ConnexionS'abonner
Fermer

Pourquoi réhabiliter et non pas démolir ?

Publié le 25 juillet 2023

Partager : 

Les préoccupations environnementales actuelles invitent au questionnement sur l’utilisation des ressources. La réhabilitation du bâti ancien peut s’inscrire dans une double dynamique, améliorer l’existant, le transformant et l’adaptant aux normes actuelles, mais aussi le restaurer, le mettre en état, et le revaloriser. Les architectes sont presque unanimes concernant la réhabilitation, mais certaines approches et méthodes peuvent changer. Pour cela, nous sommes allés à la rencontre de plusieurs professionnels qui nous racontent leurs expériences, et nous donnent leurs impressions.
Pourquoi réhabiliter et non pas démolir ? - Batiweb

Un bâtiment, qu’il soit à vocation résidentielle ou tertiaire, publique ou privée, est perpétuellement soumis à des changements, des accoutumances, mais aussi des reconstructions. Et si jamais ce même édifice présentait des caractéristiques patrimoniales, il serait préférable que l’ensemble soit réhabilité, adapté et rénové. Toutefois, dans certains cas et selon l’état général du bâti, il semble difficile de le conserver, à ce moment-là une démolition serait envisageable. Mais concrètement, est-ce que cette marche à suivre est toujours appliquée ? Pourquoi réhabiliter, transformer, et non pas démolir ? Des questions qui reviennent très souvent et auxquelles les architectes apportent les réponses adéquates selon la nature de chaque intervention.


Adrien Robain, fondateur avec Alix Héaume de l’agence parisienne rh+ architecture, préfère utiliser le terme de « transformation » au lieu de «réhabilitation ». « Le mot de réhabilitation est assez limitatif. À l’agence, nous préférons utiliser le terme de transformation qui montre une opération plus ambitieuse, ou une éco-rénovation qui va au-delà d’une simple réhabilitation », déclare l’architecte pour qui ce genre d’intervention est essentiel. D’ailleurs, l’agence possède bon nombre de projets qui vont dans ce sens, qu’ils soient réalisés ou à venir. Adrien Robain continue sur la même lancée : « La construction représente 45 % (travaux publics et construction y compris) de l’énergie consommée en France, c’est un chiffre édifiant. D’autre part, le chauffage, c’est 60 % de l’énergie dépensée par foyer. Si nous arrivions, grâce à l’éco-rénovation, à réduire ces quantités, nous aurions accompli un travail colossal ».


Les architectes de rh+ sont convaincus qu’il faut transformer l’existant pour changer les usages sans forcément avoir recours à la démolition. Et comme la construction représente 25 % du cycle de vie d’un bâtiment, il faut, selon le duo, l’économiser en le transformant d’une manière intelligente. « Il faut anticiper le contexte de demain et transformer le bâti en profondeur en utilisant des matériaux biosourcés, en respectant les constructions locales et en adaptant les matériaux selon chaque région. Ancrer le bâtiment dans son histoire, rattacher le bâtiment avec son environnement, c’est transformer mieux, réhabiliter en réfléchissant thermiquement mais aussi socialement », souligne Adrien Robain.

Julien Rousseau, fondateur de l’agence d’architecture FRESH souligne, de son côté, que « la société est vouée à se transformer pour s’adapter à la nouveauté ». Selon l’architecte, «la transformation doit résonner avec réutilisation, réemploi, réhabilitation, rénovation, recyclage, mais aussi renaissance». Dans chacun des projets de restructuration, les architectes de FRESH s’appuient sur l’existant pour le rendre plus durable, et réduisent considérablement l’impact carbone sur l’environnement, à travers le choix des matériaux, la mise en œuvre du projet, et le programme de vie proposé.


Hervé Potin, associé de l’agence Guinée*Potin parle également de « transformation de l’existant ». Le terme anglais « refurbishment » serait par ailleurs plus approprié, selon l’architecte, qui trouve que la traduction française de « remise à neuf » n’est pas la plus explicite. Selon lui, aujourd’hui, la transformation concerne tout type de patrimoine, même s’il n’y a pas une seule transformation, mais des transformations.

 

Les exemples sont nombreux et variés, qu’il s’agisse de constructions de logements collectifs des années 1960 à 1970 (y compris les « vieilles » cités universitaires, comme la Cité U de Chanzy, que l’agence réhabilite à Nantes, en conservant sa belle trame d’origine), de collèges (qui ont quasiment tous été réalisés à partir du milieu des années 1960, puisqu’il n’existait pas de collège auparavant ), ou de patrimoine plus ancien, comme la halle art déco de la brasserie Saint-Hélier, que l’agence vient de réhabiliter, jusqu’au vieux presbytère que les diocèses revendent aux collectivités (comme la Salle festive de Riec-sur-Belon), d’anciennes écoles type Jules Ferry transformées en équipement public (Salle culturelle de Plescop), de maisons de maitre à l’abandon (manoir de Georges Durand pour le Centre Beautour, pôle culturel de La Chapelle des Fougeretz)… Les possibilités de réemploi d’un déjà-là de qualité sont quasiment infinies et sans limite pour l’expression architecturale !


À chaque réhabilitation sa solution

 

Crédit photo : Augusto Da Silva


L’expérience de la caserne des Minimes à Paris est édifiante. Il s’agit, en effet, d’un projet de transformation complète réalisée avec la plus grande adresse par rh+ architecture. Il s’agissait d’une caserne et de logements dédiés aux gendarmes avec une partie administrative qui tournaient le dos à son voisinage. « Nous avons ouvert l’ensemble, à travers le rez-de-chaussée actif, sur la ville. C’est une transformation lourde, où nous avons démoli seulement plusieurs cages d’escaliers qui ne répondaient plus aux exigences nouvelles du programme. Ainsi, nous avons gagné de la surface, nous avons également récupéré les combles pour en faire 70 logements ». C’est une transformation multiple qui a nécessité un grand savoir-faire.


Pour mieux cerner le projet, les architectes ont tout d’abord réalisé un diagnostic très complet, qui inclut l’étude historique et les recherches. Ils ont aussi mené des recherches concernant les environs, et, pour couronner tout, ils ont mené plusieurs concertations, ainsi que des réunions. « Avoir l’avis du voisinage est important car c’est eux qui vont s’approprier les lieux », précisent les architectes.


Dans ce genre d’intervention, garder une trace de l’histoire est un processus très important pour rh+ architecture. « Nous avons conservé les cheminées, qui ne sont plus opérationnelles, mais leur présence trace l’histoire du lieu. Nous avons conservé et remployé les parquets existants ». Tout a été pensé pour un résultat optimal qui semble être une réussite. « C’était une super expérience, une belle rencontre avec la maîtrise d’ouvrage, de discussions encourageantes, pour le bien-être des usagers. Tout le monde s’est mis en ordre de bataille, et si c’était à refaire, on ne changerait pas grand-chose, mais on utiliserait plus de matériaux biosourcés. Le projet datant de quelques années, à l’époque, ce n’était pas encore à l’ordre du jour. Aujourd’hui, tout a évolué, les isolants biosourcés performants existent et influencent sur le bilan carbone du bâtiment. C’est à prendre en considération », conclut Adrien Robain.

Crédit photo : Stéphane Chalmeau


Donnons un autre exemple, il s’agit de la restructuration et de l’extension de l’ancienne halle d’embouteillage de la brasserie Saint-Hélier, située à Rennes. Un projet emblématique, car il s’agit de l’un des rares bâtiments industriels rennais situé sur le site de l’ancienne brasserie Kronenbourg, réalisée en 1927 par l’architecte Georges-Robert Lefort. Un projet qui a été réalisé par l’agence d’architecture nantaise Guinée*Potin en collaboration avec l’agence Le Labo. Après la visite du site, ces derniers ont constaté qu’il s’agissait d’un système constructif significatif et élégant qu’il fallait à tout prix préserver, mais aussi révéler. Ainsi a débuté une restructuration délicate afin de garder l’esprit industriel, tout en répondant aux nouvelles normes, comme le rajout d’isolants thermiques et phoniques, la reprise de la dalle de béton délabrée, et l’éclairage, qui joue un important rôle pour la mise en exergue du lieu. Une multitude d’interventions subtiles, qui ont revigoré l’ensemble, sans oublier l’extension que les architectes ont greffé à l’existant. Un geste réalisé avec une telle minutie que la grande halle a gardé son aura d’origine. 


Le tertiaire aussi

 

Crédit photo : Fresh Architectures


La réhabilitation lourde concerne aujourd’hui, aussi bien un immeuble de logements que le secteur du tertiaire. À cette occasion, donnons l’exemple de l’immeuble situé au 6, rue de Sèvres, à Paris, qui a été réhabilité par l’agence d’architecture FRESH. L’édifice, qui a connu plusieurs vies, est destiné à accueillir une nouvelle firme. Pour cela, l’intervention ressemble à une véritable enquête qui a tracé les diverses strates du passé. Il en résulte plusieurs belles surprises que l’architecte Julien Rousseau nous a fait découvrir. Derrière une façade typiquement parisienne datant de l’époque haussmannienne, la présence d’un mur en brique ainsi que d’un comble en béton a interpellé les architectes, qui ont décidé de les conserver. Ainsi, l’ensemble, remanié avec le plus grand tact, entretient un dialogue subtil entre passé et présent.  

Crédit photo : rh+ architecture


De leur côté, les architectes de l’agence rh+ ont livré un immeuble de bureaux, pour lequel il a fallu améliorer énergétiquement l’ensemble mais pas que. À la demande des propriétaires, les bureaux devaient subir un total renouvellement. « Aujourd’hui, dans les programmes du tertiaire, les lieux de rencontres, les espaces de coworking et les respirations végétalisées, sont privilégiés, de même pour les espaces qui entretiennent le lien social et les rencontres », nous confie Adrien Robain. En effet, diverses modes et usages laissent la place à d’autres. À chaque époque ses exigences, et actuellement, le secteur du tertiaire subit de véritables chamboulements.


L’amélioration de l’existant et la limitation des démolitions sont considérées comme l’un des principaux piliers qui guident l’architecture vers la neutralité carbone. Quant à la réhabilitation urbaine, elle consiste à veiller au respect du caractère architectural des bâtiments, mais aussi du quartier. Toutes ces préoccupations convergent vers une exigence énergétique, qui changera indubitablement les modes d’habiter et de travailler.

 

Sipane Hoh 
Photo de une : ©Stéphane Chalmeau - L'ancien presbytère de Riec-sur-Belon (29) réhabilité en salle festive par Guinée*Potin

Sur le même sujet

bloqueur de pub détecté sur votre navigateur

Les articles et les contenus de Batiweb sont rédigés par des journalistes et rédacteurs spécialisés. La publicité est une source de revenus essentielle pour nous permettre de vous proposer du contenu de qualité et accessible gratuitement. Merci pour votre compréhension.