Érosion du littoral : plus de 1 000 bâtiments menacés en France d’ici 2028

Littoral français : plus de 1 000 bâtiments menacés par l’érosion d’ici 2028, selon une étude du Cerema
Le Cerema publie une première estimation nationale des bâtiments susceptibles d’être atteints par l’érosion côtière dans les cinq prochaines années. Un total de 1 046 constructions est concerné, principalement des logements et des établissements touristiques, avec un impact économique estimé à plus de 238 millions d’euros.
Un scénario d’alerte à cinq ans
L’étude commandée par le ministère de la Transition écologique s’appuie sur un scénario de recul du trait de côte à horizon 2028, intégrant à la fois l’évolution naturelle de l’érosion et les aléas climatiques exceptionnels (tempêtes, effondrements).
Le Cerema a croisé des données historiques, géographiques et cartographiques, enrichies par les retours d’expérience des services de l’État. Cette cartographie ne constitue pas une prédiction figée, mais un outil d’aide à la décision, permettant d’anticiper les situations critiques.
Plus de 1 000 bâtiments potentiellement exposés
L’analyse recense 1 046 bâtiments menacés, répartis sur les façades atlantique, méditerranéenne, manche et outre-mer (hors Mayotte et Guyane).
Parmi eux :
- 636 logements, dont une majorité de maisons individuelles,
- 191 bâtiments à usage commercial, incluant hôtels, restaurants, structures de loisirs,
- Une trentaine de bâtiments publics ou liés aux services.
Le coût patrimonial estimé dépasse 238 millions d’euros, concentré à près de 75 % dans le secteur résidentiel.
Les zones les plus touchées
Le Var et la Haute-Corse figurent parmi les départements les plus concernés, en raison d’une forte urbanisation en bord de mer. En Martinique et Guadeloupe, les zones littorales densément peuplées présentent également une vulnérabilité marquée.
Certaines régions, comme la Vendée ou les Pyrénées-Atlantiques, comptent moins de bâtiments menacés à court terme, mais localisés dans des secteurs à valeur foncière élevée ou à fort enjeu touristique.
Des implications fortes pour l’urbanisme et les collectivités
L’étude renforce la nécessité pour les communes littorales de réviser leurs documents d’urbanisme et d’intégrer le recul du trait de côte dans la planification territoriale. À très court terme, des actions de protection ou de relocalisation pourraient s’imposer.
Pour le secteur du BTP, il s’agit d’adapter les projets de construction et de renforcer les ouvrages existants, en tenant compte des risques d’érosion croissante.
Une acceptabilité sociale encore fragile
Le rapport souligne également les limites actuelles de la gestion du risque :
- Difficulté à identifier certains usages ou propriétaires,
- Manque d’évaluation sur l’état des protections existantes,
- Absence de base de données unifiée sur l’occupation du bâti.
Le sujet du "retrait stratégique" reste sensible, notamment pour les habitants peu enclins à abandonner leur bien, même exposé.
Un outil de travail pour orienter les politiques publiques
Le Cerema rappelle que cette étude constitue un point de départ. Elle vise à structurer une approche nationale, objective et transparente de l’exposition du bâti aux risques côtiers.
Cette initiative pourrait à terme servir de socle pour un référentiel de vulnérabilité du littoral français, dans le cadre de la loi Climat et Résilience, qui impose depuis 2021 une cartographie du recul du trait de côte à 30 ans.
Une mobilisation interdisciplinaire nécessaire
L’érosion côtière impose une nouvelle gouvernance, associant :
- L’État et les services déconcentrés,
- Les collectivités locales,
- Les professionnels de l’aménagement et du BTP,
- Les organismes scientifiques et techniques (Cerema, BRGM).
Face à l’urgence, la stratégie repose sur trois piliers : anticiper, informer, adapter. Ce travail inédit à cinq ans en est l’une des premières briques concrètes.
Par Camille Decambu