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Loi Climat : discussions intenses autour de l’artificialisation des sols

Publié le 15 avril 2021

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L’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) pour 2050 était discuté, mercredi soir, à l’Assemblée nationale. Ce volet du projet de loi Climat a concentré le plus d’amendements, 1 500 plus précisément. Il faut dire que le texte soulève des craintes, notamment du côté des maires ruraux. La trajectoire prévoit en effet une division par deux de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers, d’ici 10 ans par rapport à la précédente décennie. Dans ce contexte, comment construire et revitaliser les centres-villes ? Va-t-on assister à une opposition ville/campagne ? Le point sur les arbitrages.
Loi Climat : discussions intenses autour de l’artificialisation des sols - Batiweb

Le volet « artificialisation des sols » du projet de loi Climat a fait l’objet de vives discussions à l’Assemblée nationale. Si le texte entend agir en faveur de l’environnement, nombreux sont les députés à rapporter l’inquiétude des maires, notamment en zones rurales, quant à certaines dispositions qui pourraient ne pas leur permettre de mener des projets.

Une planification nécessaire

Lionel Causse, député LREM et rapporteur du projet de loi, a annoncé la couleur dès le départ : aucun avis favorable ne sera accordé aux amendements allant à l’encontre des ambitions du texte. « Aujourd’hui, notre pays consomme 28 000 hectares par an, c’est à peu près la ville de Paris. Vous imaginez bien que la population n’augmente pas d’autant chaque année, ce qui veut dire que nous avons un problème d’aménagement du territoire et de nos espaces ». Ainsi, parmi les 1 500 amendements déposés, seuls ceux permettant d’atteindre les objectifs (réduction de moitié de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers d’ici 10 ans, et atteinte du ZAN en 2050) seraient soutenus. Tout comme les amendements permettant aux élus locaux « qui sont décideurs » d’avoir « les outils nécessaires » pour pouvoir mener la planification territoriale. « L’enjeu est important parce que nous allons sortir de certains paradigmes ». « Nous avons tous conscience que nous ne pouvons pas continuer à faire de l’étalement urbain. Les articles (du projet de loi) vont nous permettre de voir les choses différemment, de redynamiser l’existant, de refaire la ville sur la ville ». 

Pour Emmanuelle Wargon, ministre du Logement, le texte est un moment « important parce que c’est la première fois qu’on reconnait pleinement la valeur des sols en matière écologique, pour la captation du carbone, la biodiversité, l’eau, la nature, pour nous tous en général ». « Pour la première fois, on passe de la notion de sobriété foncière à une notion d’équilibre global » dans laquelle « nous rendrons à la nature, autant que nous artificialisons ».

Pourquoi artificialisation plutôt que sobriété foncière ? « La sobriété foncière juridiquement n’est pas une notion très définie », a souligné Emmanuelle Wargon. « C’est une notion négative alors que la protection des sols elle-même donne de la valeur dans la partie constructibilité ou terres naturelles et aussi dans la partie biodiversité ». Lionel Causse a cependant précisé que le nouvel article 49 quinquies donne la possibilité aux communes de signer un contrat de sobriété foncière avec les services de l’État.

Repenser l'habitat

A ceux qui estimeraient que la trajectoire n’est pas assez rapide, la ministre du Logement a précisé que le calendrier doit permettre une transition de la définition actuelle de l’artificialisation « et qui nous permet d’avancer » à la définition de demain « qui nécessitera des précisions et une appropriation ». Le projet de loi a été construit de façon à laisser le temps aux collectivités de s’emparer du sujet. « Toute la mécanique de la loi prévoit une déclinaison concertée organisée avec les élus locaux dans les documents d’urbanisme » qui devront être mis à jour dans un délai de 6 ans. « La bonne ou la mauvaise artificialisation, c’est une question dont on aura l’occasion de débattre », a-t-elle poursuivi, soulignant que « deux-tiers de l’artificialisation, c’est l’étalement du logement ». « Nous devons donc nous interroger sur la place de la maison individuelle » et « réfléchir à la manière d’habiter. Nous ne pourrons pas la transformer aussi brutalement en trois ans, au risque d’être en total décalage par rapport aux aspirations des Français ».

La ministre a émis un avis favorable à un amendement de Jean-Luc Lagleize (Mouvement démocrate) pour que la surélévation des bâtiments existants soit systématiquement étudiée. Et a également validé,, un amendement du rapporteur permettant de déroger « ponctuellement » aux règles de l'urbanisme pour densifier/surélever les logements « aux abords des gares e des lieux de transport ». Des députés, à l’instar d’Yves Hemedinger (Les Républicains), ont par ailleurs interpelé le Gouvernement sur la nature des projets. « Je propose dans le cadre de la lutte contre l’artificialisation, d’appuyer la décision d’ouvrir une zone à l’urbanisation sur les dimensions qualitatives et structurantes de l’aménagement, en d’autres termes, sur la qualité, et non sur la quantité ». Des amendements similaires ont introduit les critères d’innovation et de durabilité, des « vecteurs essentiels de la qualité urbaine », a estimé Lionel Causse, émettant un avis favorable.

Campagne vs Ville ?

L’article 49 a suscité de nombreuses réactions. Il concerne la déclinaison « concrète » de la loi dans les territoires. Un amendement présenté par André Chassaigne (PCF) demande une prise en compte de la réalité des communes rurales « qui sont en zone de revitalisation ou qui ont perdu des habitants depuis plusieurs années ». Pourquoi ne pas poser « quelques principes » qui permettent de faire valoir le devenir des territoires ruraux et fassent en sorte « qu’on ne puisse pas interdire toute construction ». Il craint en effet que la loi ne bénéficie qu’aux grandes métropoles. « Vous avez des villages où les maires sont mis au pas par les villes centres », aajouté Julien Aubert (Les Républicains).

Sylvia Pinel (Liberté et Territoires) a pointé le fait que les « clés de répartition » ne soient pas connues à ce jour. Les déclinaisons du texte dans les territoires seront en effet précisées par décret. « Ce que nous disent les maires les plus ruraux qui siègent dans les intercommunalités, c’est combien ils se sentent dépossédés de leurs prérogatives ».

Dominique Potier (PS) s’est lui exclamé : « Ce n’est pas l’urbanisme qui fait la démographie. Faire des zones commerciales ne crée pas du commerce. Il faut qu’on arrête de penser comme avant. Ce que devrait demander les ruraux, c’est un cluster de recherche sur le nouvel urbanisme, les nouvelles manières d’habiter mais pas de continuer à faire un urbanisme à la demande qui oppose ville et campagne ».

Lionel Causse a insisté : « Nous ne donnons aucune consigne pour que nous soyons à zéro (artificialisation) ». Un argument repris par Emmanuelle Wargon. « La question de l’artificialisation c’est savoir comment est-ce qu’on implante autrement les activités essentielles, économiques, les logements ». « Cela fait 40 ans qu’on ne maîtrise pas l’artificialisation. Cette loi ne crée pas le problème, je crois au contraire qu’elle peut apporter une solution ». Elle a ensuite annoncé qu’un sous-amendement permettrait la prise en compte des enjeux spécifiques des communes classées en zones de revitalisation rurale. Une décision saluée par André Chassaigne : « C’est un signe en direction du monde rural, de ces territoires et de ces populations qui se considèrent comme relégués, qui ont besoin qu’il y ait un éclairage qui se porte sur le lieu où ils vivent. Où il y a de la construction, de l’intelligence, il y a de l’espoir ».

Rose Colombel
 

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