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Alcool sur chantier : l’interdiction justifiable ?

Publié le 19 avril 2022

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Afin de limiter la consommation d’alcool sur les chantiers et les risques associées pour la sécurité des salariés, de nombreux textes législatifs imposent à l’employeur de définir dans son règlement intérieur des mesures dédiées (interdiction, limitation…). Cependant, le caractère « proportionné » de ces mesures doit être prouvé, et la tâche n’est pas forcément aisée. Un arrêté du conseil d’Etat, publié lundi 14 mars, tend à tirer les choses au clair.
Alcool sur chantier : l’interdiction justifiable ? - Batiweb

La consommation d’alcool sur chantier préoccupe depuis des années le secteur de la construction. Une enquête de l’Inpes en 2012 rapportait que 13,4 % des actifs âgés de 16 à 64 ans boivent de l’alcool, quotidiennement ou ponctuellement dans le secteur de la construction. Le document liait ces comportements à différents facteurs professionnels : stress, exigences physiques comme mentales, habitudes, repas d’affaires…

Une étude de la Mission interministérielle de la lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) approfondissait ce constat avec une donnée : 15 à 20 % des accidents professionnels, de l’absentéisme et des conflits de travail sont liés à l’usage de l’alcool, qu’importe le secteur. 

La législation a également pris à bras le corps le sujet, en particulier l’article R.4228-20 du Code du travail. Selon ce texte, « aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n’est autorisée sur le lieu de travail ». L’article L. 4121-1 du Code du travail va plus loin en obligeant l’employeur à définir des mesures visant à protéger la santé et la sécurité des travailleurs et de prévenir tous risques d’accidents liés à l’alcool. 

Mesures pouvant imposer la limitation, voire l’interdiction de la consommation d’alcool, selon la nature des tâches et des postes, qui doivent être listés par l’employeur. Celui-ci est par ailleurs obligé de mettre à disposition la distribution d’eau potable et fraîche, à raison de trois litres par jour et par travailleur, afin d’éloigner ses employés de l’alcool.

Un arrêté pour statuer sur l’interdiction « proportionnée » de l’alcool

 

Cependant, l’interdiction de consommer de l’alcool sur le lieu de travail doit être « proportionnée au but recherché » selon le texte législatif. Or, justifier l’interdiction peut s’avérer ardu, le nombre d'accidents du travail ou par des sanctions préalables liées à l'alcool sur le site ne servent pas nécessairement de motifs tangibles.

La question a d’ailleurs fait l’objet d’une jurisprudence, impliquant une entreprise dont le réglement intérieur prévoit qu’il est interdit d’introduire, de distribuer ou de consommer des boissons alcoolisées dans l’établissement. La Direccte (depuis Dreets), en charge du contrôle du règlement intérieur, a jugé cette interdiction disproportionnée et a demandé la modification du règlement intérieur. 

La décision de la Direccte a été approuvée par le tribunal administratif, puis par la cour administrative d’appel. Ces instances ont estimé que le caractère proportionné n’est pas prouvé, « faute d’éléments chiffrés sur le nombre d’accidents du travail ou de sanctions préalables liées à l’alcool » sur le site. 

Toutefois, un arrêté du Conseil d’État ce lundi 14 mars 2022 vient rebattre les cartes en retenant les activités pratiquées sur le site de l’entreprise. Utilisation des machines et d’outils, manipulation de produits chimiques notamment en tôlerie et peinture… Ces tâches comprennent des risques et requièrent une certaine vigilance, comme le veut l’article R4228-20 du Code du travail.

« Ainsi, le Conseil d’État considère qu’il n’y a pas nécessairement lieu de se référer à des données relatives aux accidents du travail ou à l’existence d’éventuelles sanctions liées à la consommation d’alcool pour pouvoir apprécier le caractère proportionnel de l’interdiction absolue décrétée. La seule exposition des salariés à des risques pour leur santé et leur sécurité peut justifier l’interdiction de l’alcool par l’entreprise », commente l’OPPBTP ce jeudi 14 avril.

Mais est-ce qu'une telle interdiction peut être complétée par des mesures telles que le contrôle d’alcoolémie ? Comme l’invoquait la Cour de cassation en septembre 2015, cette procédure doit être très encadrée. 

Virginie Kroun 

Photo de Une : Adobe Stock

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