Corse-du-Sud : deux entrepreneurs condamnés pour tentative d’extorsion à Palombaggia
Publié le 20 octobre 2025, mis à jour le 20 octobre 2025 à 17h20, par Batiweb Rédaction

L’immobilier de prestige en Corse-du-Sud refait parler de lui. Vendredi 17 octobre 2025, le tribunal correctionnel d’Ajaccio a condamné deux entrepreneurs pour tentative d’extorsion dans le cadre d’un projet de villa à Palombaggia, célèbre plage de Porto-Vecchio classée parmi les plus belles de l’île.
Une affaire où se mêlent amitiés anciennes, gros investissements et climat de tension sur fond de rivalités locales.
Le jugement rendu à Ajaccio
Le tribunal a reconnu Alain Terrazzoni coupable de tentative d’extorsion. Il écope de quatre ans de prison, dont 30 mois avec sursis probatoire pendant trois ans, et d’une amende de 50 000 €.
Son associé Jean-Jacques Pietri est condamné pour complicité à deux ans de prison, dont 16 mois avec sursis, et à 20 000 euros d’amende.
Le parquet avait dénoncé un « climat de terreur » instauré autour du propriétaire de la villa. Le tribunal a suivi ses réquisitions.
Du rêve à la rupture
Tout commence au début des années 1990. Jean-Philippe Benichou, entrepreneur installé sur la Côte d’Azur, se lie d’amitié avec Alain Terrazzoni, homme d’affaires corse. Ce dernier lui présente les frères Antoine et Paul-Noël Milanini, restaurateurs bien connus sur la plage de Palombaggia.
En 2016, les trois hommes investissent ensemble dans un terrain de 2 millions d’euros, découpé en six parcelles destinées à accueillir des villas haut de gamme. M. Benichou finance sa propre maison à hauteur de 800 000 euros.
Mais l’harmonie tourne court : des tensions de voisinage apparaissent, jusqu’à virer à la menace.
L’année suivante, 2017, Benichou enregistre plusieurs conversations où Terrazzoni lui réclame 500 000 euros « pour sa tranquillité », l’exhortant à revendre sans plus-value. « Ta vie, elle vaut combien ? 400 000, 500 000 € ? », entend-on sur l’un des enregistrements diffusés à l’audience.
Craignant pour leur sécurité, Benichou et sa famille quittent la Corse en hélicoptère vers Monaco, avant de s’installer en Israël. Une plainte est déposée en 2019. Le voisin, Antoine Milanini, a toujours nié toute implication, aucune charge n’a été retenue contre lui.
Des plaidoiries opposées
Pour la défense de Jean-Jacques Pietri, Me Marie-Line Orsetti dénonce une « mascarade probatoire ». Selon elle, le dossier ne prouve aucune infraction caractérisée.
De son côté, Me David-Olivier Kaminski, avocat d’Alain Terrazzoni, s’interroge : « Comment l’ami vertueux de trente ans est-il devenu l’ennemi démoniaque ? ».
Il estime que son client « a voulu aider » et que Benichou « s’est fait un film en pensant : c’est la Corse dans toute sa splendeur ».
Ce que dit la loi
L’extorsion est définie par le Code pénal (articles 312-1 à 312-9) comme le fait « d’obtenir par violence, menace de violences ou contrainte » une somme d’argent, un bien ou un avantage quelconque.
Elle est passible de sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende, des peines alourdies en cas de bande organisée ou d’usage d’arme.
Les affaires les plus graves peuvent relever des juridictions interrégionales spécialisées (JIRS), compétentes en matière de criminalité organisée.
Palombaggia, un site sous haute tension
Classée site naturel depuis 1972, Palombaggia est un joyau du littoral corse, soumis à la loi Littoral (articles L.121-8 et L.121-16 du Code de l’urbanisme). Entre pression foncière, projets touristiques et protection environnementale, chaque construction y est scrutée.
Les promoteurs et architectes qui y travaillent savent à quel point les opérations immobilières sont délicates : autorisations strictes, contraintes environnementales, et, parfois, tensions locales autour du foncier.
Ce que les pros du BTP doivent en retenir
1. Mener une due diligence complète
Avant tout achat ou projet de construction, il est essentiel de vérifier :
- l’historique foncier ;
- les servitudes et zones protégées ;
- la conformité avec la loi Littoral et la bande des 100 mètres.
2. Anticiper les risques humains et juridiques
Les différends de voisinage ou les pressions informelles peuvent impacter gravement un chantier. L’affaire de Palombaggia rappelle l’importance de sécuriser les partenariats et de formaliser chaque accord.
3. Intégrer la contrainte « climat-côte »
L’érosion et les risques littoraux doivent être pris en compte dès la conception du projet. Les études du Cerema ou du Conservatoire du littoral sont des outils précieux pour prévenir les litiges futurs.
Sources et références officielles
- Code pénal – articles 312-1 à 312-9 : définition et sanctions de l’extorsion (Légifrance).
- Code de l’urbanisme – loi Littoral : principes de protection du rivage (Légifrance).
- Préfecture de Corse-du-Sud : fiche d’information sur la loi Littoral (corse-du-sud.gouv.fr).
- Conservatoire du littoral : site classé Palombaggia (conservatoire-du-littoral.fr).
Conseils pratiques pour les entreprises du bâtiment
- Contrats : inclure des clauses de prévention-corruption et d’alerte interne.
- Traçabilité : documenter toutes les étapes du projet.
- Assurances : vérifier la couverture « défense-recours ».
- Parties prenantes : cartographier les riverains et associations locales.
- Conformité : anticiper le ZAN (zéro artificialisation nette) avant tout permis de construire.
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Par Camille Decambu