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Menhirland ne verra pas le jour

Publié le 10 février 2003

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Après avoir poussé pendant quinze années le projet d’un super aménagement du célèbre site mégalithique de Carnac, le ministère de la Culture vient d’annoncer son abandon. Les 3 000 menhirs respirent…
Menhirland ne verra pas le jour - Batiweb
Le ministre de la Culture, Jean Jacques Aillagon a tranché. Les 3 000 menhirs de Carnac ne deviendront pas un parc d’attractions. Au grand dam des décisionnaires institutionnels de la capitale, l’esprit des peuples mystérieux qui les ont érigés ne servira pas de support à un parc d’attractions où l’Histoire se met au service d’une consommation frénétique et d’une culture modélisée par les professionnels du savoir institutionnels. Cette décision fait suite au long combat des associations locales. Le site mégalithique de Carnac est devenu en 1988 propriété de l’Etat. Un transfert sans bouleversement initial ou l’Etat à su, pendant un temps, jouer son rôle de protecteur du patrimoine national tout en maintenant la liberté d’accès au site et à son environnement. Tout allait bien dans l’univers touristique de Carnac jusqu’à ce qu’en 1998, les fonctionnaires parisiens de la Caisse nationale des monuments et des sites, un service dépendant alors de Madame Trautmann, ministre de la Culture, s’aperçoivent que ce site gratuit et accessible à tous, représentait un solide manque à gagner.

La toute puissante administration Ceux-ci eurent tôt fait à l’époque d’élaborer un rapport annonçant que, faute d’être encadré par une escouade de vigiles et protégé par un accès payant le rendant inaccessible à ces destructeurs que sont les familles modestes, le site de Carnac était voué à une mort aussi rapide que certaine. Ce rapport alarmiste ouvrait la voie à des mesures. Un beau projet fut donc élaboré. Celui-ci projetait la création d’un musée flambant neuf, de parkings discrets mais conséquents et d’un centre commercial dûment équipé de toutes les enseignes spécialisées c’est-à-dire cafétéria, fast food et autres boutiques diverses bourrées de colifichets. Sous couvert d’en limiter l’accès pour en préserver l’état, la visite des menhirs deviendrait alors payante et sélective. Par contre, l’accès resterait libre au hall d’accueil (1600 m2) et bien sûr aux commerces. Le commerce, ce rouage essentiel du tourisme culturel était sauvé… Les fonctionnaires parisiens et les promoteurs intéressés par le projet trouvèrent malheureusement sur leur chemin des opposants particulièrement décidés. La lutte, souvent violente, devait ainsi durer plusieurs années. Une période pendant laquelle d’ailleurs, les représentants de l’Etat n’hésitèrent pas à passer en force, y compris en organisant l’expulsion manu militari des riverains et des occupants placés sur le tracé des futures autoroutes devant desservir le site. Locmariaquer, une tranche du site aménagée par l’architecte des monuments historiques, témoigne d’ailleurs unanimement aujourd’hui du fabuleux ratage dont sont capables les services de l’Etat dans un tel contexte. Des combats sur le terrain aux joutes dans les prétoires, le dossier a finalement atterri récemment sur le bureau de l’actuel ministre de la Culture, Jean Jacques Aillagon. Sans doute plus sage et moins intéressé que ses prédécesseurs, celui-ci à de facto suspendu le projet et demandé l’ouverture d’une nouvelle consultation en vue d’un projet de protection ne prévoyant que des aménagements légers, intégrés à la culture locale. Une décision qui intervient alors que le projet allait être de toute façon annulé par la cour d’appel de Nantes. Les mégalithes de Carnac voient donc pour la première fois depuis de longues années, le soleil se coucher sans risque de voir à l’aube les bulldozers creuser les fondations d’un super Menhirland.

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