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Bois-construction, bois-énergie… un rapport sénatorial veut relancer la filière

Publié le 22 juillet 2025

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Un rapport de la Commission des affaires économiques du Sénat pointe le paradoxe d’une ressource bois abondante mais sous-exploitée. Il propose ainsi 24 mesures pour structurer la filière bois, de la forêt aux produits construction et chauffage.
©Adobe Stock
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Publié le 9 juillet, le rapport de la commission sénatoriale des affaires économiques « Une filière qui sort du bois » part d’une interrogation : « Comment expliquer qu’un dixième du déficit commercial de la France (8,5 milliards d’euros) soit imputable aux produits bois, alors qu’un tiers de la superficie hexagonale est recouverte de forêts (17,5 millions d’hectares) ? », lit-on dans la synthèse.

En interrogeant 60 acteurs du secteur et visitant cinq sites industriels en Alsace et outre-Rhin, les rapporteurs Serge Mérillou et Anne-Catherine Loisier ont formulé 24 propositions.

24 propositions pour soutenir la filière bois, aussi bien amont (forêt) qu’en aval (produits).

Favoriser le bois dans la construction, comme en rénovation

 

Les sénateurs se sont d’abord penchés sur différentes familles de produits bois. Focus d’abord sur le bois-construction et le triptyque scier-sécher-transformer, défendu par les pouvoirs publics lors des Assises de la forêt et du bois de 2021-2022.

Le rapport appuie la nécessité de relancer cette priorité en France. L'objectif : « rattraper quinze ans de retard par rapport à l’Allemagne » sur l’offre bois technique (bois abouté, lamellé-collé, façade et mur ossature bois...). D’autant que la RE2020 fait la part belle aux matériaux biosourcés dans la construction neuve.

Parmi les propositions des rapporteurs, une première porte sur les normes incendie des bâtiments incluant du bois. Elle propose de modifier la notion de « solutions d’effet équivalent » afin d’autoriser des solutions après l’étape du permis, avec obligation de résultat.

« La REP PMCB, pour ne pas créer une distorsion de concurrence défavorable au bois, devrait inclure l’abattement sur les matériaux performants en matière de valorisation des déchets et sur les produits biosourcés, voté au Sénat, pour réduire l’écocontribution sur les déchets bois », est-il également suggéré dans la synthèse du rapport.

Côté rénovation, ses auteurs conseillent d’instaurer des bonus territoriaux à MaPrimeRénov’ pour la demande en isolants biosourcés, en fonction des ressources disponibles localement.

Un autre axe consiste à focaliser la formation sur « la connaissance de la matière, de son travail et de ses usages ». Le but étant d’instaurer un meilleur « dialogue entre différents maillons de la filière ».

Maintenir l’incitation au chauffage bois

 

L’accent est également mis sur le bois énergie. Le rapport propose notamment de « rétablir le taux normal de MaPrimeRénov' pour les appareils à pellets ou à bûches remplaçant du fioul, des foyers ouverts ou des appareils antérieurs à 2012 en zone rurale hors gaz ».

Une nouvelle dont se réjouit Propellet, association des professionnels du chauffage au granulé de bois. Pour l’organisation, « cette prise de position ouvre la voie à un rééquilibrage des politiques publiques en faveur des énergies renouvelables thermiques, aux côtés du solaire, de la géothermie et de l’énergie nucléaire ».

« Le retour du soutien au granulé est une réponse pragmatique aux réalités du terrain. Dans de nombreuses zones rurales, c’est l’énergie renouvelable la plus accessible et la plus cohérente avec les objectifs de transition énergétique », a salué son délégué général, Éric Val. D’autant que des coups de rabot ont été constatés sur l’incitation à l’installation des appareils de chauffage en 2024. Propellet craint également le projet de baisse des montants associés aux fiches des Certificats d'Économies d'Énergie (CEE).

« Alors que les budgets de soutien aux énergies renouvelables sont resserrés et que la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) n’est pas encore publiée, cette recommandation du Sénat constitue un signal fort », confie Propellet, qui demande des clarifications pour les particuliers et les installateurs.

Le rapport remarque également que la ressource bois n’est pas infinie et croît lentement. Des « appels d’air » sur la demande de bois énergie peuvent être anticipés via l'outil d'aide à la décision EnR'Choix et le plafonnement de quantité d’énergie biomasse produite. La commission sénatoriale prévoit d’ailleurs de valider au cas par cas la décarbonation des 50 plus grands sites industriels par la biomasse solide.

L’intervention du groupement d’intérêt scientifique (GIS) en faveur de la biomasse en ce sens est donc nécessaire pour les rapporteurs. Tout comme les cellules régionales biomasse, que le rapport appelle à renforcer. Comment ? En fiabilisant des données, améliorant la coordination interrégionale… Il est également conseillé de légitimer l’avis de ces structures – en concertation avec les acteurs forestiers et du bois - auprès des préfets, décidant les contrats d'approvisionnement des nouveaux projets bois énergie.

L’Allemagne, un exemple à suivre ?

 

Plus globalement, les sénateurs préconisent une révision du cadre socio-fiscal, afin de soutenir davantage « la transformation industrielle », notamment du bois. Premier levier : étendre les exonérations des cotisations sociales au-delà du SMIC, afin d’aider les emplois intermédiaires (de 1 700 à 2 700 € nets par mois), « plus fréquents dans l'industrie ». Le second : élargir le mécanisme européen d'ajustement carbone aux frontières (MACF) aux produits transformés, dont ceux en bois.

Le rapport souligne toutefois que l’ensemble des ressources forestières françaises « ne se valent pas », par rapport à des pays moins luxuriants comme l’Allemagne.

Or, « la forêt allemande, composée de résineux, plus dense, à la croissance et aux cycles de récolte plus rapides et avec des conditions climatiques plus propices à la végétation que le sud de la France, compte plus de bois potentiel que la forêt française », est-il rapporté dans la synthèse.

En revanche, la forêt française présente une « remarquable diversité génétique inter et intraspécifique», l’avantageant face au changement climatique. Pour se prémunir contre les risques de « stress hydrique, thermique et donc parasitaire », les sénateurs appellent à maintenir cette diversité. Cela implique une réorganisation des industriels, mais aussi des scieries, pour « mieux valoriser les gros et très gros bois » et les essences secondaires, notamment les feuillues.

À part pour les bois vendus par l’ONF ou dans les coopératives, la construction des prix des bois transformés est plus opaque, contrairement à son voisin outre-Rhin. Les rapporteurs réclament une meilleure transparence des prix en forêt privée (20 % des ressources).

 

Par Virginie Kroun

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