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Les objets connectés dans la maison, objets de désir, objets de phantasme, objets de rejet ?

Publié le 06 décembre 2019

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Les objets connectés dans l’habitat amènent vers la « Smart Home » la maison connectée en bon français et sont en développement. Alors que les smartphones sur lesquels la maison connectée s’appuie le plus souvent ont eu un taux de pénétration extrêmement rapide ces dix dernières années, les objets connectés de l’habitat (OCH) n’ont pas connu la même progression foudroyante. Pourquoi ?
Les objets connectés dans la maison, objets de désir, objets de phantasme, objets de rejet ? - Batiweb

Comme vous le découvrirez dans un des articles publiés sur Batiweb, l’association PROMOTELEC a fait paraître son étude annuelle sur la « maison intelligente ». Et cette étude est éclairante à plus d’un point. Elle recoupe un certain nombre d’informations que nous avons déjà publié. Nous avons un peu le sentiment de nous retrouver 15 ans en arrière, au moment où la mode de la « Domotique » ancêtre de la maison connectée, battait son plein, mais où le marché ne suivait pas.

 

Un potentiel de développement... virtuel !

 

Comme précisé plus haut, le taux de pénétration des objets connectés ne progresse pas très vite, sauf pour certains d’entre eux et seulement sur des segments de population bien précis.

L’étude réalisée par le cabinet Sociovision (1) le dit d’ailleurs clairement « Les imaginaires positifs gagnent du terrain, alors même que le spectre de la « maison espion » reste présent aux yeux d’une majorité́ de Français. » Car c’est l’item « Objet Connecté pour l’Habitat » qui a le plus progressé, avec +8% / 2018 et un total de 32 % de répondants tout à fait d’accord avec cette affirmation.

Mais le sentiment de danger et d’inutilité progresse lui aussi et c’est peut-être le plus surprenant dans cette intéressante étude.

Voici un petit résumé de la manière sur les perceptions négatives des OCH qui progressent d’une année sur l’autre.

 

Ils sont :

 

Inaccessibles

  • C’est réservé́ aux gens qui ont les moyens = 32% 
  • Ils deviennent vite obsolètes = 18% 

Dangereux

  • Ils peuvent nous espionner = 32% soit +8 points par rapport à 2018
  • Ils génèrent des ondes qui sont mauvaises pour la santé = 21% soit +5 points par rapport à 2018
  • Ils vont tout faire à notre place, on ne sera plus autonome = 16% soit +4 points par rapport à 2018
  • Ça me fait peur = 14% soit +4 points par rapport à 2018
  •  

Inutiles 

  • C’est pour les passionnés de technologie, les « geeks » = 22% soit +2 points par rapport à 2018
  • Ce sont des gadgets, ça ne sert à rien 15% +4 points. Ils vont nous compliquer la vie = 12% soit +2 points par rapport à 2018
  • Ils dépensent trop d’énergie 16% 

 

Regardons dans le détail chacun de ces ressentis.

 

Objets connectes espions

 

Les objets connectés pour l’habitat sont-ils inaccessibles ?

 

Si on en juge par les résultats de l’enquête, ce ressenti peut être considéré comme relativement fondé. Le profil de l’utilisateur type est un homme de moins de 35 ans, Franciliens et CSP+, propriétaire de son logement et/ou possédant une résidence secondaire.Loin du « français moyen » donc !

 

Et le constat qu’on peut faire dans un point de vente où en interrogeant les installateurs est simple : les prix des objets connectés ne se sont pas encore beaucoup démocratisés.

Seules certaines enseignes (IKEA, par exemple) tentent de rendre plus accessible une très courte liste d’objets connectés (éclairage, enceintes). Des distributeurs s’y lancent aussi, mais là encore sur des gammes courtes, avec des marques inconnues et des compatibilités faibles ou inexistantes avec les grands standards du marché.

 

Pourtant, des industriels et leurs installateurs sont en mesure de proposer sur le marché du neuf comme sur celui de la rénovation, des versions connectées de leurs produits ou de leurs gammes.

C’est le cas en chauffage, aussi bien du côté des chaudières et des PAC que des émetteurs, notamment pour les radiateurs électriques. Mais là encore, si on regarde plus en détail, les thermostats connectés comme les têtes thermostatiques connectées restent des solutions relativement onéreuses et dont le retour sur investissement est difficile à calculer.

 

Contre-exemple dans le domaine de la chaudière connectée, la communication à distance de l’état de la chaudière à l’installateur permet une maintenance prédictive qui réduit à presque rien le risque de panne en pleine période de chauffe. Et le propriétaire peut piloter son confort intérieur au jour le jour, si le générateur de chaleur est couplé à un thermostat connecté et « intelligent ».

Dans le domaine de la baie menuiserie, la fenêtre connectée se développe. Le fabricant KLine a lancé une opération « fenêtre connectée pour 20 euros » en 2019 qui est un bel acte de foi dans la Smart Home. Mais combien d’installateurs s’en sont emparés pour la proposer à leurs clients, l’histoire ne le dit pas encore.

 

  

Les objets connectés pour l’habitat sont-ils dangereux ?

 

Au-delà de la polémique symbolisée bien malgré lui  par le compteur Linky, le fait qu’ils pourraient générer des ondes mauvaises pour la santé inquiète 21% des répondants à l’étude, en progression de 5% par rapport à 2018. 32% (+8 points) des répondants pensent que les OCH peuvent nous espionner et la capacité des objets connectés à analyser nos comportements est jugée non souhaitables par 62% des Français et pourtant probable par 67% ! Il faut dire que les informations qui circulent sur la capacité des assistants vocaux à capter toutes les conversations d’un foyer, bien au-delà des ordres qui leur sont donnés, peut légitimement poser question. La CNIL n’a d’ailleurs pas manqué de le faire.

 

Les caméras qui accompagnent de plus en plus les kits d’alarme, ou qui se vendent séparément sont rarement équipées d’options qui permettent de les désactiver de manière simple lorsque la maison est occupée par ses habitants légitimes alors que c’est possible. SOMFY, avec sa Somfy Indoor Camera, affiche clairement la couleur via son accroche pour « une caméra qui protège le foyer ET la vie privée. » Cela se traduit pas un volet qui descend devant l’optique de la caméra et qui assure aux occupants que celle-ci est réellement hors service.

Enfin, sans s’étendre sur les craintes de perte d’autonomie qu’ils pourraient causer, 14%, soit +4 % des répondants déclarent tout simplement que les OCH leur font peur !

 

Enfin, pourquoi sont-ils considérés comme inutiles ?

 

Parce qu’ils sont encore trop considérés comme des objets  et applications destinés aux Geeks (22% +2 points), parce que ce sont des gadgets qui ne servent à rien (15% +4 points) qui compliquent la vie (12% +2 points) et qui consomment trop d’énergie (16%) ce qui est un curieux paradoxe. Plus d’un français sur six considérerait donc que des objets, dont beaucoup sont là pour lui faire économiser de l’énergie dépenseraient par eux-mêmes trop d’énergie...

Pour celles et ceux qui ont en mémoire Mon Oncle, le dernier film de Jacques Tati, ce dernier exprimait d’une manière beaucoup plus poétique une partie de ces inquiétudes... La maison connectée résisterait-elle à un personnage de 61 ans, poète, rêveur et bohème ?

 

Des raisons d’espérer... mais peut-être pas si proches que ça !

Dans des maisons qui se décloisonnent, au propre comme au figuré, il reste quelques raisons d’espérer, et l’enquête de l’association PROMOTELEC donne quelques pistes solides :

  • Plus une pièce est multifonction et ouverte, plus les OCH sont jugés utiles
  • La cuisine et le salon sont deux des pièces à très fort potentiel
  • Les attentes principales tournent autour du confort et du divertissement
  • L’optimisation de la consommation de l’eau figure en bonne place (mais curieusement, pas celle de l’électricité, alors que c’est pourtant une promesse  du compteur Linky !)
  • 60% des Français considèrent que la maison connectée facilitera les services à domicile, et donc leur développement.

 

Une offre extrêmement riche

 

Le dernier CES (Consumer Electronic show) de Las Vegas faisait une place de plus en plus large à la maison connectée. Il serait trop long de citer tous les industriels présents et les start-up exposantes mais on n’a pas encore vu se détacher une solution qui réunirait une majorité de fabricants sur un standard commun, car là est bien une partie du problème.

 

Quand on parle d’objets connectés pour l’habitat, la question des langages, protocoles et modes de communications utilisés en arrière-plan est fondamentale. Ils sont très nombreux et ont de quoi effrayer un particulier qui voudrait creuser la question. 

L’habitant d’un logement connecté va se retrouver avec des équipements qui vont utiliser un protocole différent, voire une manière différente de communiquer entre eux et avec leur télécommande, c’est à dire le smartphone ce qui les rend incompatibles entre eux. 

Il est habituel, dans une maison connectée, de devoir télécharger au minimum quatre à cinq applis pour pouvoir commander les différents objets connectés.

On pourrait espérer que les applications agrégatrices d’Apple, de Google et d’Amazon (via son enceinte connectée Echo) vont simplifier la vie des utilisateurs, mais ce n’est même pas sûr.

 

Les intérêts industriels doublés d’impératifs marketing ne poussent pas à une unification des écosystèmes et les enjeux sont tels pour chacun des acteurs, que le particulier et son installateur risquent d’attendre un moment avant que les freins à l’équipement puissent être levés.

 

Les installateurs justement qui, s’ils peuvent maîtriser les aspects techniques de la question, sont en partie prisonniers des choix d’assortiment de leurs fournisseurs et négociants spécialisés. Ceux-ci sont légitimement plus préoccupés par leurs politiques d’achat et leurs conditions tarifaires et de marges que par la simplification d’un écosystème bouillonnant.

 

Vie privée et libertés individuelles

 

Enfin  les craintes liées au respect des libertés individuelles et à l’autonomie de chacun sont-elles infondées ? Les GAFA, aimeraient dominer aussi ce secteur via leurs applications centralisatrices, leurs enceintes connectées, leurs langages Siri, Alexa, Cortana, Google Assistant et les smartphones qui au centre de tout cela.

On se souvient de ce patron de chaîne de TV qui disait, en 2004, vendre à ses annonceurs du temps de cerveau disponible (Patrick  Le Lay, dirigeant de TF1). Est-ce que nos géants du web ne vendent-ils pas du « temps d’achat disponible » grâce à une bien meilleure connaissance de nos habitudes de vie ? Les OCH connectés à leurs écosystèmes publicitaires sont et seront une source infiniment riche d’informations sur notre mode de vie et nos habitudes de consommation.

 

 

Il n’est finalement peut-être pas si mal que l'éclatement actuel autour des OCH freine une unification trop massive et trop rapide des interfaces de ces objets. Leur utilisation quotidienne va en dire beaucoup sur nous. L’une des dernières frontières de notre intimité n’est-elle pas notre domicile ?

 

Alors, qu’on soit utilisateur final ou installateur de ces produits, posons-nous à chaque fois la question du bénéfice réel qu’ils apportent, la question de la protection de notre vie privée et en dernier lieu, mais pas le moins important, la question de la manière dont ils vont contribuer à préserver l’environnement et donc la planète.

 

Régis Bourdot

Images © Adobe Stock / Kline / Promotelec / Enedis

 

(1) étude quantitative réalisée par Sociovision auprès de 1.500 Français (échantillon représentatif de la population française – quotas : genre, âge, région, CSP). L’enquête a été administrée en ligne. Le terrain s’est déroulé du 19 avril au 3 mai 2019.

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