ConnexionS'abonner
Fermer

(Point de vue) Géosynthétiques : points de vigilance pour une utilisation optimale

Publié le 19 juillet 2012

Partager : 

Nathalie Touze-Foltz, Responsable de projets scientifiques pour Irstea et Membre du Conseil d'Administration du CFG (Comité Français des Géosynthétiques), revient sur le nouveau fascicule de recommandations du CFG en matière d'installations de géosynthétiques bentonitiques dans les installations de stockage de déchets
(Point de vue) Géosynthétiques : points de vigilance pour une utilisation optimale - Batiweb

Les préconisations en matière d'installation de géosynthétiques bentonitiques évoluent. Les préconisations proposées se basent sur des retours d'expérience récents permettant de comprendre les phénomènes mis en jeu dans la durabilité des géosynthtéiques bentonitiques. On revient ici sur l'essentiel des préconisations pour une meilleure conception des étanchéités par géosynthétiques bentonitiques.

Geosynthétiques bentonitiques : de quoi parle-t-on ?

Les géosynthétiques bentonitiques (GSB) sont définis comme des produits manufacturés en forme de nappe, constitués : d'un assemblage de matériaux comportant au moins de la bentonite, en poudre ou en granulés, assurant la fonction étanchéité et d'un ou plusieurs géosynthétiques utilisés comme support ou conteneur, utilisés dans le domaine de la géotechnique et du génie civil. Ils sont souvent considérés, contrairement aux géomembranes, comme des matériaux simples d'utilisation. En effet, la mise en œuvre des GSB consiste en un simple déroulement des lés, ne nécessitant qu'un recouvrement, avec un éventuel apport de bentonite, mais pas de réalisation de soudures par une entreprise qualifiée.

Cette simplicité apparente masque la nécessité d'une conception spécifique à ces matériaux, en particulier en termes de confinement, pour garantir une étanchéité optimale par les GSB, et un maintien des performances en matière d'étanchéité sur le long terme. Les retours d'expérience négatifs de l'utilisation des GSB sont multiples, en France et à l'étranger. Ceux-ci ne sont pas imputables à la qualité des produits, mais plutôt à de mauvaises conceptions. Celles-ci ne sont hélas mises en évidence que quelques années après la mise en œuvre des matériaux, en particulier en couvertures d'installations de stockage de déchets, lorsque la production de lixiviats devient excessive.

L'objectif est ici d'exposer comment devrait être conçu un dispositif d'étanchéité par géosynthétiques bentonitiques, à la lumière de l'expérience acquise ces vingt dernières années.

Les causes d'un vieillissement indésirable

A quoi est imputable la baisse de performance hydraulique des GSB sur le long terme ? En partie au phénomène d'échange cationique. En effet, la bentonite contenue dans les GSB est un matériau argileux majoritairement composé de smectites et de minéraux accessoires (quartz, calcite, mica...). Les smectites sont des argiles en feuillets, entre lesquels s'intercalent des cations tels que le sodium, le calcium, le magnésium ou le potassium. Le sodium contenu entre les feuillets va inexorablement et de façon irréversible s'échanger avec le calcium contenu dans la majorité des sols de la surface du globe. Ce phénomène d'échange cationique va conduire à une augmentation modérée (d'un facteur 10 à 100) de la perméabilité des GSB, qui peut être tout à fait acceptable dans la plupart des cas.

Mais la performance des produits s'amoindrit de façon significative lorsque le GSB, va, au gré des saisons se dessécher puis se ré-humidifier à plusieurs reprises. C'est ce phénomène de dessiccation qu'il faut impérativement éviter pour protéger la bentonite et éviter que ne se forment en son sein des fissures qui n'auront plus la possibilité au cours du temps de se refermer, même lorsque la bentonite sera à nouveau humidifiée. Les racines de la végétation que l'on est tenté de mettre en place sur le sol recouvrant le géosynthétique bentonitique peuvent également être dommageables, surtout si elles meurent, créant ainsi au moment de leur dégradation des chemins préférentiels pour l'écoulement de liquide ou de gaz.

Comment prévenir la dessiccation ?

Protéger le géosynthétique bentonitique de la dessiccation et, dans une moindre mesure, de la pénétration des racines, est donc le maître mot. Il faut par conséquent mettre de la distance entre les conditions climatiques et leur évolution temporelle et le GSB. Cela implique tout d'abord de recouvrir le GSB par une couche suffisante de matériau, et ce quelle que soit l'application, en installation de stockage de déchets ou en ouvrages hydrauliques.

Le Comité Français des Géosynthétiques recommande, dans son fascicule relatif à l'utilisation des GSB en installations de stockage de déchets (http://www.cfg.asso.fr/publications-supports-pedagogiques/referentiels-techniques/recommandations) une épaisseur minimale (ce qualificatif est essentiel) d'une structure de confinement sur le GSB égale à un mètre en couverture d'installations de stockage de déchets. Cette valeur minimale peut raisonnablement être étendue aux ouvrages hydrauliques, pour les parties qui peuvent se retrouver émergées et végétalisées. Nos voisins allemands recommandent une épaisseur minimale d'un mètre cinquante en couvertures d'installations de stockage de déchets.

Composition de la structure de confinement

La structure de confinement mise en place au-dessus des GSB doit être multicouche, chacune des couches assurant une fonction déterminée. Il est recommandé dans l'état actuel des connaissances qu'elle comporte une couche drainante, une couche de sol avec forte capacité de stockage d'eau de grande épaisseur (couche réservoir), et de la terre végétale.

Une séparation, constituée par une couche drainante, doit exister entre le GSB et la couche réservoir de manière à éviter les succions liées aux alternances saisonnières. Il faut éviter une ventilation dans cette couche drainante : des matériaux granulaires fins seront à préférer à des matériaux granulaires grossiers. Un gravier fin est suffisant pour assurer dans tous les cas de figure un arrêt de la remontée capillaire de l'eau du GSB vers la couche de confinement. Une couche granulaire dense assurera également une fonction anti-racinaire. Une couche de protection peut être intercalée, entre la couche drainante et le GSB, qui contribuera également à limiter les influences climatiques. Celle-ci peut être une couche de sable ou même un géotextile non tissé aiguilleté épais. Ces matériaux ne génèrent pas de fissures dans la bentonite.

La couche réservoir doit être capable de stocker une importante quantité d'eau (idéalement 200 mm/m) afin d'assurer une alimentation régulière et constante en eau au GSB. On doit chercher à assurer l'existence d'un climat humide stable dans les pores du sol au-dessus du GSB. Cette couche doit être installée sans compactage, de manière à remplir cette fonction et à disposer d'une grande capacité de stockage d'eau. La couche de terre végétale permettra la mise en place d'une végétalisation. On préférera la mise en place d'une prairie entretenue à la plantation d'arbustes, en particulier pour limiter les risques d'atteinte du GSB par les racines.

Ces pratiques sont basées sur des retours d'expérience. Les propriétés des matériaux, leur mise en place et les épaisseurs des différentes couches doivent être dimensionnées au coup par coup, pour chaque site, en particulier en s'assurant de la stabilité mécanique de l'ensemble du dispositif.

Les caractéristiques des GSB

La bentonite dans les GSB peut se trouver soit sous la forme de poudre, soit sous la forme de granulés. Différentes natures de bentonite, sodique (sodique naturelle ou calcique activée) ou calcique peuvent également être rencontrées. La bentonite peut provenir de différents gisements, et être traitée de différentes façons, car elle doit présenter la meilleure performance possible pour une application donnée. La bentonite calcique ne présentant pas les mêmes performances d'étanchéité que les bentonites sodiques, sa masse par unité de surface doit environ être du double, comparée à celle d'une bentonite sodique. Des performances diverses ont été observées avec des GSB comportant une faible masse par unité de surface de bentonite (<4 kg/m²) parfois combinée avec une faible épaisseur du sol de couverture (<0.5 m). Pour assurer une bonne homogénéité de la répartition de bentonite au sein d'un GSB, et assurer un fonctionnement optimum, le Comité Français des Géosynthétiques recommande une masse surfacique de bentonite sèche minimale de 4,5 kg/m² pour les bentonites sodiques, et de 9 kg/m² pour les bentonites calciques.

Ce qu'il faut retenir

Dans les connaissances actuelles, la préconisation du recouvrement des GSB par une structure complexe comportant une couche de protection, une couche drainante, une structure réservoir avec une grande capacité de stockage d'eau, et de la terre végétale pour une revégétalisation future est recommandée. Cette structure de confinement est à dimensionner au cas par cas, et doit garantir l'absence de risque de dessiccation du GSB au cours du temps. Son épaisseur minimale doit être égale au mètre. Une végétation de type prairial sera préférée à la plantation d'arbustes, si la mise en place de végétation est envisagée. Qui plus est une masse surfacique de bentonite sèche dans les GSB est préconisée, égale à 4,5 kg/m² pour les bentonites sodiques, et à 9 kg/m² pour les bentonites calciques.

Nathalie Touze-Foltz

bloqueur de pub détecté sur votre navigateur

Les articles et les contenus de Batiweb sont rédigés par des journalistes et rédacteurs spécialisés. La publicité est une source de revenus essentielle pour nous permettre de vous proposer du contenu de qualité et accessible gratuitement. Merci pour votre compréhension.