ConnexionS'abonner
Fermer

Le gaspillage énergétique urbain est « colossal », François-Michel Lambert

Publié le 09 novembre 2020

Partager : 

L’Institut national de l’Économie Circulaire et France Énergie ont mené une étude sur le potentiel de récupération face au gaspillage énergétique urbain. La perte d’énergie en ville se veut « colossale », pointent les acteurs. Ils appellent à une action collective pour mieux exploiter les nombreuses sources de chaleur, et attendent des politiques la mise en place d’une véritable stratégie nationale.
Le gaspillage énergétique urbain est « colossal », François-Michel Lambert - Batiweb

Les activités humaines génèrent de la chaleur perdue. Mais comment faire de ces « petits ruisseaux, de grands fleuves » ? Dans une étude présentée lors d’une conférence de presse, l’Institut national de l’économie circulaire (INEC) et France Énergie, ont chiffré le gaspillage énergétique urbain : 

  • 1,3 MWh/an par l’électroménager ;
  • 1,2 MWh/ an dans les eaux usées d’un ménage de trois personnes ;
  • De 25 à 75 KWh/an par les installations informatiques d’une PME ;
  • 0,5 MWh/an dans une salle de réunion occupée 200h par an ;
  • 0,1 MWh/ an dans les salles de sports pour chaque sportif. 

Alors qu’un foyer français consomme en moyenne 14,7 MWh/ an, la perte d’énergie en ville se veut « colossale », regrette François-Michel Lambert, Député et Président de l’INEC. Des stratégies débutent, des entreprises travaillent à la récupération de l’énergie, notamment en fin de process pour la réinjecter, mais « nous n’avons pas de réponse politique à la hauteur », estime-t-il. La loi Royal vise pourtant 32% d’énergies renouvelables ET de récupération d’ici 2030, contre 16% en 2018. 

Comment changer la donne ? Il faut « donner les moyens aux élus locaux d’aller de l’avant », et mettre en place une véritable stratégie en agissant sur 4 leviers : la fiscalité, la réglementation, l’incitation et la culture. 

 

Identifier les gisements 

 

Il s’agit notamment d’identifier les gisements, de développer une connaissance du potentiel de la récupération de chaleur décentralisée en ville et de ses technologies via des études quantitatives. Emmanuelle Ledoux, Directrice générale de l’INEC, souligne que la ville « est un terrain d’expérimentation, de mise en avant de solutions de récupération qui est éminemment intéressant ». « Nous ne sommes pas en attente d’une révolution technologique, les technologies existent, elles sont éprouvées… et françaises », et « ça fait de l’emploi ». 

François-Michel Lambert déclare : « Nous, les politiques, nous devons obliger les collectivités à se doter d’indicateurs sur les énergies perdues. Il nous faut travailler de façon plus affûtée ». Il propose la réalisation de cartographies comme il en existe pour le photovoltaïque ou encore l’éolien pour évaluer tout le potentiel d’une récupération de l’énergie. « La chaleur fatale des villes est un gisement déjà disponible, compétitif, inépuisable ». Une fois que les collectivités l’auront compris, « elles iront chercher des solutions ». Le Président de l’INEC dit d’ailleurs réfléchir à un label à destination des villes qui mettraient en place des démarches d’économie circulaire pour la récupération de l’énergie perdue. 

A travers cette étude, deux autres propositions sont formulées : encourager la récupération de chaleur décentralisée dans la commande publique pour la rénovation énergétique des bâtiments publics, et faire bénéficier du Fonds Chaleur de l’Ademe cette récupération. 

 

Des solutions disponibles sur le marché

 

Comme évoqué précédemment, les technologies pour récupérer la chaleur perdue sont déjà disponibles. France Énergie récupère par exemple la chaleur en excès des bâtiments pour la diffuser dans les pièces qui en ont besoin grâce à des pompes à chaleur sur boucle d’eau. Henri Marraché, Directeur général de France Énergie, préfère parler d’unité de confort individuel. « La valeur ajoutée, l’innovation de ces PAC, c’est qu’on est capable de récupérer des toutes petites calories disséminées partout dans la ville, ou dans les bâtiments, et de les redistribuer là où c’est nécessaire ». 

Depuis 1987, l’industriel a fait installer 200 000 PAC, ce qui représente 3 millions de m2. « Les investisseurs d’immeubles de bureaux disent que c’est amortissable en moins de 4 ans ». Sur la Tour Lilleurope, le gestionnaire a évalué à 40% les économies réalisées, comparé à une installation de ventilo-convecteur. Sur les immeubles tertiaires du Grand Paris, on estime que 3,4 TWh/an sont récupérables grâce à la technologie, soit la consommation d’énergie de la métropole de Nîmes (240 000 habitants). « Ce sont des solutions adaptées à la ville, aux éco-quartiers, aux quartiers mixtes. Il y a des usages différents à chaque instant, et plus on a ces éléments de différenciation dans le temps et dans l’usage, plus la boucle est performante », avance Henri Marraché. Il précise que la société est en train d’accélérer sa présence sur le marché du logement collectif « avec une PAC dédiée. Notre objectif, à terme, c’est de réaliser 5 000 logements par an d’ici 2025 ». 

De son côté, Qarnot Computing valorise la chaleur fatale informatique, c’est-à-dire l’activité qui résulte des serveurs. Les technologies sont décentralisées : « On apporte la puissance de calcul informatique directement dans les bâtiments qui doivent être chauffés ». La société a constaté que les data centers consomment énormément d’énergie à la fois pour être alimentés mais aussi pour être refroidis. « Il y a toujours de l’énergie qui chauffe l’air extérieur sans raison et sans vertu. L’approche de Qarnot est de profiter d’un gisement permanent, constant, disponible ».  

« On a commencé avec un radiateur-ordinateur qui a deux spécificités, la première d’embarquer les ordinateurs comme source de chaleur et la seconde, d’être relié à la fibre. On transporte la donnée jusqu’à l’endroit où la chaleur doit être produite », explique-t-il. Seconde technologie, une chaudière numérique qui produit de l’eau chaude sanitaire. Qarnot a donc d’un côté « des clients de calcul informatique comme les data centers conventionnels et de l’autre des clients de chauffage, de logements, de bâtiments publics, d’entreprises… Et donc le calcul des premiers clients tourne sur les machines des seconds. Et ainsi, on a créé un système d’économie circulaire numérique où la chaleur des uns qui est un déchet, devient une ressource précieuse pour les autres ». 

 

Une boucle locale d’énergie

 

Invité à témoigner, Olivier Richard, responsable Environnement-Énergies, Réseaux à l’Atelier Parisien d’Urbanisme (APUR) rejoint l’idée de créer une boucle locale d’énergie. « La récupération est un eldorado à conquérir ». Il souligne que 90 à 95% des bâtiments qui seront présents en 2050, sont déjà construits. Il y a un vrai enjeu à travailler sur cette ville « qui existe », des villes dont le modèle fait la part belle à la mixité des usages. « Il y a une évidence à mettre en place ces systèmes ». « Il y a enjeu très fort à réaliser, à rendre opérationnelle cette mutualisation » à différentes échelles (logement, bâtiment, quartier, ilots, etc.). 

En guise de conclusion, Henri Marraché souligne : « Les pouvoirs publics ont un rôle clé à jouer pour lutter contre le gaspillage énergétique. Il faut trouver des incitations. La technologie, on l’a ». Il faut remettre « tout le monde autour de la table » et accélérer les développements. La France « doit » devenir leader, s'exclame enfin François-Michel Lambert. 

Rose Colombel
Photo de une : ©Adobe Stock

Sur le même sujet

bloqueur de pub détecté sur votre navigateur

Les articles et les contenus de Batiweb sont rédigés par des journalistes et rédacteurs spécialisés. La publicité est une source de revenus essentielle pour nous permettre de vous proposer du contenu de qualité et accessible gratuitement. Merci pour votre compréhension.