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Le Ségur de la santé est-il toujours un moteur de la construction d'hôpitaux ?

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Publié le 15 décembre 2025, mis à jour le 15 décembre 2025 à 10h14, par Raphaël Barrou


Depuis juillet 2020 et le lancement du Ségur de la santé, la France tente de moderniser ses hôpitaux. Mais derrière les promesses, les réalités locales, comme au Centre hospitalier de Morlaix, révèlent des défis persistants, entre pénuries de personnel et chantiers complexes.
©Adobe Stock
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En juillet 2020, la France sort de son premier confinement lié au Covid-19. Le gouvernement profite de ce moment pour annoncer les conclusions du Ségur de la santé, une concertation nationale lancée en mai avec les syndicats, les fédérations hospitalières et les associations de patients. 

Les engagements sont ambitieux : 8,2 milliards d’euros par an pour revaloriser les rémunérations des soignants. Et surtout 19 milliards d’euros d'investissements prévus de 2021 à 2029 pour moderniser les hôpitaux et les Ehpad. D'une part, 10 milliards d’euros pour la modernisation du patrimoine immobilier (constructions neuves, rénovations lourdes, efficacité énergétique). De l'autre, 9 milliards d’euros pour les investissements matériels et numériques (IRM, scanners, robots chirurgicaux, télémédecine, cybersécurité).

« C'est un changement de méthode et un changement de vitesse », déclare alors Olivier Véran, ministre de la Santé à l'époque. Pourtant, derrière ces chiffres, la réalité est plus nuancée et les centres hospitaliers doivent encore prendre en charge une bonne partie des travaux. 

Depuis 2020, la France compte plus d’une vingtaine de projets hospitaliers majeurs (construction ou restructuration), répartis sur tout le territoire. Pour les plus emblématiques, les investissements se chiffrent en plusieurs centaines de millions d’euros par projet. Pour le CHU de Bordeaux, le budget se chiffre même à 1,4 milliard d'euros jusqu'en 2037.

L'héritage du Ségur de la santé au niveau local

 

De l'enveloppe de 10 milliards d’euros dédiée à la construction et rénovation, 24 millions ont été alloués à la construction d’une extension du Centre hospitalier des Pays de Morlaix (CHPM), qui doit se faire entre l'été 2026 et février 2028. L'idée étant de doter le CHPM d'un nouveau bâtiment de 8 850 m², qui regroupera 180 lits de médecine, répartis en six unités de 30 lits et coûtera au total 94 millions d’euros. 

« Il y a 24 millions d'euros financés par l'État, via l'ARS, mais tout le reste, c'est un emprunt que doit faire l'hôpital », rappelle Jean-Luc Fichet, sénateur socialiste du Finistère. « Cela fait 70 millions et ça, c'est compliqué pour les établissements de santé. Parce que cela veut dire que le centre hospitalier aura une dette qui devra être remboursée chaque année sur son budget de fonctionnement. Et les budgets de fonctionnement des hôpitaux, aujourd'hui, ils sont tous dans le rouge. »

Sept candidatures ont été déposées avant l'été 2024 pour répondre à l'appel d'offres concernant la réalisation de ce projet de construction d'un bâtiment d'hospitalisation de médecine supplémentaire. « Ils en ont retenu trois au cours de la première phase : celles de Bouygues Construction, de Vinci et de GCC », se souvient Loïc Briard, directeur régional Bretagne - Pays de la Loire de GCC construction. 

En septembre 2025, le marché est finalement attribué à GCC Construction, le tout pour près de 34 millions d'euros.

Un chantier complexe dans un hôpital en fonctionnement

 

Selon Loïc Briard, il a ensuite fallu tenir compte de la particularité du chantier de Morlaix. « C'est une extension de bâtiment sur un site gigantesque avec des bâtiments qui ont été construits à des époques assez différentes. » 

Autre spécificité du lieu : le dénivelé. Selon Loïc Briard, celui-ci engendre des coûts supplémentaires, avec l'utilisation de pilotis pour connecter ce bâtiment aux autres unités du CHPM. « Le premier niveau est posé sur de grandes chandelles, des poteaux. Ça aussi, c'est une contrainte structurelle et technique, mais largement réalisable. Même si le délai de 20 mois est tendu. »

Mais surtout, le chantier doit se faire dans un centre hospitalier en fonctionnement« Le centre hospitalier doit rester en activité, avec toutes les contraintes que cela génère. » Le dirigeant régional de GCC Construction évoque notamment la mise en œuvre de dispositions particulières pour assurer la non-dispersion de poussière pour éviter les risques d'aspergillose et de légionellose

Pour ce faire, Loïc Briard nous confie : « On asperge d'eau à chaque fois qu'on terrasse pour éviter la propagation de poussière. » Des précautions que GCC Construction combine avec des carnets de phasage « très précis » ainsi qu'une communication en étroite collaboration avec les services techniques de l'hôpital.

« Cela demande une organisation de chantier draconienne, très précise sur le stockage », ajoute-t-il. « On a peu de place donc on peut pas beaucoup s'étaler. Or, dans nos chantiers, nous avons besoin de nombreuses zones de stockage pour gérer tous les approvisionnements, les camions, les toupies et les matériaux qui doivent être apportés. »

L'emploi local dans le chantier du CHPM 

 

En répondant à l'appel d'offre, GCC Construction a pris des engagements en terme de recrutement de main-d'œuvre locale. « On fait le gros œuvre et après, on assure surtout ce qui est coordination logistique et la partie ingénierie de l'opération. Mais nous allons avoir besoin de plaquistes, de peintres, d'électriciens, de plombiers... » Pour répondre à ces besoins, Loïc Briard affirme que l'entreprise va sous-traiter. 

GCC Construction a aussi un engagement en terme d'insertion professionnelle sur ce chantier. En général, c'est 5 % des heures qu'il faut faire faire à un public en insertion professionnelle. Mais GCC aurait choisi de dépasser cet objectif. 

En plus du nouveau bâtiment qui sera construit prochainement, le CHPM a ouvert un nouveau Centre de santé mentale fin septembre 2025. « Avec ce chantier, le premier objectif, c'est évidemment le confort et le niveau de prise en charge des malades. Maintenant, pour compléter le tableau, il faudrait qu'il y ait au moins deux ou trois ou quatre psychiatres de plus. Parce que pour avoir un rendez-vous aujourd'hui avec un psychiatre, il faut attendre quasiment 6 mois ! », regrette Jean-Luc Fichet.

Des manques subsistent dans certaines spécialités

 

Car si le Finistère et les alentours de Morlaix sont « bien dotés » en services hospitaliers, le sénateur alerte tout de même sur des difficultés. Notamment sur la concentration de certaines spécialités qui ne sont parfois accessibles qu'à Brest, à une heure de voiture pour les habitants de Morlaix.  

Pour l'élu, le CHU de Brest a l'avantage d'être à la pointe de la médecine, mais cette concentration a impacté les centres hospitaliers de proximité. « L'exemple le plus criant maintenant, c'est celui des maternités. » Celle de Morlaix serait particulièrement en difficulté, réalisant environ 600 accouchements par an, alors que les objectifs tournent autour entre 1 000 et 1 100. 

À mi-chemin des investissements liés au Ségur de la santé, des progrès semblent encore être à faire en terme d'accès aux soins hospitaliers en zone rurale. Pour Loïc Briard, l'antenne régionale de GCC devrait d'ailleurs monter en puissance pour participer davantage aux constructions des structures de santé. « Le Ségur de la Santé montre qu'il y a quand même pas mal de besoins. Donc j'espère que GCC prendra une place de plus en plus importante de ce type d'opération. »

Par Raphaël Barrou

Raphaël Barrou
Journaliste - Batiweb

Raphaël Barrou est journaliste à la rédaction de Batiweb. Passionné par le monde du bâtiment et de l’immobilier, il s’intéresse en particulier aux actualités de travaux de rénovation et à l’avenir du secteur de la construction concernant l’utilisation de l’IA et de la robotique.

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