Construction bois : vers une transformation durable du secteur ?
Alors que le secteur de la construction est en pleine mutation pour répondre aux enjeux climatiques, économiques et sociétaux, le bois s'impose progressivement comme une solution incontournable.
Le champion de la décarbonation
L'un des principaux avantages du bois réside dans ses vertus écologiques. Contrairement aux matériaux comme le béton ou l'acier, fortement émetteurs de CO2 lors de leur production, « le bois est le seul matériau structurel capable de stocker du carbone tout en étant une ressource renouvelable », expose Zacharie Faure, prescripteur construction bois pour la Filière forêt bois Auvergne-Rhône-Alpes (Fibois AuRA). « Chaque mètre cube de bois retient environ 50 kg de CO2 », explique Julien Pemezec, directeur général du promoteur immobilier Woodeum.
Sarah Laroussi, directrice générale du Centre national pour le développement du bois (CNDB) va plus loin en précisant que ce stockage peut atteindre une tonne de CO2 par mètre cube, grâce au processus naturel de photosynthèse. Un potentiel qui s'inscrit dans le cadre des Accords de Paris, qui visent une réduction de 50 % des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030, avec l'objectif de neutralité carbone pour 2050.
La RE2020 impose également des contraintes strictes en matière de décarbonation. « Utiliser du bois dans une construction permet de piéger le carbone pendant toute la durée de vie du bâtiment, et parfois au-delà grâce au recyclage », relève M. Pemezec.
« Seule la moitié de l'aménagement naturel des forêts françaises est prélevé chaque année, ce qui garantit une exploitation durable. 1 000 m3 de bois utilisés dans la construction permettent de créer 21 emplois locaux, non délocalisables », souligne de son côté l'expert de la Fibois AuRA.
Des chantiers transformés… et un bien-être pour les usagers
En plus de ses bénéfices environnementaux, le bois révolutionne les méthodes de construction, notamment avec la préfabrication. « Les éléments en bois arrivent sur chantier pré-découpés au millimètre près, prêts à être assemblés. Cela permet de réduire par six le nombre de rotations de camions et de diviser quasiment par deux le temps nécessaire au gros travail », nous détaille le DG de Woodeum.
Le CNDB met également en avant d'autres avantages logistiques, comme sa légèreté, qui facilite notamment la surélévation des bâtiments existants. « Elle permet d'ajouter facilement des étages à des bâtiments existants sans risquer de nuire à leur stabilité », précise Sarah Laroussi. Ce procédé répond aux besoins croissants en logements dans les grandes métropoles, tout en limitant l'empreinte au sol, comme l'impose le ZAN. En moyenne, les délais de construction avec le bois sont réduits de quatre à six mois par rapport aux méthodes dites traditionnelles. De plus, les chantiers en bois sont beaucoup moins bruyants, un atout pour les zones urbaines densément peuplées.
Une fois les bâtiments livrés, les avantages se prolongent pour les usagers. Grâce à ses propriétés d'isolation thermique et acoustique, le bois « permet de réduire par cinq les factures énergétiques des logements, passant d'un peu plus de 100 euros à moins de 20 euros par mois», affirme Julien Pemezec.
Un autre exemple vient appuyer ces propositions : des logements sociaux rénovés avec des façades en bois à Sarcelles ont vu leurs besoins en chauffage chuter drastiquement. « Les façades en bois sont beaucoup plus isolantes, et les besoins de chauffage sont considérablement réduits », souligne Mme Laroussi. « Vivre au contact du bois améliore la qualité du sommeil, réduit la pression artérielle et augmente les émotions positives », note également le DG de Woodeum.
Encore des défis à relever
Malgré ses nombreux atouts, le coût initial du bois, légèrement supérieur à celui des matériaux traditionnels, est souvent perçu comme un obstacle. « Un bâtiment en bois coûte encore en moyenne 5 à 10 % plus cher qu'un bâtiment classique, mais la préfabrication réduit les délais de chantier et améliore la qualité », explique l'expert de la Fibois AuRA. « Ce surcoût va de pair avec la surqualité qu'il apporte », estime toutefois M. Pemezec.
« Il faut que toute la chaîne de production – industriels, constructeurs, architectes, bureaux d'études – s'approprie cette nouvelle approche pour en faire une technique courante. Aujourd'hui, le bois reste encore perçu comme un matériau d'innovation », poursuit-il.
Les idées reçues, notamment concernant la sécurité incendie, constituent un autre frein. « La réglementation incendie actuelle, en particulier pour les bâtiments de grande hauteur, limite fortement l'utilisation du bois visible, ce qui augmente les coûts», précise M. Faure. « Tous les matériaux brûlent », rappelle Sarah Laroussi. Contrairement à certaines croyances, le bois présente une combustion lente et stable, offrant un temps précieux pour l'intervention des secours lors d'incendies. « Le bois n'est pas plus dangereux que d'autres matériaux s'il est mis en œuvre dans les bonnes conditions », soutient-elle.
Quel avenir pour la filière ?
Malgré ces défis, le bois a déjà prouvé son potentiel au travers des projets ambitieux. « Nous avons démontré qu'il est possible de construire de très beaux immeubles en bois, avec des logements de grande qualité, mais aussi des bâtiments de grande hauteur comme notre tour de 16 étages à Bordeaux ou un projet similaire en cours à Lyon », explique le DG Woodeum. Sarah Laroussi souligne également la durabilité des bâtiments en bois, « conçus pour durer 15 à 20 ans, ce qui est idéal pour des infrastructures comme des pôles de santé ou culturels ».
Pour accompagner cette dynamique, le CNDB mène des actions de sensibilisation et propose des formations spécifiques. « Testez le bois, vous verrez que ses avantages sont réels et durables », recommande la DG du comité national pour le développement du bois.
La construction bois s'affirme ainsi comme une réponse durable et innovante. « Les seuils carbone imposés par la RE2020 d'ici 2031 vont pousser l'ensemble des promoteurs à adopter le bois comme matériau principal», assure Zachari Faure. « Avec le bois, le futur se construit au présent », conclut Sarah Laroussi.
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Propos recueillis par Marie Gérald
Photo de Une : Adobe Stock