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Taxe d'habitation : une bombe à retardement

Publié le 02 avril 2002

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Tandis que les deux principaux candidats aux élections présidentielles annoncent une réforme de la taxe d'habitation, la mèche d'une bombe à retardement concernant cet impôt se consume en silence
Taxe d'habitation : une bombe à retardement - Batiweb
En dépit des textes constitutionnels qui précisent que tout citoyen peut demander des comptes aux administrations publiques, il est des cas où les lois, les règles et les obligations n'existent pas. C'est sans doute pour avoir trop compté sur cet état de fait, que des fonctionnaires de Bercy pourraient, malgré eux, conduire le prochain ministère des Finances à devoir faire face au plus grand dégrèvement auquel l'Etat ait jamais été contraint. L'affaire prend ses origines en 1970, date à laquelle une réforme du calcul des valeurs locatives introduit un paramètre important sur l'état et l'age des constructions à usage d'habitation. Ce paramètre donne aux immeubles neufs le coefficient maximal. La loi prévoit à cette époque qu'une révision tous les cinq ans doit permettre un réajustement des valeurs locatives. Ces valeurs sont importantes car elles servent de base à la définition des montants de trois impôts : la taxe foncière, la taxe d'habitation et la taxe sur les ordures ménagères. Or, pour des raisons aussi multiples qu'obscures, le ministère des Finances n'a jamais, depuis cette date, réévalué les valeurs locatives des habitations, malgré leur vieillissement et même parfois leur disparition. Ainsi, depuis cette époque, année après année et en dépit de leur âge et de leur état, toutes les constructions se voient dotés ad vitam aeternam du statut de logement neuf.
À titre d'exemple : "la muraille de Chine". Un immeuble insalubre et dégradé de la banlieue de Saint-Etienne vient d'être détruit alors que pour l'administration fiscale il était encore neuf. C'est donc ainsi que propriétaires et locataires sont amenés, depuis plus de 30 ans, à surpayer des taxes qui, en vertu des règles établies, devraient être revues à la baisse. En termes fiscaux on appelle cela une erreur, en termes juridiques un délit de concussion.

La démocratie vaincue par l'omerta
Le premier à avoir soulevé le problème fut Marc Deprat. La société Format, qu'il dirige, à en effet pour objet la vérification des impôts et des taxes auxquels sont soumis les organismes HLM. Habitué des relations avec l'administration fiscale, Monsieur Deprat a donc réclamé, pour les quelques centaines d'organismes HLM dont il est mandataire, les légitimes dégrèvements auxquels ils avaient droit. Des réclamations qui contre toute attente se sont heurtées pendant plus de dix ans et à tous les échelons de la hiérarchie administrative, ministre compris, à une absence totale de réponse voire à une fin de non recevoir aussi ferme que totale. Pour appuyer son combat, des dizaines de députés, au premier rang desquels figure Jean Marc Ayrault député de Loire-Atlantique, ont interpellé les ministres successifs des Finances. Ainsi, alors qu'avec le temps les sommes en question devenaient vertigineuses, il est apparu clairement qu'un ordre en forme d'omerta était suivi à la lettre par les acteurs de l'administration fiscale : de Bercy jusqu'aux responsables départementaux. Une omerta stupéfiante, implicitement reconnue devant l'Assemblée par les plus hauts dirigeants. L'aspect politique venant s'ajouter aux recours financiers, les procédures devinrent alors plus dures. Néanmoins, des juridictions civiles aux tribunaux administratifs, en passant par le Conseil d'Etat, les procédures n'ont abouti qu'à l'enlisement… Classements de circonstance motivés dans tous les cas par le caractère sacré d'une singulière loi du silence.

Affaire classée
Face à l'évidente violation des libertés publiques, des plaintes furent même déposées devant La Haute Cour de justice contre M. Sarkozy, alors ministre des Finances et par la suite contre M. Strauss-Khann. Plaintes à leur tour classées sans suite. Cependant, face à l'ampleur de l'affaire, ce dernier, de guerre lasse et sûrement au désespoir des hauts fonctionnaires de son administration, accepta d'indemniser, en 1999, les organismes HLM, au titre de la taxe foncière. Ceux-ci bénéficièrent alors d'un dégrèvement d'un milliard de francs. Les locataires de ces mêmes HLM furent pour leur part parfaitement ignorés. Aujourd'hui, ce sont eux qui, réunis au sein de plusieurs centaines d'associations, se fédèrent autour d'un grand cabinet d'avocat. Plus d'un million de plaintes, dans un proche avenir, s'apprêtent à être déposées par ces associations contre le ministère français des Finances devant la Cour européenne de justice. Si on en juge par le résultat obtenu récemment par Marc Deprat dans sa commune de Wasquehal (59), le milliard de francs initial attribué aux HLM pourrait ainsi être plusieurs fois multiplié.
En effet, à titre semble-t-il exceptionnel, l'administration fiscale aurait selon Marc Deprat accepté de rembourser aux habitants de Wasquehal un trop perçu. Une somme équivalente à un retour de 3 048,98 euros (20.000 F) en moyenne par locataire. Or en France, on compte trois millions de locataires en HLM... Reste à savoir si dans l'avenir, ils seront rejoints à leur tour par tous les propriétaires et tous les locataires privés, qui eux aussi, depuis des années, sont victimes des mêmes "erreurs". C'est alors de nouveau par millions que les plaintes pourraient se compter.
En attendant, l'affaire risque de faire grand bruit lorsqu'au mois de septembre prochain aura lieu l'émission du nouveau rôle des impôts.

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