Entre 50% et 75% des eaux françaises fortement dégradées
En effet, 25% des masses d'eau naturelles sont classées en "bon état probable", 25% sont "à risque" et 23% présentent un "doute" (les données manquent, ou il existe des incertitudes). 27% des eaux, qui ont été fortement modifiées par l'homme (comme les lacs de retenue des barrages), sont classées à part, n'ayant aucune chance de remplir le contrat.
Certains résultats sont alarmants: en Artois-Picardie, 100% des eaux souterraines sont classées "à risque" du fait de l'infiltration de polluants d'origine agricole et industrielle, et 82% en Seine-Normandie.
Selon l'équipe coordonnée par le professeur Jean-Claude Lefeuvre, ce bilan, déjà préoccupant, "est loin de réfléter la réalité", car il ne prend pas en compte les micro-polluants tels que les produits pharmaceutiques, phtalates (présents dans les plastiques), retardateurs de flammes bromés, dioxines (cancérigènes), ni les micro-algues toxiques, comme celles qui ont conduit à interdire pendant 5 semaines la vente des huîtres du bassin d'Arcachon.
Le bilan repose essentiellement sur l'analyse du "couple infernal" nitrates/pesticides, relève le professeur Lefeuvre.
"On n'a pas mis en place les structures qui permettent de mesurer les autres polluants, cela implique des laboratoires performants, du matériel et de l'argent", estime-t-il.
Une directive européenne de 1976 prévoyait pourtant un suivi de 99 micro-polluants. "La France a été condamnée le 12 juin 2003 par la Cour de justice européenne pour n'avoir pas mis en oeuvre cette surveillance", rappelle le Pr Lefeuvre. Elle a finalement transcrit la directive ... 30 ans plus tard, en 2005.
Il n'y a pas non plus de suivi national des micro-algues, alors que "sur toutes les côtes françaises on a des micro-algues toxiques, avec des accidents liés aux dinophycées (qui contaminent les coquillages), année après année celà ne fait que se renforcer", selon M. Lefeuvre.
Leur prolifération est liée à la qualité des eaux littorales, elles-mêmes dépendantes des eaux des rivières et de celle des bassins versants: c'est précisément cette chaîne que vise le "bon état écologique" de la directive européenne.
"C'est une chance historique de retrouver un bon état de nos rivières et de nos eaux souterraines, ne la gâchons pas en minimisant, faisons le bon diagnostic", lance le pr Lefeuvre.
Le biologiste, auteur du premier cri d'alarme sur les nitrates en Bretagne en 1970, met en garde contre la tentation pour la France de demander une dérogation à la directive.
Le gouvernement a présenté début avril au parlement une Loi sur l'eau, qui vise le "bon état écologique" en 2015 sans s'attaquer, selon les associations écologistes, au problème de fond des pratiques agricoles.