En Aquitaine, des arènes mises aux enchères avant destruction
Depuis 1988, toutes les grandes figures de la tauromachie -- de Cesar Rincon à Manuel Diaz "El Cordobes" en passant par El Juli-- ont foulé le sable des arènes de la Plaza Goya, ainsi nommée en hommage au peintre espagnol qui vécut à Bordeaux et figea dans des dizaines de croquis estocades et passes de muleta.
Mais après 43 corridas à pied, neuf novilladas, et deux festivals taurins en près de vingt ans, un plan de renouvellement urbain sur la commune a fait sonner les clarines pour la dernière fois. Une centaine de petits logements devrait voir le jour sur le site. Un commissaire priseur bordelais, connaisseur du monde taurin, a été choisi pour arbitrer les enchères qui devraient avoir lieu d'ici le 20 novembre, selon le directeur de cabinet du maire, Jean-Bernard Duboscq. "L'objectif est à la fois sentimental, car on aimerait voir les arènes de Floirac revivre ailleurs, et financier", explique-t-il, sans livrer à quel prix plancher pourraient débuter les enchères. Même s'ils étaient de moins en moins nombreux ces dernières années à Floirac, les aficionados entendent bien conserver la tradition vivante. Les articles du code pénal qui punissent les auteurs de sévices graves et d'actes de cruauté envers un animal domestique ne sont pas applicables aux courses de taureaux "lorsqu'une tradition locale ininterrompue peut être invoquée", dit la loi.
"La disparition de la tauromachie sur l'agglomération bordelaise ne nous paraît pas acceptable", affirme Jean-Claude de Munico, président de la Pena Goya, qui rappelle que Bordeaux et sa banlieue vécurent dès le début du 17ème siècle de ces spectacles. "Nous espérons perpétuer la tradition taurine sur d'autres sites, peut-être avec des spectacles plus modestes que les corridas, comme les novilladas piquées (où de futurs matadors toréent avec des bêtes de trois ans environ, accompagnés de picadors, ndlr) ou des capea (des adolescents toréent avec des bêtes d'un an)", indique-t-il. Un projet de salle multi-fonctions de 12.500 places en bord de Garonne, porté par un groupe privé espagnol, est actuellement à l'étude. Si ce projet aboutit, à l'horizon 2009, "il faudrait organiser au moins un spectacle par an sur Floirac ou à côté" pour plaider la non-interruption de la tradition. Car les opposants à la corrida surveillent le dossier de près. Claire Starozinski, présidente de l'Alliance pour la suppression des corridas, estime que "si l'on s'en tient au droit, il va y avoir une interruption de la tradition d'un an, deux ans". Elle craint toutefois que les juges n'aient pas la même interprétation. Pour autant, la destruction des arènes à Floirac montre, selon elle, "que la civilisation avance".