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La naissance mouvementée de l’Arche de la défense

Publié le 14 mai 2002

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La naissance de la Grande Arche de la défense fut une épopée digne d’un best seller. L’ouvrage, symbolisant l’ère de la communication, fut confié à un architecte excentrique Danois qui n’avait jamais construit que sa maison et quatre églises.
La naissance mouvementée de l’Arche de la défense - Batiweb
Quand on regarde la carte de Paris, on peut parfaitement remarquer un axe, ou plutôt une perspective, qui part du Palais du Louvre, traverse la Concorde, culmine à l’Arc de Triomphe et ouvre, via l’avenue de la Grande Armée, une perspective à l’Ouest où rien ne figurait avant la construction de la Grande Arche. Une telle perspective, outre urbanistique, est aussi historique. Ce grand vide sur l’Ouest parisien n’a jamais manqué d’intriguer nos politiques en mal de grands travaux. Cette obsession architecturale est d’ailleurs intéressante. N’est-ce pas là une manière plus durable de rester dans la mémoire de ses contemporains et de leurs héritiers que cinq lignes dans un dictionnaire ? De Gaulle, qui incarnait l’Histoire à lui tout seul, n’avait pas cette obsession. Elle vint avec Georges Pompidou dont on retient les quais sur berges, Beaubourg et la tour Montparnasse. Valéry Giscard d’Estaing eut des velléités dont La Villette et Orsay. François Mitterrand, quant à lui, mena à terme ses grands projets. Fermer ou ouvrir l’Ouest parisien, dans le quartier de La Défense était une idée à laquelle avait déjà réfléchi l’architecte Auguste Perret en 1922. Mais l’idée fit long feu. Y succéda, dès 1958, une période que l’on peut qualifier d’anarchique avec la construction du CNIT. On commença alors à réfléchir. Mais en 1972, la construction de la tour GAN, montée à 72 mètres et inscrite dans la perspective de l’Arc de triomphe, souleva une polémique et relança le débat. Des ébauches virent alors le jour où deux conceptions s’affrontèrent : l’une d’ouverture sur l’ouest avec le projet du sino-américain Ieoh Ming Pei, l’autre de fermeture avec Emile Aillaud. Mais le premier choc pétrolier fit retomber la polémique. Evidemment, l’arrivée de la gauche au pouvoir remit tout en question. Jack Lang en parla évidemment à Mitterrand. Et c’est un petit groupe, composé du ministre, de Roger Quillot, ministre de l’urbanisme, Paul Guimard et Robert Lion, futur patron de la Caisse des dépôts, qui prirent en main le destin de l’ouest parisien. L’idée de ces hommes était d’élever à la Défense un Centre international de la communication. L’idée fut finalisée le 9 mars 1982. Restait alors à composer un jury. L’épreuve (concours sur esquisses, sans rémunération), ouverte de septembre 1982 à mars 1983, vit s’affronter, dans un anonymat sans failles, 424 projets. Deux projets furent retenus. L’un était un mur de lumière, l’autre une arche immense et délicate à la fois. C’est ce dernier projet que choisit François Mitterrand. L’auteur en était un parfait inconnu, le Danois Johan Otto von Spreckelsen, âgé de 54 ans et qui n’avait construit à ce jour que quatre églises et une maison !

Un simple croquis en guise de projet
Cette arche était un simple cube évidé de forme gigantesque. Le résultat acquis, on s’empressa de téléphoner au Danemark pour informer le lauréat… qui ne répondit pas, il était à la pêche. C’est accompagné d’Erik Reitzel, ingénieur-conseil que Spreckelsen se rendit enfin à Paris. Où l’on découvrit un homme peu facile, complexé et surtout très étonné. Il avait remporté le concours sur un simple croquis. François Mitterrand, de son côté, plutôt inquiet, exigea une animation du projet grandeur nature. Une plate-forme de 400 mètres carrés, conçue par Reitzel, fut hissée à la hauteur prévue pour le sommet de l’arche au moyen d’une énorme grue que l’on avait fait venir de Bordeaux, sans autorisation. Mitterrand acquiesça. L’Assemblée nationale et le Sénat suivirent. Une société d’économie mixte voit le jour, Tête-Défense, chargée, sous la direction de Robert Lion et de Jean-Louis Subileau, de trouver des investisseurs permettant son financement. Spreckelsen, artiste plus qu’architecte, ne s’intéressait guère à la construction elle-même et avait même pensé vendre tout bonnement son dessin. Il accepta finalement de s’adjoindre un architecte d’exécution. Ce fut Paul Andreu (aéroport d’Orly et de Roissy). Et ne s’intéressa finalement qu’à l’esthétique de l’édifice et pas du tout à la distribution intérieure. En 1985, le chantier commença. Un chantier novateur, car on n’avait jamais fait face à un tel cube évidé. On creusa à pas moins de 14 mètres pour établir les piles élliptiques sur lesquelles vinrent prendre place deux ailes, qui s’élevèrent rapidement, maintenues en place par d’énormes " butoirs " transversaux, de 70 mètres de portée, réajustés constamment. Le chantier se déroula dans des conditions de travail assez difficiles : il y eut deux morts. On passa ensuite à l’édification du sommet, gros défi technique : il fut soutenu par quatre " mégapoutres " de 70 mètres de long, coulées dans des coffrages métalliques mobiles, et portées par des consoles en porte-à-faux de 21 mètres. Deux mille architectes, ingénieurs, compagnons, ouvriers travaillaient sur le chantier sous l’œil d’un Spreckelsen difficile à vivre et ne parlant que danois. Puis arriva 1986 et la cohabitation.
Alain Juppé fit savoir à Robert Lion qu’il pouvait transformer ce Carrefour de la communication en…supermarché ! Dans le même temps, Spreckelsen abandonnait le chantier et mourut peu de temps après emporté par un cancer. C’est donc Reitzel qui en acheva la construction en août 1989. Robert Lion, de son côté, réussit le tour de force de vendre l’arche à des sociétés privées. L’Etat fit l’acquisition d’une partie du bâtiment pour y installer le ministère de l’Equipement. Sur l’ensemble de l’édifice, des milliers de mètres carrés restent sans emploi parce que privés de lumière naturelle. Alors, réussite ou échec ? L’avenir le dira.

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