'Journée sans immigrés' aux US ! les chantiers tournent au ralenti
Alors que le jour se lève à peine sur ce chantier de construction d'appartements, les ouvriers hispaniques rejoignent, à pied ou regroupés dans de vieux pick-ups, leur poste de travail. Jusqu'au bout, ils ont hésité sur la conduite à tenir en ce "jour sans immigrés" aux Etats-Unis, où les Hispaniques sont appelés à boycotter l'école, le travail et les magasins pour peser sur la réforme de l'immigration.
Mais leur crainte de perdre leur emploi revient dans toutes les bouches. "Le problème ici c'est que si tu ne viens pas un jour, le lendemain, tu es viré", lâche Eduardo Soriano, un Salvadorien de 28 ans qui a un permis de travail d'un an. "Je suis venu travailler aujourd'hui pour mes enfants, pour mon salaire", confie aussi Dimas Salvador, du même nom que son pays. "Ici, ce n'est pas un jour férié, comme au Salvador où c'est la Fête du travail. Je suis ici pour travailler, mon chef ne m'a pas donné ma journée, alors je viens car sinon, qui me paiera ma journée?", ajoute Arnolfo Lopez.
Beaucoup pénètrent sur le chantier sans savoir s'ils vont pouvoir travailler ou rentrer chez eux, trépignant à l'idée de participer à cette journée dont ils sont tous solidaires. "Comme vous pouvez voir, il n'y a pas assez de monde pour travailler normalement", reconnaît, amer, le chef de chantier, qui requiert l'anonymat. Mais "ceux qui sont là le sont pour travailler, et ils sont les bienvenus", ajoute-t-il, refusant de dire si une liste des noms des grévistes sera dressée.
"Ils veulent envoyer un message pour être entendus, c'est leur droit", estime le responsable d'une entreprise de protection antifeu intervenant sur le chantier. "Je suis sûr que cela va affecter les grosses entreprises", ajoute ce chef d'entreprise d'origine hispanique.
Sur le chantier voisin, où l'on construit un immense complexe sportif scolaire sur le terrain d'un ancien golf, les ouvriers semblent plus nombreux. "Cela aurait pu être pire", dit le chef de chantier Buster Harrison, évaluant à 75% les effectifs présents. "Je pense qu'ils ont besoin de leur boulot", explique-t-il.
Vanessa Sonson, une jeune Bolivienne qui vend tous les jours des tortillas et des hot-dogs sur le chantier, affirme que vendredi deux ouvriers ont été menacés de licenciement pour avoir annoncé leur participation à la journée de boycott. "Je n'en ai pas entendu parler", soutient Beimar Olivera, dont l'entreprise pose les cloisons de plâtre dans le futur gymnase. "Mais c'est vrai, beaucoup ont peur de perdre leur boulot. Il manque la moitié de mon équipe et nous n'avons pas aujourd'hui la productivité que nous avons d'habitude un lundi", ajoute ce Bolivien.
Pour lui, pas question de boycott. "J'aime ce pays, tout ce que j'ai toujours souhaité je l'ai trouvé ici et je ne me sens pas de faire un boycott qui puisse faire du mal à l'économie de mon pays, je crois qu'il y a d'autres moyens", explique-t-il. Mais il ira défiler après le travail dans les rues de Washington, au côté de ses "frères". Car, dit-il, "ce pays est pour tous ceux qui lui veulent du bien, le pays des opportunités pour tous ceux qui travaillent dur, y compris les immigrés, légaux ou clandestins".