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Face à la RE2020, les experts des sinistres dans le flou

Publié le 09 février 2022

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Si maîtres d’œuvre et entreprises de construction tendent à s’adapter à la RE2020, avant, pendant et à la fin des travaux, qu’en est-il de l’après ? Une question abordée par les assurances et experts en sinistres, qui s’interrogent sur la nécessité d’intégrer toutes les conformités de la RE2020 dans la prise en charge des dommages. Décryptage avec Christophe André, directeur technique et spécialiste génie climatique, équipements techniques, énergies renouvelables, au sein du cabinet Saretec.
Face à la RE2020, les experts des sinistres dans le flou - Batiweb

Bien avant son entrée en vigueur ce 1er janvier, la Réglementation Environnementale 2020 (RE2020), remplaçant la Réglementation Thermique 2012 (RT2012) interpellait déjà les professionnels du bâtiment, des maîtres d’œuvre aux artisans. Présents avant, pendant et à la fin de mise en œuvre, les intéressés ne doivent toutefois pas oublier l’après-construction.

Étape à laquelle interviennent notamment les assureurs sinistres, car si la construction neuve tend à devenir vertueuse via la réglementation, sa qualité n’est pas forcément garantie.

Des matériaux biosourcés parfois à l’origine de dommages

 

Tel est le constat de Saretec, cabinets d’experts spécialisés dans l’analyse de sinistres au service des assureurs. Son directeur technique et spécialiste génie climatique, équipements techniques, énergies renouvelables, Christophe André, cite notamment les isolants biosourcés, de celui en coton, inflammable, à celui en laine, rongé par les insectes.

Sans compter les performances techniques, qui laissent parfois encore à désirer côté solutions biosourcées. « La RE2020 prend en compte la construction sur toute sa durée de vie, de l’extraction des matières premières jusqu’à sa déconstruction, avec une durée d’exploitation de 50 ans », nous rappelle Christophe André, évoquant l’évolution incertaine du matériau en coton sur 30 ans. « Il faudrait demander à des chimistes et des laborantins qui font des essais, avec des vieillissements accélérés, mais effectivement sa caractéristique thermique, on ne sait pas comment elle peut s’altérer », ajoute-t-il.

Toujours selon l’expert, les estimations sont difficiles à prédire au long-terme, bien que la RE2020 « ne date d’hier », car née un Grenelle de l’Envirionnement en 2015. « Pour autant elle est très théorique. Il y a un calcul réglementaire, avec des formules mathématiques très normées, où sont imposés de bas niveau carbone (…) Il reste beaucoup de choses à faire au niveau des matériaux. On parle du béton cellulaire, du béton biosourcé, mais ce n’est pas encore démocratisé. Les filières de construction ont débuté les phases de recherche, mais aujourd’hui il reste encore plein de matériaux à mettre à disposition des marchés ».

Heureusement, contrairement à la RT2012, les obligations de conformité se veulent progressives, avec un dernier échelon en 2031. La pénalisation des entreprises non-conformes n’est pas de rigueur durant les deux premières années d’application de la RE2020. Ce qui laisse un temps d’adaptation, d’un côté pour les entreprises de construction souhaitant expérimenter ces innovations, de l’autre pour les assureurs souhaitant anticiper la marche à suivre.


Intégrer la conformité RE2020 dans la déclaration des dommages ?

 

Certes, les sinistres liés à des matériaux biosourcés sont déjà anticipés et pris en compte pour les assureurs. Mais ce n’est pas le cas de l’ensemble des spécificités de la RE2020.

Par exemple, l’incitation au réemploi des matériaux suscite le flou juridique et assurantiel, car « pour les assureurs, tout réemploi des matériaux est considéré comme une technique non courante, mais technique non courante veut dire possibilité d’assureur qui se décharge en cas de sinistre », souligne Christophe André.

Est aussi questionnée la mise en place d’une garantie décennale carbone, c’est-à-dire la prise en charge des mises en œuvre au mauvais bilan carbone.

« C’est notre grande question. Quand un cabinet d’expertise intervient à la demande d’un assureur, suite à une déclaration de sinistre, derrière il faut qu’il y ait un dommage. Aujourd’hui, une construction qui n’est pas conforme en termes de bilan carbone n’est pas considérée comme un dommage en soit. C’est plutôt une non-conformité constructive », explique le directeur technique de Saretec.

Un débat s’amorce donc sur la nécessité d’intégrer les non-conformités associées au bilan carbone dans la catégorie des dommages et donc leur prise en charge, même quand le sinistre ne se déclare pas. Christophe André, serait tenté de dire non. La question « avait déjà été posée sur la RT2012 sur les consommations d’énergies (…) et la réponse était non », précise-t-il.

Pour l’heure, l’ensemble des assureurs et analystes de sinistres nagent dans l’inconnu et l’appréhension, aussi bien sur cette question que sur les potentiels sinistres déclenchés par les matériaux biosourcés ou décarbonés. À ce propos, Christophe André déclare : « Je fais des formations chez des assureurs sur la RE2020 et je conclus en disant qu’il ne faut pas trop s’alerter non plus. Quand la RT20212 était sortie, tout le monde avait peur, avec exactement les mêmes questions sur de potentiels sinistres. Et au final on s’apercoit qu’il y en a eu très très peu ».

 

Propos recueillis par Virginie Kroun
Photo de Une : Saretec
 

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