurs heures d’efforts. Suivront ensuite la réfection des parapets, la fermeture des salles et enfin le sablage des parois de granit. Un programme qui réserve encore de longues heures de lutte car le chantier, dans de telles circonstances, est prévu pour durer 6 ans. Un long délai ou les ouvriers du fort de la Conchée espèrent ne jamais connaître le sort funeste des forçats de la cité des pirates.

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